• ☻ Nous avons vu Oskar Kokoschka au Musée d'Art Moderne

    Ce dimanche, Arlette m'a emmenée en voiture (eh oui, le dimanche ça roule tout seul !) à l'autre bout de Paris : nous avions en effet décidé d'aller visiter l'exposition Oskar Kokoschka au Musée d'Art Moderne.

    Le musée présente la première rétrospective parisienne consacrée à l’artiste autrichien Oskar Kokoschka (1886-1980). Retraçant sept décennies de création picturale, l’exposition rend compte de l'originalité dont fait preuve l’artiste et nous permet de traverser à ses côtés le XXe européen.

    Peintre, mais aussi écrivain, dramaturge et poète, Oskar Kokoschka apparaît comme un artiste engagé, porté par les bouleversements artistiques et intellectuels de la Vienne du début du XXe siècle. Par sa volonté d’exprimer l’intensité des états d’âmes de son époque, et un talent certain pour la provocation, il devient pour la critique l’enfant terrible de Vienne à partir de 1908 où, soutenu par Gustav Klimt et Adolf Loos, il inspire une nouvelle génération d’artistes, parmi lesquels Egon Schiele. Portraitiste de la société viennoise, Kokoschka parvient à mettre en lumière l'intériorité de ses modèles avec une efficacité inégalée.

    ☻ Nous avons vu Oskar Kokoschka au Musée d'Art Moderne 

    J'ai été enthousiasmée par la peinture de cet artiste que je ne connaissais pas jusqu'alors, et frappée par la façon qu'il avait de dessiner les mains : difformes et surdimensionnées.

    Voyez plutôt cette suite de tableaux.

    Le joueur de transe - 1909

    "Le Joueur de transe" représentant l’acteur Ernst Reinhold, un ami de l’artiste, est exposé à l’entrée de l’exposition. L’artiste explore ici, comme à son habitude, l’aspect psychologique du sujet qui prend le dessus sur la réalité.

    Cette œuvre fera partie des œuvres saisies des collections allemandes en 1937 pour être exposées au salon de l'art dégénéré par les nazis.

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    Le père Hirsch - 1909

    Dans son autobiographie, Kokoschka décrit Hirsch comme un vieil homme têtu et colérique. Ses fausses dents, détail habituellement dissimulé dans l'art du portrait, attirent ici toute l'attention, tandis que l'empâtement de la touche témoigne de sa connaissance de Van Gogh. Scandalisé par cette représentation, le public accuse alors Kokoschka de caricaturer ses modèles.

    Cette œuvre sera également présentée lors de l'exposition d'art dégénéré en 1937.

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    Pour la suite de cet article, j'ai classé les tableaux par ordre chronologique contrairement à leur présentation dans l'exposition.

    Le tableau qui suit a accroché mon regard : Le Saint-Suaire de Véronique (1909)

    Le Saint-Suaire de Véronique est l’un des rares tableaux aux références religieuses dans son œuvre. Pourtant, on y retrouve tout son style mais aussi toute la révolution qu’apporte l'artiste au monde de l’Art de son époque.

    L’empreinte ici est si expressive qu’on ne peut que se révolter du sort de cet homme, exécuté sur la place publique ! Seulement, dans cette société catholique Austro-Hongroise, reprendre un thème aussi sacré que celui du Saint-Suaire est un blasphème. En révélant dans son autobiographie que Véronique, le modèle, était la fille de la concierge, on retrouve toute la subversion du jeune artiste, déterminé à bousculer l’ordre artistique établi.

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    Oskar Kokoschka a aussi fait cette affiche pour une pièce de théâtre : elle est intitulée Piéta (1908-1909) et fit scandale à l'époque. Même de nos jours, elle est difficile à regarder...

    « L’homme est rouge sang, c’est la couleur de la vie, mais il gît mort dans le sein d’une femme qui, elle, est blanche, la couleur de la mort ». (Oskar Kokoschka)

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    Karl Moll (1913)

    Fondateur avec Gustav Klimt de la Sécession viennoise, l'artiste et collectionneur Karl Moll encourage vivement le travail de Kokoschka, avec qui il se lie d'amitié. Marié à la mère d'Alma Mahler, c'est par son entremise que les deux amants se rencontrent.

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    La période 1912-1914 avec Alma Mahler

    L’histoire entre Alma et Oskar commence par hasard. Alma, compositrice, est la plus belle femme de Vienne, déjà maman de deux petites filles. Oskar, récemment revenu de Berlin, est un peintre impétueux, sauvage et séduisant, presque dix ans plus jeune qu’elle. Il la capture, la séduit, mais lui fait peur en même temps. Les deux deviennent amants. Pendant deux ans, de 1912 à 1914, ils vivront une histoire intense, faite de hauts et de bas, de querelles et de jalousies, notamment de la part de Kokoschka.

    Paysage des Dolomites (1913)

    En 1913, Alma Mahler et Oskar Kokoschka se rendent dans le massif montagneux des Dolomites en Italie. Dans ses mémoires, Alma Mahler évoque le travail effréné du peintre à la recherche de nouvelles couleurs lors de leurs promenades en forêt. Cette peinture marque un tournant dans l'histoire de Kokoschka, qui s'y affirme comme coloriste. Ici, la palette s'enrichit de nuances saturées de vert et de bleu. S'en dégage une impression de paysage irréel que le peintre capture certainement après une tempête. Cette œuvre sera présentée après avoir été saisie, au salon d'art dégénéré de 1937.

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    Après sa rupture avec Alma Mahler en 1914, Kokoschka s’engage dans l’armée au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il sera gravement blessé à deux reprises et peindra ce tableau, se révélant un peintre engagé.

    Le front d'Isonzo : poilu dans les tranchées (1916)

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    Kokoschka fait la même année le portrait d'une écrivaine, représentante de l’expressionisme littéraire allemand, la Princesse Mechthilde Lichnowsky (1916)

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    Voyageur infatigable, il entreprend dans les années 1920 d’incessants périples en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen Orient. On voit alors ses tableaux se colorer progressivement.

    Matin et soir, Le pouvoir de la musique I (1918-1920)

    Par sa puissance expressive et colorée, ce tableau est un des chefs-d'œuvre de l'artiste. Son premier titre est "Faiblesse et Force", il évoque les relations conflictuelles et passionnées entre les hommes et les femmes. L'artiste traduit ici les crises qu'il a vécues avec Alma Mahler entre 1912 et 1915 et qui l'ont fortement perturbé. Les nazis ont considéré ce tableau comme dégénéré et l'ont saisi dans les collections allemandes de 1937, il a été entreposé, avec beaucoup d'autres oeuvres dites dégénérées, au château de Schönhausen à Berlin pendant la guerre.

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    Hans Mardersteig et Carl Georg Heisse (1919)

    En 1919, l'historien Carl Georg Heisse demande à Oskar Kokoschka de réaliser un portrait de son compagnon, le typographe Hans Mardersteig. Kokoschka les réunira dans une même œuvre. Ce diptyque devait originellement se refermer par un système de charnière.

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    Mère et enfant (1921)

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    Autoportrait au chevalet (1922)

    Kokoschka se représente ici dans son atelier à l'Académie des Beaux-Arts de Dresde. L'artiste s'est placé entre une poupée et son chevalet dans une pose saugrenue. Sa tête disproportionnée s'enfonce dans ses épaules, ses yeux écarquillés interrogent le spectateur : "Bossu" est le terme qu'emploie Kokoschka pour définir cet autoportrait.

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    Dresde, neustadt (1922)

    Ces deux tableaux appartiennent à la série des paysages de l'Elbe que surplombe l'atelier de l'artiste alors qu'il réside à Dresde. De 1921 à 1923, Kokoschka n'exécute pas moins de dix vues du fleuve qui rendent compte de ses recherches stylistiques : simplification des formes, profondeur et dynamisme des couleurs. Alors reconnu comme portraitiste, le peintre se détache de cette étiquette pour s'affirmer comme maître de la peinture de paysages dans la lignée du vénitien Canaletto qui a représenté des vues de Venise, Londres ou encore Dresde.

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    Le port de Marseille (1925)

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    Le marabout de Temacin (1928)

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    Plus tard, étant devenues cibles du régime nazi, ses tableaux sont vendus aux enchères pour participer à l’effort de guerre, ou encore spoliés, lorsqu’ils appartiennent à des collectionneurs juifs. En réponse à ce climat hostile, Kokoschka livre un autoportrait puissant, au titre sans équivoque.

    Autoportrait en artiste dégénéré (1937)

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    Suite au décès de sa mère, Kokoschka émigre à Prague où il séjournera entre 1934 et 1938. Là, il rencontre Olda Palkovskà qui deviendra sa femme. Deux femmes ont ainsi compté dans la vie d'Oskar Kokoschka : Alma à droite qu'il peint comme Mona Lisa mais qui le rendra jaloux, et Olda à gauche qui lui apportera la stabilité.

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    Les amis (1937)

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    A Londres où il s'exile entre 1938 et 1946, il s’investit activement dans des actions antifascistes et rejoint des organisations pacifistes, comme l’Union des artistes libres. L’inéluctable basculement de l’Europe dans la guerre lui inspire des œuvres allégoriques où la parodie flirte avec le grotesque. Que l’inconscience des années 1900 semble loin…

    Anschluss, Alice au pays des merveilles (1942)

    Une femme nue se dresse au milieu d’une scène de guerre ; elle pointe vers le regardeur un doigt interrogateur ; sa candeur et sa pureté contrastent avec l’horreur qui l’entoure. Elle incarne l’Autriche prisonnière d’un monde aux forces inextricables ; comme Alice, le personnage de Lewis Carroll, Kokoschka dénonce l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne et le comportement hésitant des puissances européennes, France et Angleterre, attitude illustrée par un homme d’affaires, un soldat, un prêtre qui, affolés, se couvrent les yeux, la bouche et les oreilles à la manière des "Trois singes de la sagesse" asiatique.

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    Autoportrait, Fiesole (1948)

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    Matin et soir, le Pouvoir de la musique II (1966)

    Il est intéressant de remarquer que l'artiste a traité ce thème la première fois dans les années 1920 (voir plus haut) et sur la fin de sa vie.

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    Les grenouilles (1968)

    Peu après l'établissement de la dictature militaire en Grèce, Le peintre assiste à une représentation de la comédie d'Aristophane Les Grenouilles. Les acteurs y adaptent le message politique de la pièce antique à l'actualité de leur pays. Inspiré par le parti pris de cette représentation, Kokoschka reprend le motif du chœur de grenouilles coassant. 

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    Carletto Ponti (1970)

    Il s'agit bien sûr du fils de Sophia Loren et Carlo Ponti.

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     Time Gentlemen, please (1971-1972)

    Ce tableau est le dernier autoportrait de kokoschka. Debout, la tête relevée et les mains croisées, il es dirige vers une porte. Dans l'entrebâillement, une figure représentant la mort montre la blessure au cœur de l'artiste, référence à son autoportrait de 1970 pour le magazine Der Sturm. L'expression que le peintre emploie est celle qui est prononcée à la fermeture des pubs en Angleterre. Profondément impressionné par le dernier autoportrait de Rembrandt, Kokoschka, âgé de 86 ans, affronte ici sa mortalité. Son expression est forte, il avance, décidé, vers l'inévitable.

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    Oskar Kokoschka s'éteint en 1980 à Montreux où il avait élu domicile en 1953 à l'extrémité orientale du lac Léman.

    Je ressors un peu plus savante qu'en entrant et des couleurs plein les mirettes !


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