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Par Tolbiac204 le 14 Novembre 2014 à 05:47
Ce vendredi, nous avons commencé la balade du "Paris de la Grande Guerre" à la Gare de l'Est. Mes amies Marie-France et Élisabeth étaient de la partie avec leurs parapluies (assortis par le plus grand des hasards...) car cette fois-ci les prières d'Anne-Marie pour avoir du beau temps n'avaient pas été exaucées !
Depuis que la gare a été rénovée en l'honneur de l'arrivée du TGV Est Européen, la grande fresque d'Albert Herter, peintre américain décédé en 1950, a pris position à l'extrême gauche dans le Hall Alsace, celui des départs : on la voit donc dès qu'on entre dans la gare.
Elle s'intitule "Le départ des poilus, Août 1914" et représente un train à l'arrêt devant lequel se presse une foule d'hommes, de femmes et d'enfants venus accompagner les conscrits qui partent au front. Au centre du tableau, un jeune homme brandit, dans une attitude courageuse, d'une main un képi et de l'autre un fusil au canon fleuri : l'idée d'une "guerre éclair" est dans tous les esprits même si les anciens se souviennent encore de la guerre de 70...
Il s'agit en fait du fils du peintre, Everit Harper, décédé au cours de la bataille du bois de Belleau à la fin de la guerre. Albert Herter s'est aussi représenté sur la toile, à droite, un bouquet à la main, sa femme se tenant sur la gauche du tableau : quand il a peint cette toile en 1926, il y a rassemblé en même temps l'insouciance de la jeunesse et la sagesse mêlée de tristesse des anciens.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir...
Le fils du peintre "la fleur au fusil"
Le peintre, un bouquet à la main
La femme du peintre, les mains jointes
Au sortir de la gare, la pluie a cessé fort heureusement et nous rejoignons en métro la Place de l’Étoile où se trouve le tombeau du Soldat inconnu. Sous l'Arc de Triomphe, Anne-Marie nous explique qu'il est possible d'assister à la cérémonie de ravivage de la flamme qui a lieu chaque jour à partir de 18h00. Par contre, je suppose que la liste d'attente est longue...
Afin d’éviter que le tombeau du Soldat inconnu ne sombre dans l’oubli, le journaliste Gabriel Boissy suggère en 1923 qu’une Flamme du Souvenir veille nuit et jour sur la tombe sacrée. Le 11 novembre 1923, la Flamme est allumée par André Maginot, alors ministre de la Guerre.
Depuis cette date, elle ne s’est jamais éteinte, même sous l’Occupation.
Une plaque de cuivre au sol rappelle que l'Alsace-Lorraine n'a été rendue à la France qu'en 1918.
J'ai trouvé un schéma qui montre le déroulé de la cérémonie avec les places protocolaires de chacune des parties. Il y a d'abord le dépôt de gerbe (1), puis c'est le ravivage de la flamme par les associations d'anciens combattants (2), suivi par la salutation des invités (3) et enfin la signature du Livre d'Or (4).
C'est à pied que nous descendons les Champs Élysées pour rejoindre le Rond-Point du même nom où se trouve la statue de Georges Clémenceau.
Pas le temps (ni l'argent !) de faire les boutiques mais une petite photo au passage tout de même : les illuminations vont bientôt battre leur plein (il paraît que c'est Omar Sy qui sera chargé cette année d'appuyer sur le bouton magique...).
Des chrysanthèmes : en veux-tu en voilà ! Ils décorent harmonieusement la statue en hommage au "Père la Victoire" érigée, nous dit Anne-Marie, sur un bloc de grès provenant de la forêt de Fontainebleau.
La gerbe du Président de la République (au premier plan) ne "botte" pas trop Annette : tout comme moi, elle préfère celle de LA Maire de Paris (au second plan) qui ne comporte pas de fleurs teintes...
Joli bronze de François Cogné (inauguré le 24 novembre 1932, jour anniversaire de la mort du "Tigre")
Ne m'étant pas bien positionnée par rapport à la statue, je n'avais pas compris l'explication d'Anne-Marie sur le mouvement du cache-col du grand homme (le sculpteur s'étant inspiré de la Victoire de Samothrace) mais, grâce à mon ami internet, me voici au parfum : l'écharpe vole bien au vent !
Un peu plus loin, sur le Cours-La-Reine, se trouve le monument érigé en 1938 par la France en l'honneur du Roi des Belges, Albert 1er, décédé accidentellement dans un accident d'escalade quatre ans plus tôt, et surnommé "le roi-soldat" par son peuple qui lui voue une grande admiration. En effet, tandis que le gouvernement s'exile à Sainte-Adresse, près du Havre, le roi reste en Belgique (il établit son état-major dans la ville de Furnes) pour commander ses troupes.
La statue équestre est d'Armand Martial.
Tout autour du socle de la statue se trouvent des blasons représentant les dix provinces belges. Tout à fait par hasard, j'ai photographié un blason flamand et un blason wallon !
Celui-ci est celui de la Province d'Anvers (en Flandres).
Cet autre est celui de la Province du Brabant Wallon.
De part et d'autre du socle de la statue se trouvent de fort beaux bas-reliefs.
L'un évoque le martyre des villes belges : il est daté de 1914.
Sur l'autre, c'est la victoire de 1918 qui est commémorée.
Longeant la Seine, nous passons devant l'Assemblée Nationale,
et longeons la Grande Roue de Marcel Campion : celle-ci possède maintenant des nacelles fermées alors que je la connaissais il y a une bonne dizaine d'années "à tout vent" : j'en ai des souvenirs cuisants par un mois de décembre... mais, la vue d'en haut en valait la chandelle !
La Place Louis XV ainsi qu'elle était nommée jusqu’en en 1792 (elle prit ensuite le nom de Place de la Révolution puis de Place de la Concorde), est de forme octogonale. Elle est l’œuvre d'Ange-Jacques Gabriel, architecte du Roi ( à ne pas confondre avec l'Ange du même nom...!). Celui-ci y fit construire 8 guérites (qu'on appellera logiquement plus tard "les guérites de Gabriel") pour en marquer les 8 angles. C'est au-dessus de ces 8 guérites que l'architecte de Louis-Philippe, Jacques Ignace Hittorff, érige des statues représentant les plus grandes villes de France (à l'époque).
Deux d'entre elles sont à l'effigie des villes de l'est de la France : celle de la Ville de Strasbourg et celle de la Ville de Lille.
La statue de la Ville de Strasbourg aurait bien besoin d'un petit nettoyage...
Cette statue a été drapée de noir pendant toute la période où l'Alsace-Lorraine était allemande (donc de 1871 à 1918) mais, tout comme Anne-Marie, je n'ai pas trouvé sur le net la moindre photo y faisant référence...
Merci Photoshop !
La statue de la Ville de Lille, tout comme celle de Strasbourg, est ceinte d'une couronne de remparts et est munie d'un sceptre.
Nous enfournant dans le métro, nous débouchons sur les Grands Boulevards à la recherche de la rue du Croissant : c'est en effet dans cette rue et dans un café portant le même nom que Jean Jaurès fût assassiné le 31 juillet 1914 par Raoul Villain, un jeune homme de 29 ans peut-être un peu simple d'esprit mais surtout ultra-nationaliste. Il reproche en particulier à Jaurès son antimilitarisme (celui-ci avait fait l'année précédente un discours devant 150000 personnes au Pré Saint-Gervais pour argumenter contre "la loi des trois ans" qui augmentait d'un an la durée du service militaire)...
Jaurès fût assassiné par 2 balles tirées à bout portant alors qu'il dînait à une table du café, dos à la fenêtre ouverte en raison de la chaleur, avec plusieurs de ses collaborateurs.
Sur la devanture de la Taverne du Croissant (c'est son nom actuel), une plaque de marbre a été apposée pour commémorer l'événement.
A l'intérieur, dans un petit coin du café, un espace est réservé aux journaux de l'époque.
Merci beaucoup Anne-Marie d'avoir préparé et accompagné cette promenade.
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Par Tolbiac204 le 10 Octobre 2014 à 06:01
Pour faire la visite du quartier du Gros Caillou situé dans le 7ème arrondissement de Paris, Anne-Marie nous avait donné rendez-vous ce vendredi après-midi à deux pas de la tour Eiffel, devant le Kiosque d'entrée de la visite publique des Égouts de Paris.
Ce n'est que sous Philippe Auguste, vers 1200, que Paris se dote de pavés avec, en leur milieu, une rigole d'évacuation. Les eaux sales sont rejetées sur la rive droite dans le ruisseau de Ménilmontant tandis que la Bièvre accueille celles de la rive gauche, le tout se déversant, au final..., dans la Seine. Il faudra attendre 1850 et le Baron Haussmann pour que se développe le réseau d'égouts actuel.
Il existait autrefois dans ce quartier une manufacture de tabacs, la Manufacture du Gros Caillou. Elle se situait rue Jean Nicot, une rue donnant sur le quai d'Orsay et employait près de 2000 ouvriers (payés 3 francs par jour pour les hommes et 2 francs pour les femmes, les femmes étant préférées aux hommes car elles ont de plus petites mains pour rouler les cigarettes...).
La manufacture a été fermée en 1904 puis démolie quatre ans plus tard.
L'intérieur de la manufacture
Nous commençons la visite du quartier par cet immeuble Art déco du 91-93 quai d'Orsay construit en 1930 par Léon Azéma. Des motifs en écaille de poisson ornent sa façade et des balcons triangulaires en pierre lui donnent un petit air de proue de navire, un motif cher aux architectes de l'époque. Les garde-corps du bâtiment formant l'angle avec l'Avenue Bosquet sont ornés de ferronneries en forme de damier.
Un style à la fois sobre et élégant
Tournant dans la rue Cognacq-Jay, nous apercevons l'ancien siège des studios de la télévision.
L'immeuble abrite actuellement différentes chaînes de télévision mais pas les plus grandes : on y trouve entre autres les chaînes "Voyage", "LCP", "Public Sénat"...
L'histoire de cet immeuble est intéressante : Anne-Marie nous la raconte avec documentation et images à l'appui.
A sa place se trouvait autrefois le Magic City, premier parc d'attractions de France, qui a ouvert de 1900 à 1934. Principalement destiné à une clientèle d'adultes, il regroupait spectacles, attractions foraines, restaurant, salle de bal pouvant recevoir 3000 personnes et réputée pour accueillir une clientèle gay, skating, palais persan, curiosités, représentations "d’indigènes" (ceux-ci étaient originaires des Philippines).
On a du mal à croire qu'il y a moins de 100 ans il existait un public pour ce genre de spectacle mais, à tout bien réfléchir, je me souviens avoir vu étant petite, à la Foire du Trône, la femme à barbe... et n'en n'avoir pas été plus choquée que ça !
Autres temps, autres mœurs...
A partir de 1920 , il y fût organisé chaque année le bal travesti de la Mi-Carême : en effet, le Magic City était le phare des nuits homosexuelles de Paris comme le montre cette photo de Brassaï (1931).
Il fût fermé le 6 février 1934 par décision des autorités. Néanmoins, la grande salle de bal sera conservée (la salle continue à être utilisée pour des événements) et c'est là que s'installeront les premiers studios de télévision...
En effet, en 1942 les autorités allemandes la réquisitionnent et, après restauration, la transforment en studio TV : la chaîne allemande Fernsehsender Paris est destinée à distraire les blessés de guerre dans les hôpitaux. Elle diffusera ses émissions (après que l'émetteur de la tour Eiffel saboté par la résistance ait été remis en service) du 7 mai 1943 au 12 août 1944.
La salle de bal avant restauration
La salle de bal après sa transformation en studio TV
A la fin de la guerre, Kurt Hinzmann , le directeur artistique de "Fernsehsender Paris", après avoir refusé de détruire l'émetteur de télévision de la Tour Eiffel..., laisse ainsi à la France une station de télévision intacte et totalement opérationnelle, parmi les plus performantes du monde.
Les studios Cognacq-Jay fonctionneront jusqu'en 1963, date de l'ouverture de la Maison de l'ORTF.
Non loin de là, au 182 de la rue de l'Université, un bel immeuble haussmannien : c'est là que Rodin avait installé son atelier de taille de pierre (au Dépôt des marbres)...
Empruntant le Passage Landrieu, nous rejoignons ensuite la rue Saint-Dominique et l'Eglise qui porte le nom du quartier. Mais, me direz-vous, qu'est-ce donc que ce "Gros Caillou" ?
Anne-Marie nous apprend qu'au milieu du premier millénaire, l’abbaye de Saint-Germain des prés partageait les terrains de la plaine de Grenelle avec celle de Sainte Geneviève et qu'une borne en pierre (située à l'actuel emplacement de l'église) séparait les deux propriétés.
Je n'ai trouvé que ce plan datant de 1700 pour vous situer à la fois la plaine de Grenelle et ce fameux quartier du "Gros Caillou".
Il est amusant de comparer ce plan avec un plan établi en 1900... Vous avez vu : l'île des cygnes (ainsi nommée parce qu'une ordonnance royale de 1676 y a placé ces animaux à plumes...) a disparu, mangée par le 7ème arrondissement (depuis la fin du XVIIIème siècle) !
A l'époque où le quartier du Gros Caillou se développa, il devint nécessaire de construire une église pour suppléer à Saint-Sulpice : ainsi est née Saint-Pierre du Gros Caillou.
L'intérieur de l'église est sobre.
On y trouve un plaque qui rappelle le passé révolutionnaire de la France : le premier Maire de Paris (éminent scientifique), Jean-Sylvain Bailly, y fût enterré après avoir été guillotiné pour avoir déposé en faveur de Marie-Antoinette...
Autres temps, autres mœurs... Décidément, je me répète !
Derrière le chœur se trouve un accès à une chapelle qui possède de jolis vitraux modernes.
Mais ce qui frappe surtout dans cette chapelle c'est une frise de branchages qui en fait le tour, rappelant la couronne d'épines du Christ.
Admirez le réalisme de cette crucifixion !
Au sortir de l'église, on trouve une boutique qui porte un nom évocateur : Aux Merveilleux de Fred
Sur les murs de cette belle boutique, une fresque rappelle cette mode extravagante que suivaient les Me'veilleuses et les Inc'oyables en réaction à la sombre période de la Terreur.
Fred, le patron, a créé "les Merveilleux" et les a déclinés en 6 parfums : le Merveilleux, l'Incroyable, l'Impensable, l'Excentrique, le Magnifique et... le Sans-Culotte ! Il s'agit d'une meringue enrobée de crème fouettée... Alléchant, non ?
Mais nous ne sommes pas là pour faire du lèche-vitrines car j'ai encore plus de 25 photos à vous montrer comme ce bel Hôtel Particulier de la rue de l'Exposition (l'Hôtel de Béhague), occupé par les locaux de l'Ambassade de Roumanie à Paris.
Les lourdes portes en bois sont ornées de poignées de bronze très élégantes.
Une Vénus pudique...
De Vénus, nous passons à Mars avec cette fontaine où un bas-relief représente Hygie, la déesse de la Santé, offrant de l'eau au dieu de la Guerre. Au passage, j'apprends l'origine du mot Hygiène !
Et la fontaine fonctionne : pour preuve, ce mascaron de bronze !
Ce café n'a pas cherché midi à quatorze heures pour trouver le nom de son enseigne !
Tiens : en parlant d'heure, Anne-Marie nous montre une horloge (située à l'entrée de la rue de l'Exposition) : elle indiquait l'heure aux ouvriers qui travaillaient dans ce quartier industrieux... C'était une horloge de patron !!!
Un peu plus loin dans la rue Saint-Dominique, le Collège italien Leonardo da Vinci a belle allure.
Il est signé de l'architecte Jules Lavirotte, l'un des maîtres de l'Art nouveau et date de 1899.
Et celui-ci, situé au 29 de l'avenue Rapp, qu'en pensez-vous ? Il est signé, deux ans après, du même architecte et était habité par Alexandre Bigot, son propriétaire, qui en avait fait la vitrine de son métier : céramiste. Délirant, non ? En même temps, les deux hommes ont dû se faire plaisir !
Aucune symétrie sur la façade : tout est basé sur le déséquilibre...
La porte cochère est joliment mise en valeur par les sculptures de Jean-Baptiste Larrivé.
Adam ?
et Eve, sans doute...
La signature de l'architecte
A deux pas de là, le square Rapp fait face à la Tour Eiffel.
Sur la droite, un immeuble en brique et pierre a fière allure : il s'agit du Théâtre Fadyar.
Sur la gauche, un immeuble assez extraordinaire aussi, toujours de Lavirotte (1903).
Une très jolie grille en fer forgé précédée d'une fontaine clôt ce petit espace.
On sent que le Champ de Mars n'est pas loin : en témoigne cette Tour Eiffel en macarons...
et ce café situé au coin de... la rue du Gros Caillou.
Nous voici maintenant dans la rue de Grenelle, vous savez : la rue de mon Ministère !
Plusieurs vitrines amusantes : ici, un cordonnier...
Là, un pharmacien
Et cette crèche dont le bâtiment (ancien tout de même ) n'est pas extraordinaire mais qui a une histoire : c'est l'ancienne crèche de la Croix-Rouge où les ouvrières de la Manufacture de Tabac du quai d'Orsay venaient déposer leurs enfants avant d'aller travailler.
Anne-Marie nous a lu un passage d'un livre qui dénonce le mauvais état de santé des enfants des manufacturières à cette époque là (Intervention du Dr Goyard lors du Congrès international d'hygiène tenu à Paris en 1878) :
"L'enfant nicotinisé dès le sein de sa mère, et qui arrive pourtant à terme dans des conditions de viabilité, ne fait jamais du moins une brillante entrée dans le monde. D'après le témoignage des sages-femmes qui accouchent les ouvrières de la manufacture du Tabac, ces enfants naissent faibles et misérables et restent tels encore pendant des mois, parfois des années, surtout s'ils sont allaités par leur propre mère. Ils se distinguent de leurs petits compagnons par un teint pâle et blême, des formes exigües, un ensemble qui fait naître la pitié et la tristesse."
Celles-ci étaient en effet souvent atteintes d'emphysème ou de cancer du poumon et les enfants trinquaient !
La boucle est bouclée !
Merci Anne-Marie pour cette agréable promenade
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Par Tolbiac204 le 16 Mai 2014 à 19:39
Déjà un mois que nous avons visité avec Anne-Marie le quartier des Batignolles et je trouve seulement aujourd'hui le temps d'en relater le déroulement. Identifier les photos, leur donner un nom, puis les retoucher parfois avant de finalement les mettre dans ce blog avec quelques mots autour, cela prend du temps finalement et..., en ce moment je cours sans cesse après !
Le rendez-vous était donné au métro La Fourche que nous avons rejoint, Évelyne et moi, pour 14h30 pétantes : l'heure, c'est l'heure... Anne-Marie recense son petit monde dans le Square Ernest Chausson : nous sommes une petite vingtaine aujourd'hui : cool !
Et c'est le départ pour une balade de deux heures environ. Premier arrêt : la Cour Saint-Pierre, une impasse prenant sur le boulevard de Clichy et un vrai havre de paix dans ce quartier plutôt animé.
Nous rejoignons ensuite la Cité Lemercier qui donne dans la rue du même nom.
C'est au N°11 que Jacques Brel séjourna à son arrivée à Paris, dans un petit hôtel où il resta jusqu'à son départ pour les Iles Marquises. Une plaque en cuivre le rappelle au visiteur curieux.
L'immeuble ne présente guère d'intérêt architectural par ailleurs.
Mais l'ensemble des petits immeubles clos par de jolies grilles en fer forgé est plaisant.
Un petit détour par la rue de la Condamine pour admirer un bel immeuble haussmannien.
Et cette petite maison, coincée entre deux immeubles, n'a-t-elle pas du charme... ?
Qu'a dit Anne-Marie sur celui-ci ? Je ne sais pas car, comme toujours, je suis à la traîne... En tout cas, il surprend le passant.
Une très jolie boutique de fleuriste, rue Legendre.
Au fait, voici le plan (très approximatif) de la balade que nous avons faite.
En sillonnant ce quartier, je repense avec émotion à ma tante Léa (une grand-tante) qui a d'abord été femme de ménage à la Gare Saint-Lazare puis concierge au 14, rue de Bizerte et dont le petit-fils (Guy, un garnement qui faisait damner sa mère et ses grands-parents) deviendra plus tard Directeur de la Gare... Comme quoi, il ne faut jamais désespérer. J'ai marqué d'une flèche l'immeuble dans lequel elle habitait et où je venais souvent déjeuner avec mes parents étant petite...
Au 76 de la rue Nollet se trouve un immeuble de pierre et de brique fort élégamment sculpté. Je ne vous dis pas le prix que cela devait représenter... En tout cas, l'architecte s'est fait plaisir.
C'est le cas aussi de cet immeuble situé au 43 de la rue du même nom.
Chemin faisant nous arrivons devant l'ancienne usine électrique de la rue des Dames.
Cette usine de production d'électricité fonctionnait au moyen de machines à vapeur. Le bâtiment inscrit aux Monuments historiques abrite désormais des services EDF-GDF.On continue avec l'architecture avec cet immeuble à oeil de boeuf du 7 rue Bridaine.
Mais quel est la raison de cet attroupement ?
C'est qu'ici, au 13-15 de la rue Lamandé, se trouve l'ancienne école polonaise des Batignolles comme le suggère l'aigle de la grille en fer forgé qui la clôture.
L'Ecole a été fondée en 1842 à l'initiative de l'émigration massive qui suivit la guerre polono-russe de 1830. Les bâtiments qui la composent entourent une élégante courette.
L'Eglise Sainte-Marie des Batignolles se trouve au bout de la rue du même nom. Elle a la forme d'un temple grec et son fronton triangulaire est soutenu par quatre colonnes. C'est l'une des rares églises à ne pas posséder de clocher. Sa construction commence en 1828 grâce à des dons du Roi Charles X et de la comtesse d'Angoulême.
Chemin faisant, nous arrivons Place du Docteur Félix Lobligeois : ici se trouve une très jolie fontaine Wallace, la véritable comme nous apprend Anne-Marie (que l'on reconnait à l'anneau qui permettait d'accrocher une timbale autrefois). Comme il fait beau, celle-ci a été une providence pour les "randonneuses" que nous sommes ! Contrairement à ce que je pensait, leur "architecte" n'est pas du tout Sir Richard Wallace (qui les finança) mais Charles-Auguste Lebourg : l'argent a fait la différence...
Tout à côté se trouve le Square des Batignolles.
Que fait cet oranger tout seul dans cette serre ? Il doit s'ennuyer je pense...
Tout comme le Parc Montsouris, le Parc Monceau ou encore les Buttes-Chaumont, il possède sa rivière, sa cascade, son lac et sa grotte. A cette époque, on aimait le romantisme...
et tout comme dans ces autres parcs créés par Jean-Charles Alphand, les balustrades sont en ciment imitant le bois : un style à la mode au XIXème siècle.
La pièce d'eau comporte une sculpture en pierre noire de Volvic.
Les Vautours de Louis Monard (1930).
Un arbre qui a dû voir passer beaucoup de monde...
Une des allées du Square porte le nom de la chanteuse qui le traversait autrefois : Barbara l'a en effet immortalisé dans sa très belle chanson "Perlimpinpin".
Au sortir du Square, des hommes "tapent le carton"...
En face se trouve le chantier du nouveau quartier des Batignolles qui accueillera d'ici à les nouveaux locaux du Quai des Orfèvres : la cité judiciaire de 160 m de haut, imaginée par l'architecte Renzo Piano (vous savez : l'architecte du Centre Pompidou) est attendue pour 2017. Que va nous réserver l'architecte italien cette fois-ci... ?
Nous rejoignons la rue Brochant : c'est dans cet immeuble qu'est justement née Barbara, de son vrai nom Monique Andrée Serf.
En enfilant la rue Brochant jusqu'au métro du même nom, nous arrivons à la Cité des Fleurs. Il s'agit d'une voie privée donnant sur le Boulevard de Clichy et débouchant sur la rue de la Jonquière au nord. L'accès au public n'est possible que de jour, un peu comme dans les parcs parisiens.
Il est 17 heures : nous avons donc tout le temps d'y faire un petit tour et d'écouter les explications que nous en donne Anne-Marie.
Ce véritable "village dans la ville" date de 1847. La Cité des Fleurs possède en effet une église, une école, une crèche (à l'époque c'était celle de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest) et même une clinique (Catherine Deneuve et Françoise Dorléac y sont nées).
Son origine remonte à la création par Ernest Goüin en 1846 de la première société de construction de machines ferroviaires à Paris (dans le village des Batignolles). Celui-ci se spécialise dans la construction de locomotives et de machines de filature et sa société ne cesse de s’accroître employant rapidement 2 000 personnes (qu'il faut loger...). Plus tard la fabrique des Caramels Valentin-Picards puis la fabrique des Poupées Gerb's s'implanteront également dans ce quartier avec leur personnel.
La Cité des Fleurs est constituée d'une voie centrale bordée de maisons et d'hôtels particuliers, rythmée par trois placettes circulaires.
Les conventions passées en 1847 et 1850 entre les fondateurs pour être appliquées par chaque acquéreur des lots de terrain sont particulièrement détaillées : leurs statuts définissent, entre autres :
► l'alignement des façades
► le nombre d'étages constructibles
► la hauteur des murs mitoyens
► la disposition des cours et des jardins
► les arbres obligatoires
► la présence de murets surmontés de grilles de clôture entre les pilastres en pierre de taille, toujours placés en vis-à-vis de part et d'autre de la voie et surmontés d'un vase Médicis d'un modèle unique.
Ils contiennent aussi les droits et devoirs applicables aux propriétaires, aux habitants et au public ainsi qu'en témoigne encore cette pancarte.
C'est là où je regrette de n'avoir pas plus grandi ! Les grilles sont hautes et gardent bien l'intimité de leurs habitants... (heureusement)
Les fameux vases Médicis
Arrondi d'une placette
Des trésors d'architecture se cachent derrière ces hautes grilles.
Le métro Guy Mocquet n'est pas loin... Prochain rendez-vous pour la prochaine balade d'Anne-Marie (mon Dieu mais c'est demain : j'espère qu'il fera beau !) "Les derniers jours de la Commune de Paris".
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Par Tolbiac204 le 21 Mars 2014 à 06:41
Mon Dieu, que le temps passe vite ! Déjà deux semaines qu'Anne-Marie nous faisait découvrir les passages du Faubourg Saint-Antoine... et voici qu'elle nous propose encore aujourd'hui de remonter le temps en nous entraînant dans le quartier de la gare Saint-Lazare à la recherche du Paris du Baron Haussmann.
Napoléon Ier avait rêvé de faire de Paris "la plus belle ville qui ait jamais existé" mais... il n'a pu réaliser qu'une partie de ses projets et c'est Napoléon III qui va reprendre le flambeau. Avec l'appui du Préfet de la Seine, Georges Eugène Haussmann (1809 - 1891), il transforme la capitale en en éradiquant les quartiers insalubres (en accord avec les théories hygiènistes alors en plein essor), en ouvrant de grandes voies de circulation et en créant de grands parcs (sur le modèle de Londres d'où il revient) pour en faire la ville moderne que nous connaissons aujourd'hui. Le percement des grandes avenues n'est, quant à lui, pas étranger à la volonté d'entraver d'éventuels soulèvements populaires...
Bien sûr, certains lui reprocheront d'avoir détruit le Paris du Moyen-Age, mais on n'a rien sans rien (les parisiens y ont tout de même gagné l'eau courante...).
Nous avons rendez-vous au 102 boulevard Haussmann, un immeuble dont le rez-de-chaussée est occupé par les locaux d'une banque, donc à priori sans grand intérêt...
si ce n'est que c'est ici qu'a habité Marcel Proust de 1907 à 1919 ainsi qu'en témoigne cette plaque.
C'est dans un appartement situé au 2ème étage qu'il écrivit "A la recherche du temps perdu". Une anecdote : pour se prémunir contre le bruit, en septembre 1910, il fit clouer sur les murs de sa chambre d'épaisses plaques d'écorce de liège brut, sur les conseils d'Anna de Noailles.
Quittant légèrement le boulevard, nous voici maintenant devant l'immeuble de l'ancien Siège de la Société Financière Française et Coloniale (la SFFC) qui se distingue surtout par les sculptures de Georges Saupique, sculpteur colonial, représentant différents animaux exotiques : crocodile, éléphant, antilope, gazelle, tigre, gazelle et requin...
Comme nous le rappelle Anne-Marie, aux abords des terminus de diligences puis près des gares, se développèrent dans la première moitié du XIXème siècle des galeries commerciales abrités dans des passages couverts tels que celui-ci.
Le passage Puteaux relie la rue Pasquier à la rue de l'Arcade.
Malheureusement, la gare Saint-Lazare qui devait être édifiée tout à côté fût en définitive établie plus au nord, dans le quartier de l'Europe, ce qui ne favorisa pas sa fréquentation... En voici une photo, même si ce passage est loin d'être aussi élégant que ceux du quartier des grands boulevards.
Tout à côté du passage Puteaux, le Square Louis XVI où une chapelle expiatoire a été érigée sous Louis XVIII pour rappeler que c'est là que les dépouilles de Louis XVI et de Marie-Antoinette reposèrent avant d'être transférées à Saint-Denis. La chapelle ne se visite que lors des Journées du Patrimoine.
Rapprochons-nous maintenant de la gare Saint-Lazare : le One Two Two, ça vous dit quelque chose ? Et bien c'est au 122 de la rue de Provence (d'où son petit nom) que se tenait autrefois l'une des plus luxueuses et célèbres maisons closes de Paris ! Sans doute l'appelait-on ainsi pour se montrer discret...
A l'origine, ancien Hôtel Particulier construit sur trois niveaux appartenant au Prince Murat, Marcel Jamet s'en rend acquéreur en 1924 et le fait surélever de quatre étages en 1933. Tel est l'immeuble que l'on peut voir aujourd'hui.
C'était un lieu fréquenté par la haute société où l'on se rendait tant pour être vu autant que pour goûter aux charmes de ses "pensionnaires". On y vit des Altesses royales (l'Aga Khan ou le Roi des Belges), des comédiens (Raimu, Mistinguette, Edith Piaf, Jean Gabin, Humphrey Bogart, Marlène Dietrich et pendant la guerre de très nombreux officiers allemands et de la Gestapo française dont c'était le bordel officiel.
Les chambres étaient toutes différentes et faisaient "voyager" leurs occupants tout autour du monde avec : la cabine de l'Orient Express, la chambre igloo, la chambre africaine, le grenier à foin, la chambre provençale, la chambre égyptienne, la chambre François Ier etc etc...
Du hall avec ascenceur qui desservait les différentes chambres, il ne reste que la rampe.
Voici la chambre champêtre avec le foin qui sort du grenier !
La chambre de la Compagnie des Indes
La chambre corsaire
La chambre africaine
La chambre François Ier (le pauvre : qui lui eut dit qu'il serait mis à cette sauce !)
Et voici les serveuses du Restaurant avec Marcel Jamet : l'essentiel est caché !
Dommage qu'on ait détruit tout ça : cela aurait pu faire l'objet d'une visite guidée !
Trêve de plaisanterie, nous cheminons maintenant en direction du 8 de la rue du Havre pour faire une halte devant le Lycée Condorcet. Ouvert en 1803, c'est l'un des plus vieux lycées de Paris et aussi l'un des meilleurs. C'est aussi le premier établissement à avoir été mixte (dans les classes préparatoires).
Anne-Marie nous apprend que le lycée Condorcet s'est appelé Lycée Karl Marx durant quelques jours pendant les événements de mai 68. En effet, les élèves voulaient qu'il porte le nom d'un révolutionnaire et ce n'est que lorsqu'on leur a fait réaliser que justement Nicolas Condorcet était un révolutionnaire que l'établissement a repris son nom actuel.
Le Lycée compta nombre de professeurs illustres tels que les philosophes Alain et Sartre, Albert Châtelet le mathématicien, Edouard Daladier l'historien et homme politique, Marcel Proust l'écrivain, Marcel Pagnol qui y enseigna l'anglais avant d'abandonner l'Education Nationale pour la littérature et bien d'autres encore.
Il serait trop long d'énumérer tous les élèves devenus célèbres qui y ont usé leurs culottes... Citons dans le désordre chronologique : Tristan Bernard, Daniel Buren, Bernard Blier, Sadi Carnot, Henri Cartier-Bresson, Gilbert Cesbron, André Citroën, Jean Cocteau, Serge Gainsbourg, Louis de Funès, Alain Krivine, Eugène Labiche, Pierre Lazareff, Jean Marais, Jean Nohain, Marcel Proust (qui y devint professeur : cf. ci-desssus), Francis Poulenc, Victor Schoelcher, Louis Renault entre autres
et justement...
un certain Georges Eugène Haussmann.
Non loin de là, la gare Saint-Lazare avec Marie-France qui me prête gentiment son sourire avec sa toute nouvelle coupe de cheveux, très réussie je trouve.
C'est la plus ancienne des gares parisiennes et c'est aussi, parait-il, la plus grande d'Europe. On y rentre en empruntant un escalier monumental (photo internet) dont le plafond est superbement décoré.
Ma photo maintenant ! Ce rouge et cet or sont bien chatoyants...
La salle des pas perdus a été rénovée récemment : c'est maintenant un espace de circulation très lumineux.
La gare Saint-Lazare, tout comme la cathédrale de Rouen, a fait l'objet d'une série de tableaux peints par Claude Monet (qui demanda alors aux autorités compétentes de faire fumer toutes les locomotives !). Avouez que cela en valait le coup...
Et maintenant, direction l'ouest pour rejoindre le Square Marcel Pagnol, créé par l'Ingénieur Alphand, contemporain de Haussmann.
Une petite halte récupératrice
Voici un exemple type d'immeuble Haussmannien : en pierre de taille à 6 étages (le dernier étant réservé aux "chambres de bonnes") avec un balcon en enfilade au 2ème étage (celui des propriétaires) et au 5ème étage (pour l'harmonie visuelle).
On aperçoit ici le lieu de notre prochaine étape : la monumentale église Saint-Augustin. Avez-vous remarqué les arbres en fleurs ? Nous sommes presque au Printemps en ce qui concerne la date !
Au passage, jetons un coup d'oeil à l'ensemble monumental que constitue le Cercle National des Armées, de terre, de mer et de l'air : à l'angle du bâtiment, une superbe rotonde. C'est l'oeuvre de Lemaresquier, architecte en chef des palais nationaux qui le réalise dans l'entre deux guerres et inauguré par le Président Doumergue en 1928.
La façade possède quatre statues allégoriques qui ne sont pas faciles à photographier tellement elles sont haut perchées : peut-être étaient-elles destinées à être vues par les anges ? Elles sont toutes d'un sculpteur différent.
Le Turco (tirailleur algérien)
Le Poilu
Le marin
Le Cuirassier
Les voici rendus plus accessibles grâce à la magie d'internet...
Notre promenade s'achève par la visite de l'église Saint-Augustin qui a la particularité de possèder une structure métallique (sans quoi l'édification de son dôme eût été impossible). Vous n'en verrez que le haut car les échafaudages ne sont pas photogéniques !
On aperçoit ici les colonnes de fer soutenant le dôme.
A l'entrée de l'église, une plaque indique que c'est dans cette église que Charles de Foucaud se convertit.
Une pièce est consacrée à la vie du prêtre sous forme de panneaux d'affichage agrémentés de photos d'époque.
Buste en terre cuite de Charles de Foucaud
Le Saint homme, de son vrai nom Charles Eugène de Foucaud de Pontbriand (en voilà un nom à rallonge...), est né en 1858 à Strasbourg. Orphelin à 6 ans, c'est son grand-père qui l'élève : il le suit d'ailleurs dans ses déplacements militaires et, devenu adolescent, il fait tout naturellement Saint-Cyr. Après avoir fait carrière dans l'armée tout en menant une vie "facile" comme on dit, il décide de démissionner de l'armée à 23 ans afin d'explorer le Maroc. Sa rencontre avec les musulmans et son retour en France où il rencontre en particulier l'Abbé Huvelin lui redonnent la foi : il devient même prêtre, à 43 ans.
Parti vivre au Sahara, il partage la vie des Touaregs mais il est assassiné le 1er décembre 1916 à la porte de son bordj dans le Sahara algérien.
Au coin du Boulevard Haussmann et de la rue Laborde se trouve une statue du Baron Haussmann par François Cogné (1889), bien jolie je trouve. Une anecdote sur Haussmann : né au 55, rue du Faubourg du Roule près de la place de l'Etoile, il n'hédita pourtant pas à la faire démolir... C'est bien de donner l'exemple : un exemple que les politiques d'aujourd'hui devraient suivre plus souvent...
La boucle est bouclée...
Merci encore à Anne-Marie pour ce guidage fort intéressant.
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Par Tolbiac204 le 7 Mars 2014 à 06:39
Anne-Marie avait-elle commandé le beau temps pour la promenade qu'elle encadrait ce vendredi ? En tout cas, il était là et ce fût un plaisir de flâner en bonne compagnie (je n'ai pas compté mais nous étions très nombreux à être au rendez-vous...) de passages en passages dans le quartier du Faubourg Saint-Antoine.
Mais pourquoi ce nom de Faubourg Saint-Antoine ?
Le nom vient de l'ancienne abbaye Saint-Antoine-des-champs (à l'actuel emplacement de l'Hôpital du même nom), détruite à la fin du XVIIIème siècle, et plus précisément du faubourg qui se développa à proximité, du fait principalement de l'exemption pour ses artisans des réglementations corporatives.
Partis de la place de la Bastille (rendez-vous avait été donné devant les marches de l'Opéra), nous voici tout de suite dans le vif du sujet.
On entre dans la Cour Damoye par le N°12 de la place : c'est une rue privative, à l'abri du tumulte dû à une circulation intense dans le quartier, qui abritait autrefois des ateliers d'artisans (menuisiers, ébénistes et ferrailleurs). Elle a été inaugurée en juin 1999 après une réhabilitation, sauvée in extremis de la démolition envisagée par des promoteurs peu soucieux du patrimoine parisien...
Tout au bout de la rue se trouve la célèbre rue de Lappe qui doit son nom à un maraîcher, Gérard de Lappe, qui y possédait des jardins.
Originellement peuplée de ferrailleurs, beaucoup de bretons et d'auvergnats vinrent ensuite s'y installer, ouvrant des "cafés bois-charbon" : tandis que le mari faisait les livraisons, la femme tenait le comptoir !
Ces devantures de magasins témoignent de ce passé.
Dans les années 30, de nombreux bals s'y intallèrent : le Balajo (du nom de son propriétaire, Jo France) a fêté ses 75 ans en 2011...
C'est au 51 de la rue de Lappe que naquit Francis Lemarque. Le compositeur créa d'ailleurs une chanson qui porte ce titre, reprise par Mouloudji.
Débouchant sur la rue de Charonne, nous empruntons maintenant le passage Lhomme.
Comme tous les passages du Faubourg, celui-ci abrite des ateliers artisanaux.
On peut y voir une grande cheminée d'usine.
Au détour de l'avenue Ledru-Rollin...
Nous avons maintenant rejoint le Faubourg Saint-Antoine. Au N°95 se trouve la Cour de l'Ours qui doit son nom à la sculpture de sa façade. Ne me demandez pas pourquoi...
Le m² y est à 7829 euros d'après "Les meilleurs agents"...
Au 81, la Cour des trois frères (ainsi nommée car le propriétaire du terrain, M. Viguès, avait trois fils) a été ouverte sur une centaine de mètres en 1855.
Même si elle est consacrée aux métiers du meuble, la Cour accueille (et ça se voit !) la boutique d'un grand coiffeur, Toni and Guy, qui a apposé son enseigne sur l'une des trois verrières qui la décorent.
Traversant la rue, nous passons devant l'angle d'un immeuble joliment décoré d'une statue de Saint-Nicolas : l'évêque veille sur le passant...
Dans la rue du même nom, le Carré Saint-Nicolas offre une belle façade du XVIIIème.
Si l'on réussit à entrer à la faveur d'une livraison, on peut lécher la vitrine d'un très beau magasin de décoration intérieure : il s'agit de "Ralph Lauren Home".
Dans la rue Saint-Nicolas également une superbe devanture : celle de Houlès où l'on trouve forcément le tissu ou la passementerie recherchés (à condition toutefois d'avoir un porte-monnaie bien garni !)
Revenant sur le Faubourg, la Cour des Shadoks tire son nom de la célèbre série télévisée créée par Jacques Rouxel qui y habita (et à laquelle Claude Piéplu prêta sa voix). Actuellement ce sont des galeries d'art qui s'y sont installées au rez-de-chaussée tandis qu'en étage il y a des lofts...
Une sculpture de Bertrand Biss
Eh oui... Nous étions nombreux à faire cette sortie (j'ai mis le masculin car quelques rares hommes se cachent derrière toutes ces femmes !)
Deux pas plus loin, une porte cochère monumentale cache une entrée d'immeuble magnifiquement sculptée donnant accès à la Cour des Bourguignons.
Cet ensemble constitue un remarquable témoin des grandes cours industrielles ordonnancées autour d’une haute cheminée, symbole de l’activité manufacturière de la seconde moitié du XIXe siècle.
La Fontaine de Charonne (aussi appelée Fontaine Trogneux) date de 1720. Elle se trouve au coin de la rue de Charonne et de la rue du Faubourg Saint-Antoine.
Près du sol, deux mascarons de bronze à tête de lion sont chargés de cracher l'eau qui s'évacue dans une grille du sol.
Non loin de là, au niveau du métro Ledru-Rollin, le Passage du Chantier ainsi nommé car il abritait autrefois un chantier de bois à brûler (de grands fours y étaient installés, servant à brûler les copeaux et les chutes de bois inutilisables pour éviter les incendies). Cette petite rue pavée est un havre de paix où les artisans du bois se sont installés de longue date (à l'heure actuelle elle est occupée par des marchands de meubles).
Toujours au niveau du métro Ledru-Rollin, voici l'immeuble qui abrite les locaux parisiens du grand architecte Jean-Michel Villemotte.
Non non et non : je ne vous ferai grâce d'aucune cour... Voici celle du Bel-Air, un nom charmant n'est-ce pas ? Il provient du nom de celui d'un hôtel particulier du XVII ème siècle. Si d'extérieur, l'entrée de la cour ne casse pas trois pattes à un canard comme on dit, on découvre en s'y aventurant une courette pavée abritant de jolis petits immeubles de trois étages seulement couverts de vigne vierge en été (il faudra y revenir...) et joliment arborée : la légende en fait le lieu d'habitation des Trois Mousquetaires...
Allez, on change de siècle : passons au XXème avec cet immeuble abritant les Ateliers de Paris, carrefour des jeunes entreprises de la Création
Nous quittons maintenant le faubourg Saint-Antoine pour rejoindre la rue de Charenton par le Passage de la Boule Blanche qui tire son nom de l'enseigne qui figurait sur la maison dans laquelle il a été percé en 1700.
Au sortir du passage, voici l'entrée de l'Hôpital des Quinze-Vingts spécialisé en Ophtalmologie. Il ne reste de l'ancienne caserne des Mousquetaires du Roi que le porche d'entrée.
Mais d'où vient donc ce nom bizarroïde de Quinze-Vingts ? Et bien, figurez-vous que l'hospice, fondé au XIIIème siècle par Saint-Louis, pouvait accueillir 300 aveugles : 300 lits, cela correspondait à l'époque (dans le système vigésimal alors utilisé) à 15 fois 20 lits... C'est tellement simple qu'on aurait dû y penser avant ! (mais tout de même, merci Anne-Marie pour cette explication !)
Continuant la rue de Charenton, nous aperçevons au passage la Cour du Chêne Vert, reliquat du Passage du même nom tronqué suite au percement de l'avenue Ledru-Rollin.
Cette Cour tire son nom d'un chêne d'une ancienne plantation abbatu en 1840. Ici, le prix du m² donné par "Meilleurs Agents" frôle les 8000 euros...
Mais où Anne-Marie nous emmène-t-elle et qu'est-ce que ce "Grand Lavoir du Marché Noir" ? Vous l'aurez deviné : un plaisantin a effacé une partie des lettres...
Seule la façade de cet ancien lavoir situé au N°3 de la rue Cotte (construit originellement en 1830 au N°9 de la même rue) a été conservée. Il aurait dû être détruit en 1843 suite à la reconstruction du Marche d'Aligre mais une protestation des riverains déboucha sur ce compromis...
Au bout de la rue, le clocher central de la petite Mairie d'Aligre fait face au Marché d'Aligre situé sur la place du même nom.
C'est en 1781 que des terrains furent achetés à Gabrielle-Charlotte de Beauvau Craon, Abbesse de l'Abbaye de Saint-Antoine, pour y construire un marché qui prit son nom pour faire face à l'accroissement de la population du Faubourg Saint-Antoine. L'actuel marché couvert a été reconstruit en 1843 par Marc Gabriel Jolivet sur les ruines du marché précédent.
Une vingtaine de marchands sont installés à l'intérieur du marché couvert : poissonneries, fromager, épiceries fines italienne, portuguaise et créole, boucheries, charcuterie, primeurs, fleuristes... tandis qu'à l'extérieur on peut trouver les primeurs à des prix au kilo défiant toute concurrence... Le marché d'Aligre est ouvert tous les jours sauf le lundi et c'est, paraît-il le dimanche midi qu'on y fait les meilleures affaires.
Chemin faisant, nous voici arrivés au Square Armand Trousseau (il longe sur l'un de ses côtés le Faubourg Saint-Antoine). On peut y admirer d'élégantes façades d'immeubles décorées de mosaïques.
Rejoignant le Faubourg, nous arrivons au niveau du N°151 où une "pelle" de la Ville de Paris rappelle qu'ici mourut le Député Alphonse Baudin le 3 décembre 1851 au lendemain du coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte.
Alors que, depuis une barricade, il enjoignait en tant que député de l'Ain et appuyé en ceci par Victor Schoelcher les ouvriers du Faubourg à s'insurger, ceux-ci se moquèrent de lui, lui reprochant son indemnité parlementaire journalière : c'est alors qu'une balle l'atteignit tandis qu'il prononnçait une phrase qui restera dans l'histoire : "Vous allez voir comment on meurt pour 25 francs".
Tableau d'Ernest Picchio représentant le député Baudin sur la barricade
Notre visite du Faubourg se termine presque... mais avant de se quitter, nous empruntons un dernier passage : le Passage Saint-Bernard nous permet de rejoindre l'église Sainte-Marguerite, située dans le 11ème arrondissement cette fois-ci.
L'église Sainte-Marguerite date du début du XVIIème siècle. Elle est dédiée à Marguerite d'Antioche, vierge martyre qui vécut au IVème siècle.
En 1760, Victor Louis, l'architecte du théâtre de Bordeaux, construit la chapelle des Âmes-du-Purgatoire toute en trompe l'oeil. La récente restauration (elle date de 2011) met en valeur l'architecture de la chapelle ainsi que ses peintures dues à Paolo-Antonio Brunetti.
Pendant la révolution les corps de 300 personnes guillotinées sur la place de la Bastille et la place du Trône-Renversé (actuelle place de la Nation) furents enterrés dans le cimetière attenant à l'église (dans une fosse commune). Selon la légende, le jeune Louis XVII y aurait été inhumé après sa mort à la prison du Temple et effectivement un enfant mort au donjon du Temple y est en effet inhumé, sans service religieux mais des exhumations réalisées en 1846 et 1894, confirmées par des fouilles en 1979, mettent au jour les restes d'un jeune homme de 15 à 18 ans : or Louis XVII était âgé de 10 ans au moment de sa mort...
Malgré ces démentis, une plaque commémorative posée sur le mur de l'église affirme toujours que "l'enfant mort au Donjon du Temple" y a été inhumé en 1795.Notre promenade s'achève à l'Hôtel de Mortagne situé au 53 rue de Charonne. Il s'agit d'un Hôtel Particulier construit en 1661 par le neveu de François Mansart pour le Chancelier du duc d'Orléans, Jacques Nourry (on l'appelait alors la Folie Nourry). Il est acheté en 1711 par le Comte Antoine de Mortagne puis par Jacques de Vaucanson, inventeur et mécanicien célèbre qui y résida de 1746 jusqu'à sa mort en 1782. Ce dernier construisit dans cet Hôtel une grande partie de ses automates. L'hôtel de Mortagne est sous Louis XVI l'ancêtre du Musée des Arts et Métiers. Sa façade a malheureusement été cachée suite à la vente de la partie du terrain donnant sur la rue de Charonne et à la construction d'un immeuble de 6 étages dans les années 60... On peut cependant l'apercevoir depuis le passage Charles-Dallery.
Je me suis amusée à dessiner le parcours que nous avions fait !
Cette visite donne un goût de "revenez-y", non ? D'autres passages sont sûrement encore à découvrir dans ce quartier du meuble qui change hélas de jour en jour : l'implantation de l'Opéra dans ce quartier a fait venir des enseignes qui n'ont plus rien à voir avec l'âme du Faubourg si bien décrite par Jean Diwo dont je vous conseille les livres (la trilogie des Dames du Faubourg et en particulier "249, faubourg Saint-Antoine" qui raconte sa jeunesse au sein d'une famille dont le père est parti à la guerre...),
Merci pour ce guidage bénévole Anne-Marie : il fut fort sympathique et instructif.
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