Pour la reprise - post été - de l'atelier "Petites promenades dans Paris" de Générations 13, Anne-Marie, son animatrice bénévole, avait choisi ce vendredi de nous emmener à la découverte du village de Bercy. Elle nous avait donné rendez-vous au métro Liberté à Charenton-le-Pont.
Comme vous le savez sûrement, plusieurs villages à la périphérie du Paris de 1860 ont été annexés à la capitale à cette date : celui de Bercy, à l'est, en fait partie.
On voit bien sur cette carte, la partie rouge cernée par le mur des Fermiers Généraux construit à l'aube de la Révolution, si impopulaire auprès des parisiens parce jalonné par 54 bureaux d'octroi ou barrières... et la partie orange qui se termine à l'Enceinte de Thiers construite sous Louis-Philippe (elle était située entre les Maréchaux et le périphérique) permettant à Paris d'absorber tous les villages alentour.
Nous sommes ici, comme je vous le disais, à Charenton-le-Pont et passons devant l'école Valmy, une école publique construite par Georges Guyon au XIXe siècle. Celui-ci l'avait pourvue d'un clocheton avec sonnerie intégrée pour que ses élèves soient toujours à l'heure !
Nous passons ensuite devant la Chapelle Notre-Dame de Valmy.
La première chapelle du quartier de Valmy est construite en 1913, sur un terrain donnant rue du Général-Chanzy, légèrement à l'est de la chapelle actuelle. En 1963, l'ancienne entreprise de vin Nicolas, dont les terrains s'étendent de part et d'autre de celui de la chapelle, l'échange contre un terrain lui appartenant, légèrement plus à l'ouest. Un entrepôt est alors réaménagé en chapelle.
En 1996, la chapelle actuelle est construite sur une partie de ce terrain.
Puis, nous longeons l'Atelier d'Arts Plastiques Pierre Soulages, créé en 1995, qui accueille des enfants ainsi que des adultes en offrant à chacun une diversité d’enseignements.
Apparemment, ici on n'imite pas le maître : on dessine en couleur...
Je plaisante bien sûr !
Les rails de la gare de Lyon toute proche et les tours Duo de Jean Nouvel dont Anne-Marie est accro
Cette passerelle, appelée Passerelle Valmy, traverse le faisceau ferroviaire de la ligne de Paris-Lyon à Marseille-Saint-Charles.
Elle occupe l'emplacement précédent du parc de l'ancien Château de Bercy appartenant à Charles-Henri Malon marquis de Nointel, intendant des finances sous Louis XIV. Il a été initialement construit en 1658 par François Le Vau, le jeune frère de Louis, que l'on connaît mieux. Inachevé en 1676, sa construction est reprise par Jacques de la Guépière.
Voici une aquarelle de Christian Benilan (2006) montrant le château et ses jardins vers 1720, jardins dessinés par Le Nôtre qui s'étendaient jusqu'à la Seine comme vous pouvez le constater. Celle-ci était très fluctuante et pouvait causer des inondations...
Sur cette autre aquarelle de Pierre-Denis Martin (vers 1725-1730), on peut apercevoir le château de Vincennes tout proche en arrière-plan.
Que reste-t-il de cette résidence ?
De nombreuses boiseries sont réparties au musée des arts décoratifs, dans d’autres hôtels parisiens (comme rue de l’Elysée), français ou même anglais. Une console est au Louvre. La balustrade de la chapelle du château, qui servit de lieu de culte aux habitants de Bercy jusqu’à la construction en 1826 de l’église de la Chambeaudie, est conservée à Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux de Paris. Et un cèdre de son parc a été replanté aux buttes Chaumont.
En 1861, la partie du parc entre l'actuelle rue de Paris (rue sur laquelle débouche le métro Liberté) et la Seine est vendue par son propriétaire le Comte de Gabriel de Nicolaï pour 10.500.000 Francs à une société présidée par le duc de Morny pour établir des magasins généraux et des entrepôts de vins entre la voie ferrée et le quai de Bercy.
Plusieurs modifications ont eu lieu sur la passerelle initialement construite en 1848. L'actuelle a servi de décor au film Jules et Jim en 1961 lorsque Catherine lance aux deux garçons : « Le terrain me parait excellent, je lance une course de vitesse, le premier qui arrive au bout de la passerelle ».
Une scène du film Le Samouraï, avec Alain Delon y a aussi été tournée en 1967.
La bande-annonce de Jules et Jim
Cliquez sur l'image pour l'agrandir : si je ne me trompe, il s'agit ici de tout l'espace que l'ancien village de Bercy occupait avant 1860. Au sud du périphérique, c'est maintenant la ville de Charenton-le-Pont.
La rue Marius Delcher sur laquelle nous nous trouvons nous conduit à la rue du Petit Château et aux écuries (1713-1714) qui elles, ont résisté aux transformations successives.
Elles se situent à l'intérieur d'une copropriété et ont fière allure !
Remarquez, au-dessus du portail la tête de cheval indiquant l'utilisation des lieux.
Sur le côté, également une superbe porte d'entrée sculptée d'une scène de chasse
Nous rejoignons Paris en traversant le périphérique non sans une pensée pour Jean Nouvel et Anne-Marie... Mon petit doigt m'a dit qu'il allait bientôt y avoir un café en haut de l'une d'elle, peut-être une idée de promenade en vue ?
Où sommes-nous installées confortablement maintenant, je ne sais plus... mais Anne-Marie a le chic pour trouver des sièges !
On reconnaît les habituées mais il me semble bien que de nouvelles adhérentes ont aussi participé à cette agréable promenade.
Nous voici maintenant arrivées au petit cimetière de Bercy, tranquille et ensoleillé dit le panonceau à son entrée (ce jour-ci, c'est le cas) qui comporte un peu plus de 1000 tombes et qui a la particularité d'avoir accueilli les sépultures de certaines familles travaillant dans le commerce du vin, anciens pinardiers (*) et tonneliers.
Voici celle de Louis Gallois, ancien Maire de Bercy, créateur des entrepôts vinicoles.
(*) Le mot pinardier vient de celui des navires-citernes qui transportaient le vin à l'époque (alors que désormais il est mis en bouteille sur place).
Le beau temps nous poursuit jusqu'à la grille d'entrée d'une l'ancienne manufacture de tabac. Construite en 1855-1857, elle était utilisée pour la fabrication des cigares de luxe. Cette usine, l'une des 22 que comptait la SEITA (Société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes) en 1937, a été fermée en 1969 et démolie en 1976 mais heureusement la grille d’entrée de cette manufacture sera conservée.
En 1868, un journaliste de la Revue des Deux Mondes y réalise un reportage et décrit les lieux :
"La manufacture de Reuilly était située jadis hors barrière, mais l’annexion de la banlieue l’a fait entrer dans l’enceinte de Paris. De grands arbres, de vastes terrains verdoyants, l’entourent et lui donnent l’aspect joyeux d’une usine de campagne."
Les femmes sont nombreuses à travailler dans cette manufacture : pas moins de 200 femmes travaillent 10 heures par jour pour confectionner des cigares à raison d’une moyenne de 100 cigares par jour et par ouvrière.
Nous passons bientôt devant un immeuble sans grand intérêt si ce n'est d'avoir sur son mur une plaque datant de Louis XV ! Le bornage de Paris était destiné à "contenir" Paris dans ses limites à un moment donné.
On peut y lire :
Bornes de Limites du règne de Louis XV de par le Roy
Défenses expresses sont faites de bâtir depuis les présentes bornes et limites jusqu'au plus prochain village aux peines portées par les déclarations de sa Majesté
Des années 1724-1726
Pauvre Louis XV, il doit se retourner dans sa tombe !
Anne-Marie regarde son plan pour ne pas nous égarer...
Nous arrivons, après avoir traversé la rue Nicolai et emprunté la rue de Charenton à cette église du 12e arrondissement située sur une petite place (la place Lachambeaudie du nom de l'écrivain et chansonnier (1806-1872) dans laquelle je ne suis jamais entrée.
L'occasion fait le larron !
Il s'agit de l'église Notre-Dame de la Nativité (on dit aussi parfois Notre-Dame de Bercy) qui prend pour modèle les basiliques romaines antiques.
Construite à l'origine en 1823, elle subira de nombreux dommages (détruite sous la Commune de Paris, elle sera reconstruite à l'identique mais inondée par la crue de 1910, en 1944 elle sera touchée par le bombardement des voix de chemin de fer situées juste derrière, et subira même un incendie en 1982...) Elle est restaurée et inscrite aux Monuments Historiques en 1985.
Des clés ? C'est Saint-Pierre.
Saint- ? Anne-Marie complètera...
La nef à plafond plat est suivie d'un chœur peu profond.
Anne-Marie nous montre plusieurs grandes toiles qui sont très difficiles à prendre en photo...
La résurrection de la fille de Jaïre (Charles de La Fosse - vers 1680) ici avec une curieuse mais belle crucifixion
L'Annonciation (Daniel Hallé - 1659)
Le Christ et la Samaritaine (Jacques Stella - 1640-1645)
Face à l'église, la caserne des pompiers a belle allure.
On dirait bien qu'on touche au but, non ?
Nous voici maintenant dans la rue de Chablis..., bien jolie avec ses maisonnettes en pierre meulière.
Elle est située à proximité des anciens entrepôts de Bercy naturellement.
Et justement, nous voici arrivées au Parc de Bercy : il a été créé entre 1993 et 1997 et occupe en partie les anciens chais viticoles subsistants du XIXe siècle qui contribuèrent à l'activité du plus grand centre mondial du négoce de vins et de spiritueux à cette époque et furent fermés dans les années 1960.
La Cinémathèque, vous connaissez bien sûr. Elle était autrefois l'American Center et a été construite selon les plans de Franck Gehry en 1994 : je trouve qu'elle n'a pas vieilli.
Ayant quitté les grandes pelouses situées à côté du POPB (Accor Arena désormais), nous traversons le parc afin de nous diriger vers Bercy-Village.
Le parc, planté de 400 vignes, conserve le souvenir de son passé vinicole.
Voici la Maison du Jardinage : cette belle demeure datant du XIXe siècle est depuis 1997 un havre de paix dédié au jardinage en ville. Partie intégrante du réseau municipal d’écologie urbaine, elle accueille tous les amateurs de jardinage en milieu urbain, du débutant au passionné, mais aussi les porteurs de projet de jardins partagés ou de végétalisation.
Un vrai bonheur que de déambuler dans ce magnifique parc qui a bien poussé depuis que j'y ai mis les pieds il y a quelques années.
On ne sait de quel côté se tourner tant il est beau de partout !
Quelles sont ces superbes fleurs ? Certaines ont des applications sur leur téléphone pour le savoir, moi non !
Voici tout ce qui reste de l'ancien Petit Château de Bercy. Au XVIIIe siècle plusieurs demeures de plaisance sont bâties le long de la Seine entre Paris et Bercy. Ici se trouvait la "Folie" du duc de Gesvres, acquise en 1708 par le contrôleur général Orry qui prend le nom de Petit-Château pour la distinguer du grand Château de Bercy. En 1809, Monsieur de Chabons, maire de Bercy, achète le Petit-Château pour y constituer un entrepôt qu'il loue à des commerçants en vins. La Ville de Paris acquiert ensuite l’ensemble des entrepôts de Bercy en 1876 et démolit le château du Petit Bercy. Les vestiges du Petit Château dont les murs avaient été intégrés dans la construction des chais ont été découverts rue des Pommiers en 1988 par un négociant.
Après la traversée de la rue Joseph Kessel, nous voici arrivés dans le troisième jardin du parc.
Là se trouvent encore des arbres centenaires qui imposent le respect.
Là aussi le Pavillon du lac dans la mare de laquelle barbotent ces canards.
Tiens, un héron niche ici...
En vue des bâtiments de Bercy Village, qui rappellent les anciens chais.
Au XIXème siècle se tenait là “le plus grand marché de vins et spiritueux au monde”. Le Cour Saint-Émilion faisait office d’immense entrepôt et de comptoir de vente de vins, préalablement mis en bouteille non loin de là, à Bercy. Des breuvages acheminés par la Seine directement de l’Yonne, de Bourgogne, d’Algérie, ou par train via la gare de Lyon en provenance du Midi.
Nous les traverserons rapidement pour rejoindre la rue des pirogues de Bercy. C'est dans cette rue qu'on a découvert des bateaux datant du Néolithique lors des travaux de terrassement du Palais omnisports de Paris-Bercy,
La fouille de 1991-1992 a permis de mettre au jour deux habitats du Néolithique moyen (vers 4500 - 3400 avant J.-C.) et un du Néolithique récent (vers 3000 - 2600 avant J.-C.). Dix pirogues ont été trouvées au pied de ce site ainsi que des poteries, outils, et pointes de flèche. La fouille des sédiments a révélé une occupation presque permanente sur la berge d’un ancien bras de la Seine.
Plusieurs de ces pirogues sont exposées au musée Carnavalet.
Nous sommes maintenant tout près de l'entrée du Musée des Arts Forains.
Le musée est installé au sein de six anciens chais en pierre meulière où il occupe une surface de 11.400 mètres carrés. Des bustes de clowns en décorent la façade donnant sur la rue des pirogues de Bercy.
Toutes les bonnes choses ont une fin hélas et la promenade se termine ici !
Marie-France, Marylène et moi avons traîné ensuite au marché gourmand de l'Aveyron qui s'y tenait pour le week-end.
Voici leurs fameux Gâteaux à la broche
Et la façon dont ils sont fabriqués
J'y ai acheté de l'aligot et des saucisses et on s'est régalés Philippe et moi !
Un grand merci à Anne-Marie pour avoir guidé cette promenade parisienne et à la météo pour nous avoir été favorable...