• Ce jeudi matin 9 février, Anne nous a donné rendez-vous dans le cadre de son atelier "Marches de 6 km" à Générations 13 pour une promenade commentée dans le quartier du Temple à Paris, en balayant les siècles depuis le 12e jusqu'au 19e.

    Ayant fait moi-même le repérage en sa compagnie la semaine précédente, j'ai accompagné une partie du groupe, notes à la main : Anne m'avait vraiment "mâché le travail" en me procurant un descriptif très détaillé, et du parcours, et des différents points à commenter.

    Le square Emile Chautemps (nom d'un médecin et d'un ministre) où commence la balade a été créé sous Napoléon III, à l'époque du Baron Haussmann. C'est le premier square de Paris dessiné "à la française". On y a trouvé, m'a dit Anne, à l'époque beaucoup de squelettes car il se situe à l'emplacement de l'ancienne Cour des Miracles dont Victor Hugo parle dans Notre-Dame de Paris.

    Dans ce quartier très pieux de Paris au Moyen-Age (on y trouvait le Couvent des Filles Dieu pour les prostituées repenties créé sous Saint-Louis ainsi que l'Hôpital de la Trinité situé rue Saint-Denis), il y avait beaucoup d'invalides, d'orphelins et de pauvres venant des alentours pour mendier.

    Le nom de "Cour des Miracles" vient de ce que les éclopés de la journée guérissaient le soir comme par miracle, se transformant souvent en coupeurs de bourse. Bref, un quartier où il ne faisait pas bon traîner à la nuit tombée..;

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Une colonne au centre du square rappelle les victoires de Napoléon III pendant la guerre de Crimée - Sébastopol et 3 autres victoires) et, de part et d'autre de celle-ci, deux bassins ornés de fontaines représentent, l'une la Musique et Mercure, et l'autre l'Industrie et l'Agriculture.

    Mercure et La Musique d'Auguste Ottin

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Mercure et son caducée

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    La Musique avec sa lyre

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    L'Agriculture et L'Industrie de Charles Gumery

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    L'Agriculture

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    L'Industrie

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Le théâtre de la Gaîté-Lyrique borde le square du côté de la rue Papin. Il a été construit en 1861 sous le règne de Napoléon III et Offenbach en est devenu le directeur en 1873. C'était le temple de l'opérette. Il est aujourd'hui un centre culturel dédié au arts numériques et aux musiques actuelles.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Au fond du square, le Conservatoire des Arts et Métiers et son musée, en partie dans les locaux de l'abbaye Saint-Martin des Champs créée au 13e siècle.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    C'est l'abbé Grégoire qui fut à l'origine de la fondation du CNAM au 18e siècle. Il a également collaboré à la constitution d'un répertoire des patois pour favoriser l'uniformisation du langage (beaucoup de gens à cette époque ne parlaient pas le français).

    « On peut uniformer le langage d’une grande nation... Cette entreprise qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple français, qui centralise toutes les branches de l’organisation sociale et qui doit être jaloux de consacrer au plus tôt, dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté. »

    Au 252 de la Saint-Martin se trouve l'église Saint-Nicolas-des-Champsdifficile à photographier car il n'y a pas de recul. L'église est essentiellement de style gothique flamboyant mais sa construction s'est déroulée en cinq étapes pendant deux cents ans, de 1420 à 1620.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

     Le « clou » de l'église est un retable complet du 17e siècle (1629) représentant l'Assomption de la Vierge par Simon Vouet qui se trouve dans le chœur.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

      Il s'agit de l'unique retable parisien ayant échappé aux destructions de la Révolution. Il est scandé de colonnes et pilastres corinthiens et surmonté d’un frontispice (fronton triangulaire ponctué de deux anges tenant la couronne de l’Assomption). Il est par ailleurs complété de quatre anges en stuc sculptés par Jacques Sarrazin.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Dans le registre du bas, terrestre, sont représentés les apôtres autour du tombeau de la Vierge.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Dans le registre du haut, céleste, est représentée l'Assomption de la Vierge.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Ont été inhumés dans l'église, entre autres :

    Guillaume Budé, humaniste de la Renaissance (et rénovateur de l'étude du grec en France), dont le testament comprend ces mots : « Je veux estre porté en terre de nuict et sans semonce ».

    Madeleine de Scudéry, romancière, la célèbre Précieuse de l'Hotel de Rambouillet.

    A la sortie de l'église, nous prenons à l'angle la rue Cunin-Gridaine qui longe la façade. Là, se trouvent des ruines du 15e.

     De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Le portail Sud date du 17e siècle. Pilastres cannelés, chapiteaux d'ordre composite, entablement à multiples ornements, anges musiciens et anges tenant une palme (des Renommées), ailés et vêtus à la manière de Germain Pilon, forment un ensemble sculptural et architectural de haute qualité.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

     Pour en savoir plus...

    Avec la rue au Maire, nous entrons dans le quartier chinois le plus ancien de Paris. Après la seconde guerre mondiale, les Chinois Wenzhou (province de Zhejiang), reprennent les ateliers du IIIe arrondissement situés rue du Temple, rue au Maire, rue Volta et rue des Gravilliers. Puis, dans les années 1980, l’immigration en provenance de Wenzhou reprend. Les ateliers de confection se sont alors développés avec une main-d’œuvre principalement originaire des campagnes. Les Chinois du IIIe ne sont pas, contrairement à ceux du XIIIe, des réfugiés. Venus directement de Chine populaire, ils ont immigré pour des raisons économiques.

    La rue est décorée de lampions rouges en l'honneur du Nouvel An chinois. Ceux-ci sont symboles de fortune et de bonheur en Chine.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    J'ai fait le repérage de la balade avec Anne et Martine.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Après avoir traversé la rue Beaubourg, nous voici en face du Numéro 3 de la rue Volta, où se trouve une maison à colombages datant du 17e siècle.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Enfilant la rue Réaumur sur la droite, je remarque l'existence de beaucoup de bijoutiers chinois.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Nous rejoignons ainsi le square du Temple qui occupe une part de l'ancien enclos des Templiers, et recouvre partiellement l'emplacement passé de la tour du Temple.

    Le square, créé par Jean-Charles Alphand lors des travaux du baron Haussmann, est un jardin à l'anglaise. Au fond, la mairie du IIIe arrondissement et à droite, un marronnier qui rappelle le souvenir du premier marronnier de Paris rapporté de Constantinople par Bachelier en 1615.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Avant de sortir du square, on remarque à gauche dans la rue Perrée, un immeuble de briques et pierre qui a fière allure : il s'agit de l'Hôtel de la Garantie qui faisait autrefois le contrôle des métaux précieux. Ce bâtiment construit en 1925 est devenu le Commissariat de Paris-Centre regroupant les quatre premiers arrondissements de la capitale.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Un superbe coq surmonte la grande pendule située dans le fronton.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Face à la mairie un panonceau explique brièvement l'histoire des Templiers.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

     

    Face à la mairie du IIIe arrondissement, des clous marquent l'emplacement de l'ancien donjon de l'enclos.

    L'enclos du Temple : une promenade dans Paris avec Générations 13

    L'enclos du Temple : une promenade dans Paris avec Générations 13

    L'histoire des Templiers

    L'Ordre des Templiers est fondé au XIIe siècle par Hugues de Payns pour défendre le Saint-Sépulcre de Jésus à Jérusalem : ce sont des moines-soldats appartenant à un Ordre où ils entrent en prononçant des vœux et en vivant selon une règle. Suite à la chute du royaume de Jérusalem en 1244, ils construisent des commanderies dans toute l'Europe et particulièrement en France. 

    Les commanderies (qui sont de grosses fermes) recrutent des chevaliers (quelques quinze mille hommes), recueillent des donations et les font fructifier, Les commanderies sont placées sous l'autorité du Pape Benoit XI. Le roi, à cette époque, est Philippe le Bel. 

    A Paris, les Templiers reçoivent en don du Roi, en dehors des fortifications de Philippe Auguste, les terres qui constituent l’Enclos du Temple, un vaste territoire de 6 hectares formé de champs et de marécages. Celui-ci est entouré d’une enceinte de 8 mètres de haut, renforcée au XIIIe siècle par un donjon, la tour du Temple. 

    Cet enclos était si bien fortifié que les rois et les particuliers y mettaient leurs trésors en dépôt (il y avait ici des draps tissés au fil d'or ainsi que le coffre-fort du roi, sa couronne et son sceptre que ce dernier avait déposés ici contre un emprunt lui permettant de guerroyer pour étendre son territoire).

    C'est ainsi que l'enclos du Temple devint une véritable banque. De plus, jusqu'à la Révolution, cet endroit était un lieu de franchise fiscale.

    Le Temple en 1450 par Théodor Hoffbauer

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    A gauche, la tour César protège l'église voisine Sainte-Marie du Temple, à droite la Grosse Tour ou donjon de cinquante mètres de haut avec ses quatre tourelles et le palais du Grand Maître de l'Ordre. 

    A force de guerroyer, la dette à rembourser est conséquente et les finances du royaume au plus bas...

    Une décision s'impose : Plus de Templiers, plus de dette !

    Le procès des Templiers

    Avec la complicité du nouveau pape, Clément V, le 14 Septembre 1307, dans tout le royaume, les Templiers sont arrêtés, envoyés dans les geôles royales et torturés jusqu'à obtention de leurs aveux d'hérésie au sein de l'ordre.

    Parmi les 140 Templiers de Paris, 54 sont brûlés vifs après avoir avoué, sous la torture, pratiquer la sodomie ou commettre des crimes extravagants comme de cracher sur la croix ou de pratiquer des "baisers impudiques". 

    Le pape prononce finalement la dissolution de l'ordre le 3 avril 1312.

    Après sept années de procès, la plupart des Templiers sont envoyés en prison ou finissent au bûcher. Le grand maître de l'ordre du Temple, Jacques de Molay, et son second Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie, sont mis à mort le soir du 19 Mars 1314 sur un bûcher double sur l'île aux Juifs à Paris, disparue aujourd'hui mais située alors au niveau de l'actuel square du Vert-Galant à la pointe de l'Île de la Cité.

    Toutes les richesses reviennent de droit à la royauté, affaire conclue !

    Avec l'affaire du Temple, la monarchie capétienne montre qu'elle entend suivre son intérêt politique et ne plus se comporter en vassale de l'Église.

    Les bâtiments de l'enclos du Temple à Paris sont démolis après la Révolution (le rempart et l'église) à l'exception du donjon où la famille royale (Louis XVI, Marie-Antoinette et Mme Royale) fut enfermée le 13 août 1792 jusqu’à son exécution le 19 décembre 1795. 

    On dit que Mozart enfant joua en 1764 lors de sa tournée en Europe avec son père dans l'Hôtel du Grand Prieur mais celui-ci disparut lui aussi à la Révolution. 

    Napoléon, voulant effacer les marques d'un passé peu glorieux, fit raser le donjon en 1805, L'enclos du Temple fut reconstitué en carton lors de l'Exposition Universelle de 1889 comme fut évoquée la Cour des Miracles à l'Exposition Universelle de 1900, 

    En face du square, le marché du Temple

     La Ville de Paris fait construire en 1807 un marché couvert situé à l'emplacement de l'actuelle halle. Ce marché édifié entièrement en charpente de bois, œuvre de l’architecte Jacques Molinos, rencontrera un grand succès. On l'appellera le Carreau du TempleConstruit en bois, il est alors constitué de quatre carrés ayant chacun sa spécialité.

    Dans le cadre de la rénovation urbaine voulue par Napoléon III et le préfet Haussmann, la ville décide de le remplacer en 1860 par une structure métallique, plus sûre face aux fréquents incendies, Il permettait alors à 2000 commerces de s'y installer. Cependant, le marché décline et en 1892 il ne reste plus qu'une centaine de marchands. 

    En 1982, l’unique bâtiment restant est classé à l'inventaire des Monuments historiques, écartant ainsi définitivement tout risque de démolition future. Le Carreau du Temple actuel propose des activités culturelles, sportives et accueillera de nombreux événements grands publics.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Longeant le marché sur la droite, nous prenons la rue de Picardie puis la rue de Bretagne non sans faire un petit tour dans le Marché des Enfants-Rouges. Pourquoi ce nom me direz-vous ? C'était la couleur de l'uniforme des enfants d'un hospice créé par Marguerite de Navarre pour les orphelins du quartier

    Sur les traces des Templiers..., l'enclos du Temple avec Générations 13

    Je n'ai pas pris le temps de prendre une photo à l'intérieur mais cette photo tirée d'internet montre bien l'ambiance familiale version "bobo" du lieu partagé entre les étals des marchands venant des quatre coins du monde et les petits restaus où on peut déjeuner sur le pouce.

    L'enclos du Temple : une promenade dans Paris avec Générations 13

    Au bout, la place « de France » où Henri IV aurait voulu faire inscrire les noms des rues des différentes provinces de France mais il n'en n'a pas eu le temps puisqu'il fut assassiné. Pour information, on doit à Henri IV la création de la place des Vosges...

     Projet de Claude Chastillon en 1610

    Avouez que ça aurait eu "de la gueule" !

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Le projet n'aboutira donc pas mais on trouve dans ce quartier :  la rue du Poitou, la rue de Saintonge, la rue de Bretagne, la rue de Normandie, la rue du Perche, la rue de Picardie, la rue du Forez, la rue de Beauce et le rue de Franche-Comté.

    Nous empruntons ensuite la rue des Filles-du-Calvaire (ainsi appelée car on y trouvait un couvent) et je remarque un joli balcon au Numéro 6.

     De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Au bout de la rue, nous quittons le 3e arrondissement pour entrer dans le 11e.

     se trouve le Cirque d'Hiver créé en 1853 sous Napoléon III par l'architecte Jacques Hittorf (celui de la Gare du Nord). Il a été construit en métal et recouvert de pierres. Le Cirque Napoléon comme il s'appelait à l'origine, se dessine sur 42 mètres de diamètre, et compte 40 fenêtres réparties sur 20 pans formant un icosagone, 21 lustres à gaz, 5 900 places. Ses décorations intérieures et extérieures sont confiées aux grands sculpteurs et peintres de l’époque : Pradier, Bosio, Gosse, Barrias.

    Le Bâtiment est toujours géré par Bouglione (spectacles équestres, concerts). Cliquez ICI pour accéder au site du cirque et en voir l'histoire en détails.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Longeant le Cirque d'Hiver par la droite, nous prenons à gauche la rue Oberkampf qui mène au boulevard Voltaire, un quartier populaire où se sont installés de nombreux artisans.

    Le tristement célèbre Bataclan se trouve au Numéro 50 du boulevard.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    A gauche de l'entrée une plaque rappelle l'attentat du 13 novembre 2015 qui fit de nombreux morts et aussi beaucoup de blessés.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Le Bataclan a été construit en 1864 en forme de pagode.

    En face de la salle de spectacle, un square auquel on accède en suivant de petits "clous" fixés dans le bitume.

     

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Là, une stèle comporte les 90 noms des victimes.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    En longeant le square jusqu'à l'autre extrémité, on peut reprendre la rue Oberkampf pour aller voir au Numéro 47 l'un des seuls endroits de Paris où l'on peut encore voir des pavés de bois (il y en a aussi au Numéro 81 de la rue Saint-Maur).

    Ces pavés avaient été installés sous le préfet Haussmann en copiant sur la ville de Londres (la ville moderne par excellence) mais durant la grande crue de Paris en 1910, les inondations les soulèvent et dépavent les chaussées de bois. A la décrue, d’autres matériaux sont choisis. Les pavés de bois sont progressivement délaissés et définitivement abandonnés en 1938.

    De la Cour des miracles au quartir Popincourt avec Générations 13

    Savez-vous que le pavé de bois gagne à l'époque les lieux les plus prestigieux de la ville : l’avenue des Champs Elysées, l’avenue Marigny, la place Beauvau, la rue de l’Elysée, la place de l’Opéra, la rue Royale et les grands boulevards... ?

    Si l'on continue la rue Oberkampf un petit peu, on croise la rue Popincourt qui a donné son nom à ce petit "village" seulement formé de quelques rues.

    Un grand merci à Anne pour la préparation de cette très intéressante balade parisienne.


    1 commentaire
  • Cette fois-ci, c'est la bonne !

    Après plusieurs annulations, nous avons enfin pu assister à la visite guidée qu'Anne-Marie avait prévue pour ce mois de janvier dans le cadre de son atelier "Petites promenades dans Paris" à Générations 13 : celle de la Fondation Eugène Napoléon sise au 254, rue du faubourg Saint-Antoine dans le 12ème.

    Notre guide - tout comme la semaine dernière pour la visite de l'Hôtel de Soubise - est toujours Gilbert Obel, de l'association "Paris Art et Histoire". Celui-ci va nous raconter tellement de choses (sans jamais regarder une note) que le post qui suit fera pâle figure au regard de sa conférence.

    Mais enfin, c'est tout de même mieux que rien, non ?

    L'histoire commence en 1834, année pendant laquelle la comtesse de Montijo, fuyant les remous des guerres carlistes, emmène ses deux filles en France, notamment dans la station balnéaire de Biarritz, proche de la frontière espagnole. Amie de Prosper Mérimée et de Stendhal, elle s'installe ensuite en 1854 avec ses filles dont Eugénie, la cadette, au 12 place Vendôme. Entre Biarritz et Paris, c’est Stendhal qui enseigne l’histoire aux deux jeunes filles et Mérimée, le français.

    Les trois femmes sont régulièrement invitées aux cérémonies officielles données par le Prince-Président Louis Napoléon Bonaparte qui, à 44 ans, est encore célibataire même s'il a une vie amoureuse bien remplie. Dès qu'il fait connaissance de la jeune et jolie Eugénie qui n'a, elle, que 25 ans, il s'en éprend rapidement.

    "J'ai préféré une femme que j'aime et que je respecte à une femme inconnue dont l'alliance aurait eu des avantages mêlés de sacrifices" dira-t-il pour justifier son choix.

    Eugénie est ici peinte par Franz Xaver Winterhalter en 1857 qui fût le portraitiste attitré du gotha européen durant le deuxième tiers du XIXème siècle. Avouez que le futur Napoléon III n'a pas fait un mauvais choix.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Le 26 janvier 1853, la Commission municipale de Paris vote une somme de 600.000 francs or pour l'acquisition d'un collier de diamants destiné à l'impératrice Eugénie, à l'occasion de son mariage avec Napoléon III. Pour se rendre compte de la somme que cela représente, il faut savoir qu'à cette époque le salaire journalier d'un ouvrier tourne autour des 2 francsCependant, deux jours plus tard Eugénie refuse le collier, souhaitant qu'avec cet argent soit créé "un établissement d'éducation gratuite pour les jeunes filles pauvres", ce qu'entérine une seconde délibération de la Ville.

    « Monsieur le Préfet,

    Je suis bien touchée d’apprendre la généreuse décision du Conseil Municipal de Paris qui manifeste ainsi son adhésion sympathique à l’union que l’Empereur contracte. J’éprouve néanmoins un sentiment pénible en pensant que le premier acte public qui s’attache à mon nom au moment de mon mariage soit une dépense considérable pour la Ville de Paris. Permettez-moi donc de ne pas accepter votre don, quelque flatteur qu’il soit pour moi, vous me rendrez plus heureuse en employant en charité la somme que vous aviez fixée pour l’achat de la parure que le Conseil Municipal voulait m’offrir. Je désire que mon mariage ne soit l’occasion d’aucune charge nouvelle pour le pays auquel j’appartiens désormais et la seule chose que j’ambitionne, c’est de partager avec l’Empereur l’amour et l’estime du peuple français.

    Je vous prie, M. le Préfet, d’exprimer à votre Conseil toute ma reconnaissance et de recevoir pour vous mes sentiments distingués.

    Eugénie, Comtesse de TEBA.

    Palais de l’Elysée, le 26 janvier 1853 »

    La somme servira à la construction des bâtiments actuels situés sur les dépendances de l'ancien marché aux fourrages de la barrière du trône, comme nous l'explique notre guide. Il fallait en effet une surface suffisante pour accueillir soixante jeunes filles (chiffre qui montera très vite à trois cents) dont le séjour devait se prolonger jusqu’à leur majorité (alors de 21 ans). Là, elles apprendraient, outre les fondamentaux de l'école (lire, écrire, compter), à coudre et à broder (les chasubles d'église en particulier), à repasser. Pour résumer, toutes les tâches ménagères réservées aux filles à une époque où la femme était réduite à la seule fonction de maîtresse de maison s'occupant des enfants. (Photo 2016)

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Pour vous situer le lieu, celui-ci se trouve entre la rue du faubourg Saint-Antoine et le boulevard Diderot : Vus d'avion, les bâtiments sont vraiment impressionnants !

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    En hommage au geste généreux de l'impératrice, l'architecte Jacques Ignace Hittorff concevra un établissement de plan octogonal calqué sur la forme d'un collier dont le salon d'apparat sert de fermoir et la chapelle de pendentif.

    Terminée l’année de la naissance du jeune Prince impérial en 1856 (il naît le 16 mars 1856), l’institution prend le nom de « Maison Eugène-Napoléon ». Elle ouvre ses portes le 1er janvier 1857. L'œuvre est confiée aux Sœurs de la Charité de Saint-Vincent de Paul qui resteront présentes sur le site jusqu'en 1976. La Fondation s’ouvre à la mixité en 1984, mais doit fermer son internat en 1994, les locaux n’étant plus aux normes. Après douze années de combat difficile, un nouveau projet se met en place, avec l’aide de la Région, de la Mairie de Paris, des Petits Chanteurs à la Croix de Bois et de la Congrégation Notre Dame.

    Paris doit à Hittdorff, architecte de la Ville et du gouvernement, l'église Saint-Vincent de Paul, la gare du Nord, le cirque d'hiver, et les aménagements de la place de la Concorde, des Champs-Elysées et du bois de Boulogne.

    Les photos qui suivent ont été, pour certaines, prises en 2016 lors d'une précédente visite avec M. Obel. C'est la raison pour laquelle, elles sont plus ensoleillées par rapport au temps couvert d'hier... Parfois, une petite piqure de rappel ne fait pas de mal tant il y a de choses à retenir !

    Entrée principale à l'angle du faubourg Saint-Antoine et de la rue de Picpus : en 2019, le jardin de la Fondation Eugène Napoléon a pris le nom de Jardin de l'Impératrice Eugénie.

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Sur le fronton, le nom de l'institution et celui de sa fondatrice (Photo 2016)

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    L'établissement, qui accueille des jeunes filles, est sécurisé : nous entrons dans l'institution en passant sous le passage couvert en fer forgé situé sur le côté droit.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Dans le vestibule, la quinzaine d'adhérents qui se sont inscrits à cette visite guidée.

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Monsieur Obel nous montre ici l'endroit où nous nous trouvons : le fermoir du collier !

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Le vestibule donne accès au Salon de l'impératrice. Cette pièce est toujours dans son état d'origine : les lourdes tentures de velours de soie cramoisi et la moquette très "anglaise" n'ont pas été changés depuis le XIXème siècle, paraît-il. De larges baies vitrées en font une pièce très bien éclairée.

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Nous prenons place autour de l'immense table en palissandre.

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Le mobilier (12 fauteuils et 12 chaises) est à l'effigie de Napoléon et d'Eugénie.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Encadrant la porte d'entrée, des portraits en pied des deux souverains par Franz Walter WinterhalerIl s'agit de copies exécutées par Anton Hansmann car les originaux ont disparu dans l’incendie du palais des Tuileries en 1871. M. Obel nous a dit qu'il en existait de nombreuses, au Louvre, à Versailles, à Saint-Cloud, et bien d'autres encore.

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    L'impératrice Eugénie : Debout, en robe à crinoline, l’impératrice se tourne vers le spectateur en désignant les jardins du Palais des Tuileries. Elle arbore son très fameux diadème de perles et de diamants créé par Lemonnier. Dentelles et manteau vert émeraude contrastent avec les rideaux d’apparat rouges, qui s’ouvrent comme sur un décor de théâtre.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    En pendant, de l'autre côté de la porte d'entrée, le portrait de Napoléon III 

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    L'Empereur des français porte la Légion d’honneur, soulignant ainsi qu’il entend renouer avec les heures brillantes du règne de son oncle, Napoléon. Il tient dans la main gauche la main de Justice à côté de laquelle se trouvent le sceptre er la couronne impériale.

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Les superbes cadres en bois doré mettant en valeur ces portraits sont surmontés du blason de la famille impériale : on y voit l'aigle impérial, au centre d'une croix formée par le sceptre et la main de justice. Une couronne surmonte l'ensemble.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Le style Louis XVI domine dans cette élégante pièce servant de lieu de réception et de repos à l'Impératrice. Les trumeaux des portes sont ornés d'un médaillon contenant les initiales des deux souverains, lequel médaillon est surmonté d'une couronne. En outre, une très élégante frise orne le plafond.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Une cour sépare le Pavillon d'Eugénie - abritant le salon de l'impératrice - de la chapelle, placée par l’impératrice sous la protection de la Vierge. On laisse derrière soi un bâtiment auquel l'architecte, Hittorff - qui était allé en Sicile et y avait constaté une antiquité colorée très différente de la perception monochrome du Premier Empire - a voulu donner un peu de couleur par le mariage de la pierre et de la brique. (Photo 2016)

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Une statue de Saint-Vincent de Paul, patron des associations charitables, fait face à la chapelle. (Photo 2016)

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Trois statues ornent la façade : L'Espérance, la Foi et la Charité. (Photo 2016)

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    La Charité est traditionnellement représentée par une femme tenant un bébé dans ses bras tandis qu'elle s'occupe tendrement d'un ou deux autres. (Photo 2016)

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Entrons !

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    On est tout de suite interpellés par le plafond composé de caissons ornés de peintures sur toiles marouflées représentant des lys, des roses, des croix, des couronnes, des monogrammes de Marie (AM pour Ave Maria) et d’Eugénie (EM pour Eugénie de Montijo) dans des soleils sur fond bleu.

    Vue sur le plafond du côté du grand orgue Cavaillé-Coll

    Visite guidée de la Fondation Eugène Napoléon avec "Paris Art et Histoire"

    Côté chœur

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    La fresque du chœur (de Félix Joseph Barrias) évoque l’origine de l’œuvre : l’impératrice offre symboliquement son collier à la Vierge en présence des orphelines de sa Fondation et des Sœurs de Saint-Vincent de Paul.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Dans sa peinture, Barrias a représenté l’impératrice agenouillée en orante devant la Vierge en Majesté. Cette position de prière (bras ouverts, paumes vers les cieux et doigt écartés) est celle des premiers chrétiens.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Dans la partie haute de la fresque, on voit Marie et l’enfant trônant, entourés de Sainte-Catherine et de Saint-Vincent de Paul. La tonalité jaune du ciel remplace le fond d’or des mosaïques byzantines habituellement utilisé dans les sujets sacrés pour illustrer la présence divine.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    L’impératrice est représentée en robe de mariée avec dans sa main gauche un collier. On peut penser que ce collier est celui que la ville de Paris envisageait de lui offrir à l'occasion de son mariage.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Cette robe était « en velours épinglé blanc, constellée de pierreries. Le corsage montant avait de grandes basques rondes garnies de volants d’Angleterre et de deux rangées de diamants. Le devant du corsage, orné également de point d’Angleterre, coquillé droit, était enrichi depuis le haut jusqu’en bas d’épis en diamants formant brandebourg, au centre desquels brillait une étoile en guise de bouton. Les larges manches « pagodes » étaient décorées de quatre rangées de point d’Angleterre et entre chaque rangée scintillaient des diamants. […] La jupe et la robe étaient en demi-queue traînante, toute recouverte de point d’Angleterre » .

    Barrias a pris soin de ne pas mettre en avant les bijoux portés par l’impératrice. Les diamants ont disparu dans le blanc de la robe. Il a bien représenté à la ceinture l’étoile qui sert de bouton mais ne lui a donné aucun éclat.

    Derrière l’impératrice, sont représentées des mères qui confient leurs filles à l’institution. L’une d’elles exprime sa reconnaissance en embrassant la robe d’Eugénie. Une autre, qui tient sa fille dans ses bras, invoque la Vierge en levant son doigt au ciel.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Au second plan, à l’extrême droite de la peinture, nous apercevons l'architecte Hittorff : il arbore sur sa veste, bien visibles, ses différentes décorations dont la légion d’honneur. Barrias s’est lui aussi représenté : c’est d’ailleurs l’un des rares portraits qu’on ait de lui à l’âge de 34 ans. Il porte, par dessus de son costume, sa blouse bleue de peintre et tient dans sa main la casquette des plâtriers, peintres en bâtiments et à fresque.

    À gauche de la fresque se tiennent des jeunes filles déjà accueillies par l’institution. Elles sont habillées uniformément : robes de mérinos gris aux cols blancs, liserés bleus retenant des médailles de la Vierge et bottines grises. Leurs cheveux sont couverts d’un bonnet de dentelles noires (réservé pour les cérémonies religieuses). Deux sœurs de Saint-Vincent de Paul les encadrent. Au second plan, assisté de deux enfants de chœur, un prêtre tient une bible.

    Les pensionnaires prient pour leur bienfaitrice et deux d’entre elles répandent à ses pieds des roses – attribut de la Vierge –, rappel du jeté de pétales de roses effectué lors des processions de la Fête-Dieu.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Deux statues dans le chœur

    Eugène à droite, Napoléon à gauche pour Eugène Napoléon, le fils d'Eugénie !

    Saint-Eugène

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Saint-Napoléon.

    A noter que sous les Premier et Second Empire, la Saint-Napoléon est la fête nationale instituée le jour de la naissance de Napoléon Ier, le 15 août.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    La statue de la Vierge située à droite du chœur rappelle que la chapelle lui est consacrée.

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    La cour de récréation des élèves donne sur l'arrière de la chapelle. (Photo 2016)

    D'un collier de diamants à un collier de pierre...

    Les Petits Chanteurs à la Croix de Bois ont maintenant élu domicile à Autun et actuellement, la Fondation abrite deux établissements de l'Enseignement Catholique, l'Ensemble Scolaire Saint Pierre Fourier (enseignement élémentaire et secondaire) dans l'une de ses ailes tandis que l'autre est occupée par l'Institut supérieur Clorivière qui dispense des formations aboutissant à un BTS en Economie Sociale et Familiale, Tourisme, Management et même Œnologie. ainsi qu'une résidence pour étudiantes d'une capacité de 87 chambres.

    La Fondation ouvre son site au quartier et aux Parisiens par un programme d’activités culturelles proposées par la Ville de Paris, la mairie du XIIe et son conservatoire, par ses propres manifestations musicales et artistiques, des conférences ou des expositions et par l’ouverture au public du jardin de la rue Picpus.

    Merci à Monsieur Obel pour cette visite passionnante et à Anne-Marie pour l'avoir organisée : une découverte pour tous et toutes.


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  • Je suis devenue très amie avec Madeleine depuis que j'ai commencé à travailler avec elle sur la refonte du site internet de Générations 13 et c'est avec elle que je suis sortie ce dimanche pour aller voir une pièce de Samuel Beckett que je ne connaissais que de nom "Fin de partie".

    Le théâtre de l'Atelier se trouve dans le nord de Paris mais il est assez facilement accessible en métro depuis la station Anvers où nous sommes descendues.

    Au coin du boulevard de Rochechouart se trouve l'Elysée Montmartre, la célèbre salle de concerts parisienne. Elle accueille les numéros de French Cancan de La Goulue après 1870 et est un des lieux favoris de Toulouse Lautrec. Ring de boxe après-guerre, elle est reconvertie en salle de concerts avec le spectacle "Rabelais" de Polnareff. Coluche y donne ses premiers sketchs, viennent Voulzy, Bashung, Bowie, Daft Punk ou Iron Maider, sans compter les "bals" du samedi, garndes soirées de la nuit parisienne.

    Ici, "ça grouille" comme on dit familièrement. Nous sommes en effet à deux pas du Sacré-Cœur, un quartier à la fois populaire et très touristique.

    "Fin de partie" de Beckett au théâtre de l'Atelier avec mon amie Madeleine

    Le bas-relief de sa façade date de 1908 : il m'a attiré l'œil.

    "Fin de partie" de Beckett au théâtre de l'Atelier avec mon amie Madeleine

    Il suffit de remonter la rue de Steinkerque pour arriver au théâtre de l'Atelier.

    "Fin de partie" de Beckett au théâtre de l'Atelier avec mon amie Madeleine

    Nous rejoignons nos places, super bien placées à l'orchestre. De toutes façons, le théâtre n'étant pas très grand (563 places), on doit bien voir de partout ou presque.

    "Fin de partie" de Beckett au théâtre de l'Atelier avec mon amie Madeleine

    "Fin de partie" est mis en scène à l'Atelier par Jacques Osinski qui dit : "ce qui m'intéresse chez Samuel Beckett, c'est l'humanité."

    Le scénario

    Clov, Hamm, Nell et Nagg vivent dans un espace indéfini. Un « intérieur » dit Beckett dans sa didascalie, un intérieur doté de deux fenêtres donnant sur l’extérieur. Et c’est sans doute là pour moi, la gageure de ce spectacle : représenter cet espace gris et immatériel et pourtant vivant, bruissant des bruits de la mer qu’on aperçoit par l’une des fenêtres, alors que l’autre donne sur la terre. Dans cet espace, gris (« noir clair » dit Clov !), la grande crainte des personnages est que la lumière les quitte définitivement. Sommes-nous sur Terre? Pas si sûr. Peut-être est-ce déjà le purgatoire, peut-être la maison est-elle sur un îlot, seul endroit encore peuplé après la fin du monde (Beckett est le seul écrivain de ma connaissance qui sache faire de la science-fiction au théâtre). À la lumière d’aujourd’hui, le texte prend une étrange résonance écologique.

    Propos extraits d'une interview de Jacques Osinski

    .../Rarement, je crois, une pièce de théâtre n’a aussi lucidement et sobrement exposé les liens d’amour-haine qui lient les membres d’une famille.

    .../La plus grande peur du tyrannique Hamm est que Clov le quitte. Clov exécute les ordres, parle de partir sans qu’on sache s’il passera à l’acte. On ne sait pas ce que pense Clov. Clov est une tombe. Avec eux, vivent, chacun dans une poubelle, Nagg et Nell, les parents de Hamm. Ils sont à la fin de leur vie mais pas encore morts. 

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    J'espère avoir à peu près compris cette pièce et ne pas dire trop d'âneries à son propos, une pièce dans laquelle le sort de l'humanité est en jeu.

    Fin de partie est l'une des pièces les plus cruelles du théâtre contemporain qui donne à voir le "spectacle" d'un monde où la mort rôde et de personnages en voie d'extinction.

    En tout cas, j'y ai découvert un acteur que je ne connaissait pas (mais je vais peu au théâtre) : Denis Lavant. Un formidable acteur, aussi bien dans sa gestuelle sur scène (il faut le voir se déplacer en claudiquant ou monter sur l'escabeau au risque de se rompre le cou) que dans sa façon de dire un texte d'une simplicité telle qu'elle rend la pièce infiniment triste ou infiniment drôle à tour de rôle.

    Frédéric Leidgens est excellent aussi dans le rôle de Hamm.

    Une belle découverte


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  • Lucie Pierre, notre conférencière bénévole à Générations 13, nous dit tout d'abord que l'amour est une construction sociale : Et bang, voici que tous mes rêves s'écroulent !

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    Mais restons sérieux : Lucie nous donne ensuite le plan de l'ensemble des conférences quelle va consacrer à ce sujet, extrêmement vaste, à savoir le couple dans la peinture.

    A) Les représentations de l'amour au cours des siècles

    1) Les représentations de l'amour au Moyen-Age : l'amour "courtois".

    L’art médiéval est principalement consacré à la religion. À l’époque, on célébrait « l’amour courtois » en séduisant les dames avec des poésies, mais on n’aurait jamais osé dessiner l’amour cru et l’exposer au vu et au su de tous.

    2) L'amour à la Renaissance : érotique

    Les peintres libèrent enfin leurs créativités et les images de nus fusent.

    3) L'amour baroque : fou et exalté

    Le contenu émotionnel très apparent est l’un des caractéristiques de la peinture baroque. Et quelle émotion est plus forte que l’amour ?

    4) L'amour à l'époque du Romantisme : passionnel

    Le courant artistique du Romantisme met, évidemment, au centre de tout, l’amour !

    5) L'amour à la période du Réalisme

    Étant donné que ce courant vise à traiter la vision du monde de manière objective, les peintres essaient toujours de représenter les faits tels qu’ils sont.

    6) L'amour dans le courant de l'impressionnisme avec Manet...

    Lucie nous parle ensuite de la "classification" qui a été faite de l'amour.

    B) Les différentes sortes d'amour

    I) L'amour "Philia" : l'amour affectueux

    L’amour « Philia » est l’attachement lié à un sentiment d’amitié, associé à des valeurs, des centres d’intérêts et des objectifs communs. Il prend appui sur des plaisirs partagés, des échanges, du jeu, de la solidarité et de la complicité. La relation est chaleureuse et affective, chacun ayant le souci de l’autre. Cependant, il est conditionnel car fondé sur des activités ou des vécus partagés.

    II) L'amour "agapè" : désintéressé

    L’amour « Agapé » est un amour fraternel, universel, altruiste, spirituel. Il se donne « gratuitement », de manière désintéressée, sans attendre de retour. Il est inconditionnel, accepte l’autre tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Il souhaite son bien-être sans profit personnel. Il a de la compassion pour l’autre et l’aime… même s’il n’est pas aimé de lui. C’est un amour affranchi de l'ego qui se situe au-delà de l’émotionnel.

    III) L'amour qui prend : l'éros

    L’amour « Éros » est fondé sur une relation sensuelle, charnelle, sexuelle, éventuellement amoureuse et passionnelle. Ce peut être l’ivresse d’un « coup de foudre » qui induit un fort désir de l’autre. Cela peut être délicieux et… ravageur.

    IV) L'amour ludus : espiègle

    L'amour Ludus renvoie à un amour charmeur et taquin, un amour qui s’accompagne de danses et de rires. C’est un amour enfantin et léger.

    V) L'amour Mania : obsessionnel

    L’amour Mania est le type d’amour qui entraîne un partenaire dans une sorte de folie et d’obsession. Cela se produit généralement lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’Eros et l’amour Ludus.

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    Il faut tout de suite savoir que ce que je retranscris ici est sans doute entaché d'erreurs par ci par là, mais... l'erreur est humaine n'est-ce pas !

    Autre chose : les photos sont cliquables mais si parfois elles s'agrandissent, parfois elles rapetissent...

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    Lucie va d'abord nous parler, images à l'appui, de l'amour dans l'iconographie religieuse et pour cela elle a choisi de nous parler d'Adam et Eve.

    I - Le couple d'Adam et Eve

    A noter que les deux jeunes gens, qui succombent à la tentation provenant du serpent démoniaque, devraient être représentés laids et pourtant, de façon générale, ils sont toujours beaux.

    La tentation d'Adam et Eve de Masolino dite "Le pêché originel" (1424-1425) - Chapelle Brancacci en l'église Santa Maria del Carmine de Florence

    Adam et Eve sont ici au Paradis : ils sont représentés se regardant mais sont plutôt statiques. Le serpent, enroulé autour d'un figuier (l'arbre du péché), est représenté avec une tête de jeune femme et se tient à égale distance d'Adam et d'Eve, les rendant responsables, aussi bien l'un que l'autre, de l'acte qu'ils vont accomplir.

    On notera aussi que, aussi incongru que cela puisse paraître, le peintre a peint les deux jeunes gens avec un nombril.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Adam et Eve chassés de l'Eden - Masaccio (1424-1425) - Chapelle Brancacci de l'église Santa Maria del Carmine de Florence

    Masaccio était l'élève de Masolino.  

    Cette fois-ci le peintre représente les deux jeunes gens alors qu'ils sont chassés du Paradis. Les visages sont très expressifs, Eve a les yeux fermés parce qu'elle pleure et Adam se cache le visage en signe de honte. Les corps sont en mouvement et le peintre représente même les ombres sur le sol.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► La tentation d'Adam et Eve - Hugo Van der Goes (vers 1490) - Musée d'Histoire de l'art de Vienne

    Adam tend la main vers Eve, prêt à prendre le fruit défendu. Le serpent tentateur est dépeint comme une créature bipède ressemblant à une salamandre : en effet, d'après le mythe, le serpent pouvait marcher avant que la malédiction de Dieu ne l'oblige à ramper et à manger de la poussière.

    Le motif de serpent à tête humaine apparaît dans l'art à la fin du XIIIe siècle et est abandonné à la Renaissance.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Adam et Eve - Albrecht Dürer (1504) - Rijksmuseum à Amsterdam

    Ce chef-d'œuvre absolu de la gravure fait assister à un moment fatidique : Adam et Eve, flirtant avec la tentation, vont dans un instant croquer le fruit défendu qui leur est présenté par le serpent. D'un geste placé au centre de la composition, Adam accepte l'offre d'Eve qui va conduire les hommes à la perdition, et pointe déjà du doigt la nudité bientôt honteuse de sa compagne.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Le péché originel et l'expulsion du Paradis terrestre - Michel-Ange (1509-1510) - Plafond de la Chapelle Sixtine à Rome

    Le crucifié est allégoriquement présent dans cette scène, puisque le bois de la croix sera taillé dans l'arbre dont Adam cueille le fruit, afin que toute faute soit remise. On remarquera comment Michel-Ange a associé le diable tentateur (représenté par un serpent à tête de femme) et l'Ange qui refoule hors du paradis nos premiers parents : comme si, dès l'origine, la chute et sa Rédemption, le Démon et l'Ange, étaient indissolublement liées.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

     ► Adam et Eve de Jan Gossaert dit "Mabuse" (vers 1520) - Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

    Mabuse est un important peintre néerlandais actif au XVIe siècle. Il a voyagé en Italie et en Europe du Nord et l'influence de ces voyages est clairement évidente dans son travail.

    Le peintre s'inspire ici de la gravure de Dürer sur le même sujet comme on peut le voir dans la pose d'Adam et Eve avec l'arbre entre eux. Néanmoins, Gossaert a introduit des changements importants tels que la direction dans laquelle les têtes sont tournées. De manière traditionnelle, Adam est situé à gauche et Eve à droite, tenant la pomme que le serpent lui a donnée.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► La tentation d'Adam et Eve par Le Tintoret (1550) - Galeries de l'Académie à Venise

    Un piédestal est composé d'un mur de pierre à deux niveaux. Adam est assis sur la partie la plus basse, sur la gauche, et Ève, sur le muret légèrement plus élevé, à sa droite. Au centre entre les deux figures humaines, attaché au muret, se trouve l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal dont Dieu avait dit au premier-né de ne pas manger le fruit.

    Vous remarquerez qu'Adam est souvent représenté toujours en plus foncé qu'Eve et que celle-ci se tient toujours à la droite d'Adam.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Adam et Eve par Baldung Grien (1520) - Galerie des Offices à Florence

    Il s'agit d'un diptyque exécuté par Hans Baldung, un élève de Dürer.

    On y voit le cerf dans le tableau d'Adam et le lion dans celui d'Eve.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Adam et Eve couchés dans le Jardin d'Eden - Hendrick Goltzius (1616)

    Dans cette œuvre proche du Baroque, la position des deux amants est inhabituelle. Le peintre, en plaçant les personnages presque grandeur nature si près de l'avant du plan de l'image, incite le spectateur à s'engager émotionnellement dans ce récit biblique. On remarque en outre la présence du bouc et du chat, symboles de la lubricité.

    Adam

    ► Adam et Eve chassés du Paradis - Giuseppe della Porta Salviati (1526-1550) - musée des Augustins à Toulouse

    Le mouvement de la main d’Adam indique qu'il rejette la faute sur sa compagne, alors qu’Eve semble reprocher au serpent sa funeste situation.

    On pense à Michel-Ange...

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    ► Adam et Eve - Domenico Zampieri dit "Le Dominiquin" (1623-1624) - musée de Grenoble

    Cette œuvre a appartenu au jardinier du roi Le Nôtre avant de rejoindre les collections royales en 1693.

    Dans la partie gauche du tableau, Adam rejette la faute sur Eve, en haussant les épaules d'une façon de dire qu'il n'avait pas trop eu le choix. Et Eve de vite rejeter la responsabilité sur le serpent qui l'a tentée par des doux mots.

    Le Dominiquin porte par ailleurs un grand intérêt à la nature qui devient ainsi une composante importante du tableau. Il faut noter de cette façon la netteté de la touche pour exprimer le feuillage, où chaque feuille est un élément indépendant de l'autre.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Adam et Eve - Rembrandt (1638) 

    Rembrandt, dans cette eau-forte, abandonne ici les canons classiques de la beauté pour nous montrer un couple vieillissant  avec des corps charpentés, profondément humains. Eve, par sa position au centre de la feuille, s'impose comme le personnage principal. Le dragon et l'arbre de la connaissance au premier plan, confondus dans une seule structure, enveloppent le couple qui apparaît à contre-jour, isolé du jardin d'Éden, en pleine clarté en arrière-plan et en contrebas.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Adam et Eve - Jacob Jordaens (vers 1640) - musée national de Varsovie

    Jacob Jordaens est un peintre de la peinture anversoise du XVIIe siècle.

    Jordaens s'est intéressé au sujet d'Adam et Eve et en a fait une représentation illustrant la Chute de l'Homme. Le tableau, plus qu'une simple scène biblique, est un véritable récit de la déchéance de l'homme. Cette représentation inhabituelle de la Genèse serait-elle l'un des prémices de la conversion de Jordaens au calvinisme ?

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    On pourrait continuer comme cela longtemps tant les peintres de toutes époques ont été inspirés par le récit de la Bible. Mais il faut passer à autre chose...

    II) La peinture profane du couple

    ► Portrait des époux Arnolfini par Jan Van Eyck (1434) - National Gallery de Londres

    Le sujet est très moderne pour l'époque où il était coutume de représenter des scènes religieuses. Le peintre représente un jeune couple se tenant par la main, délicatement. La bougie allumée sur le lustre indique sans doute qu'un contrat de mariage va se faire. En effet, au Moyen-Age, les peintures et notamment les portraits, pouvaient servir de demandes en mariage ou encore de commémoration d’un mariage pour un couple. La femme n'est pas enceinte d'après Lucie (elle nous dit qu'il était à la mode à cette époque de porter un coussin sous sa robe). On note la tenture rouge du lit, le rouge est la couleur de la passion et c'est aussi la couleur complémentaire du vert de la robe de la jeune femme. Le petit chien serait un symbole de fidélité.

    Le peintre s'est représenté par son reflet dans le miroir au fond de la pièce.

    De mon côté, j'ai lu que le portrait de la jeune femme pourrait être celui d'une morte, ce qui expliquerait le costume sombre de l'homme et le port de son chapeau noir.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Portrait d'une femme à sa fenêtre avec un homme - Fra Fillipo Lippi (vers 1440) - Metropolitan Museum of Art de New-York

    La femme occupe presque tout le tableau. Elle est représentée de profil, richement vêtue à la française et parée de bijoux, avec une haute coiffe caractérisée par un double rabat de tissu écarlate tombant sur les épaules. Elle se tient devant une fenêtre, où un jeune homme devant elle semble l'observer mais en réalité l'homme et la femme ne se regardent pas (la morale est respectée). Derrière la femme, il y a une fenêtre ouverte d'où l'on aperçoit un paysage rural qui serait, d'après Lucie, le patrimoine que la femme apporte à son futur mari.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Double portrait du duc d'Urbino par Piero della Francesca (1473-1475)

    Alors là, Lucie nous dit tout !

    Si l'homme a été représenté selon son profil gauche, c'est qu'il est borgne (il a été blessé) et s'il a un chapeau, celui-ci sert à cacher sa calvitie. Sa femme est morte en couches, il s'agit donc du portrait d'une morte.

    L'arrière-plan résulte d'une grande étude de perspective et d'influences flamandes qui donne à la composition une ouverture par un paysage. 

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Le prêteur et sa femme - Quentin Metsys (1514) - musée du Louvre à Paris

    Le prêteur pèse l'argent sur un trébuchet (le trébuchet est à l'origine de l'expression "argent sonnant et trébuchant) comme Dieu pèse les âmes.

    On est ici dans les prémices du capitalisme mais la femme est là pour rétablir le bon ordre des choses : elle lit un livre d'heures, en référence au monde chrétien. Il s'agirait ainsi d'une œuvre à caractère allégorique et moralisateur, sur le thème de la vanité des biens terrestres opposés aux valeurs chrétiennes intemporelles, et d'une dénonciation de l'avarice, comme péché capital.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Portrait d'Henri IV de Saxe et de Catherine de Meklembourg - Lucas Cranach l'ancien (1514) - musée de Dresde

    Il s'agit d'un tableau double d'un artiste de la Renaissance allemande, Lucas Cranach qui fut toute sa vie peintre des princes électeurs de Saxe.

    Le peintre a fait le choix de ne pas peindre de décor mais de mettre l'accent sur les deux personnages portant des vêtements richement ornés, dont les motifs évoquent les armoiries de leurs familles respectives. Le duc, représenté avec l'un de ses chiens de chasse, plutôt menaçant, est en train de tirer son épée du fourreau ; son épouse a, à ses pieds, un chien de compagnie. Le panneau représentant la duchesse porte un cartouche avec les initiales du peintre, l'année où le tableau a été réalisé, et un serpent ailé, symbole de l'atelier de Lucas Cranach.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Portrait du comte da Porto et de femme - Paolo Véronèse (1552) 

    Lucie nous fait remarquer la manière attendrissante qu'ils ont de tenir leurs enfants par l'épaule. La femme porte une fourrure de martre, symbole d'un accouchement. A noter ici encore, les deux couleurs complémentaires, le rouge et le vert.

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    ► Portrait d'un couple marié : Massimo Cassotti et sa femme Faustina  - Lorenzo Lotto (1523) - musée du Prado à Madrid

    Un petit Cupidon pose un joug sur les épaules du couple (origine du mot "subjugué") en allusion aux obligations qu’ils contractent en se mariant. Le laurier qui sort du joug est un symbole de vertu et évoque la fidélité. Le collier de perles que porte Faustina est le symbole de son assujettissement à son mari. Le fait de la représenter plus bas que son époux illustre son infériorité sociale. La femme porte un camée représentant la femme de Marc-Aurèle qui était très prolifique.

    L'homme s'apprête à passer un anneau au doigt de sa future épouse : cette coutume remonte à l'antiquité, époque à laquelle on pensait qu’une veine reliait l’annulaire gauche au cœur, siège des sentiments et de la passion amoureuse, la veine de l’amour.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Double portrait d'un homme et de sa femme - Lorenzo Lotto (1523-1524) - musée de l'Ermitage à Saint-Petersbourg

    Lotto inaugure le portrait psychologique, cherchant à pénétrer dans chaque homme qui pose devant lui ce qui lui est propre : son caractère.

    Le couple est représenté dans un geste d'intimité affectueuse, la main de la femme se penchant sur l'épaule de son mari. Divers détails témoignent de leur statut social élevé, leurs vêtements bien à la mode de l'époque ainsi que l'exotique tapis Anatolien couvrant la table. La femme tient dans ses bras un petit chien, symbole typique de la fidélité conjugale et porte des bijoux et une coiffure "capigliara" composée de faux cheveux et de tissus de soie bouclés, enfermée dans un filet souvent accompagné de pierres précieuses et de perles.

    Si vous n'avez pas compris que le rouge (du tapis) et le vert (du rideau) sont complémentaires...

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    Jan Rikcjsen et son épouse Griet Jans dit "Le constructeur de bateau" - Rembrandt (1633) - Buckingham Palace

    Rembrandt excelle à représenter avec beaucoup de réalisme la relation du couple dans une situation du quotidien intime. C’est une de ses grandes tendances de « brouiller les pistes », de décloisonner les genres en mélangeant ici portrait de couple et scène de genre. Le costume des personnages est très sobre (et sombre), l’œil n’est pas distrait par sa richesse et peut se concentrer sur la scène d’intimité du couple. Aucun cérémonial, aucune solennité ne raidit les modèles ici.

    Il s'agit d'un portrait "parlant" : Griet entre dans le bureau de son mari et lui tend un billet (à la place d'un serviteur). Elle tient encore la poignée de porte comme pour dire à son mari qu'on voit le compas à la main en train de travailler "je ne te dérange pas longtemps"... 

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    ► Le ministre mennonite Cornelius Claesz Anslo et sa femme Heltje - Rembrandt (1641) - musée de Berlin

    Autre portrait "parlant" : le geste de la main de l'homme (pasteur mennonite) montre la Bible ouverte devant lui où se trouve la parole qu'on ne peut pas peindre, la parole divine.

    Lui parle, elle, elle écoute : distribution des rôles entre l'homme et la femme qui doit rester soumise à son mari.

    Histoire de l'art : le couple jusqu'au 19ème siècle à Générations 13

    Fin de la première conférence sur "Le couple dans l'art". Lucie nous a annoncé deux autres conférences sur le même thème.

    Un grand merci à Lucie pour cet exposé tout à fait passionnant.


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  • Samedi dernier, Arlette m'a invitée à aller au cinéma avec elle dans le cadre du Festival Télérama (la place à 4 euros avec le coupon découpé sur le journal).

    Cool !

    Nous avons vu un superbe film d'un réalisateur roumain, Cristian Mungiu, au titre peu évocateur "RMN". En fait, RMN en roumain c'est la traduction d'IRM chez nous.

    Le film radiographie en effet la société roumaine de notre époque qui se confond avec celle de l'Europe, voire même du monde en général. Le film met en scène, en l'occurrence, la population xénophobe, raciste, allant même jusqu'à la violence d'un petit village de Transylvanie qui se ligue pour faire repartir les étrangers (des sri lankais) qui ont trouvé du travail dans la boulangerie industrielle du village.

    Les "locaux" sont trop chers !

    "On a rien contre ces gens tant qu'ils restent chez eux" dit un paroissien à la messe dominicale. Le médecin, lui, va même jusqu'à insinuer qu'ils sont porteurs de virus contre lesquels la population roumaine ne peut pas lutter ! Quand au curé, il a accepté d'accueillir dans son église cette foule qui gronde...

    Bref, un film fort que j'ai adoré.


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