Dans le cadre des Mardis Découvertes de l'Office de Tourisme de Châtillon et après avoir découvert avec beaucoup d'intérêt l'artisanat d'art du Moulin de la Fleuristerie à Orges (pour revoir ce post, cliquez ICI), nous nous sommes rendus à Châteauvillain pour effectuer cette fois-ci une visite guidée de cette petite ville de Haute-Marne située à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Chaumont.
C'est une bénévole de l'Association "La Clé des Champs" qui nous entraîne dans sa découverte : la bourgade a reçu le label "Petite Cité de Caractère".
Le rendez-vous était donné à la Tour de l'Auditoire. Celle-ci date du XIIIe siècle et faisait initialement partie du château de Châteauvillain, aujourd'hui disparu. Elle servait à rendre les sentences.
Nous montons tout de suite à l'étage par un très bel escalier en colimaçon.
Il s'y trouve une maquette de l'ancien château réalisée à partir d'un plan original datant de 1865.
Notre guide bénévole en profite pour nous raconter l'histoire de cette petite ville : un bourg castral est implanté, dès le XII e siècle, dans les boucles de l’Aujon, l'un de ces nombreux petits ruisseaux prenant naissance sur le plateau de Langres. La cité est entourée d’une première enceinte au XIII e siècle (dont il ne reste que la Tour de l'Auditoire et la Tour Saint-Marc), puis d’une deuxième au XIVe siècle qui comportait 54 tours et 3 portes (dont une seule subsiste : la Tour Madame).
Sur un mur, la généalogie des Sires de Châteauvillain.
Dans la pièce également, ce qui reste du tombeau de Nicolas de L'Hospital, Maréchal de France, Duc de Vitry, qui fut Comte de Châteauvillain de 1623 à 1644. Le tombeau fut dispersé après la Révolution entre Châteauvillain, Chaumont et Versailles.
Une maquette (au 1/3) montre comment était le tombeau : il faisait 5 mètres de haut...
Un tableau représente le dernier propriétaire de la Seigneurie, Louis-Jean-Marie de Bourbon, Duc de Penthièvre (l'un des petit-fils de Louis XIV) : le développement de cette petite commune tient beaucoup à la possession qu'il en avait alors.
Derrière ces murs épais, on a plaisir à trouver refuge contre la chaleur qui sévit ce jour-là au delà de toutes nos espérances... (la température avoisine les 40 degrés).
Et maintenant, direction la place de l'Hôtel de Ville
L'Hôtel de Ville affiche sur sa façade la Croix de guerre 1939-1945 décernée à la ville.
Juste en face se trouve l'église Notre-Dame-de-l'Assomption, tellement grande que je n'ai pas eu assez de recul pour la prendre dans son intégralité. Depuis, j'ai trouvé une très belle image sur le net (Photo Gilbert Delbrayelle).
L'église possède toujours son clocher du XIIIème siècle mais sa façade est néo-classique (de 1769). Elle a été construite en partie sur les plans de l'architecte Jacques-Germain Soufflot qui réalisa parallèlement sur Paris l'église Sainte-Geneviève (futur Panthéon).
Mazette !
En voici le fronton
Au-dessus du porche, un décor sculpté porte le triangle des francs-maçons.
Notre guide nous montre le dessin d'un pèlerin sur le mur de l'église : il s'agit du chemin de pèlerinage de l’Angleterre à Rome, la Via Francigena (Voie des Français), consignée au Xe siècle par Sigéric le Sérieux, chef de l’église d’Angleterre, et qui parcourt l’Europe sur 2 000 km, allant de Cantorbery à Rome. Son tracé, qui traverse un bras de mer, des plaines et des fleuves et se hisse jusqu’aux sommets alpins, conjugue défi spirituel et physique.
L'église est extrêmement sombre et mériterait une bonne restauration : on voit tout de même qu'elle est entièrement recouverte de peintures murales.
Près du choeur, une nativité, probablement du XIXème siècle
L'orgue est un Cavaillé-Coll : on donne régulièrement dans l'église des concerts d'orgue.
Nous étant un peu rafraîchis..., nous affrontons à nouveau le soleil.
Derrière ces beaux murs de pierre, un pigeonnier ayant appartenu au Duc de Vitry
Datant du XVII ème siècle, ce pigeonnier de 13 mètres de diamètre était l'un des plus grands de France : il contenait 3000 boulins (*) en pierre qui s’étendaient sur toute la hauteur de l’édifice. (*) On appelle "boulin" le logement des pigeons dans un pigeonnier (on disait aussi colombier).
Ici, ils sont en pierre et en torchis. La majeure partie de ces boulins est logée dans l'épaisseur des murs. Dans chacun de ces "nids" vivaient deux pigeons : il y avait donc 6000 pigeons dans ce colombier ! Il est aussi particulier en ceci que sa fenêtre d'envol est sur le toit (à gauche de la photo).
L’élevage des pigeons était un droit réservé aux seigneurs : on évaluait la richesse et le pouvoir de celui-ci par la grandeur de son colombier. Ce colombier étant très imposant, on peut donc en déduire que le Duc de Vitry était un homme très fortuné.
On élevait alors les pigeons pour la récolte de leurs fientes ou "colombine" : c'était le seul engrais à l'époque et il valait une fortune. C'est parce que les colombiers ne servaient qu'à engraisser les terres que seuls les propriétaires terriens pouvaient en posséder. Plus la terre était grande, plus le colombier était important.
La girouette est en forme de colombe...
Nous voici arrivés devant la Porte Madame qui donne accès au Parc aux daims. Cette porte est la seule porte qui subsiste de l'enceinte construite au XIVème siècle. Elle servait d'accès, en 1655, au fils du Duc de Vitry aux 272 ha de forêt lui servant de terrain de chasse.
C'est au XIXème siècle que les daims ont été introduits dans le parc.
Poussons la porte du parc...
La porte côté parc
Il fait trop chaud pour emprunter cette petite rue entre deux murs de pierre...
Un peu plus loin, de beaux vestiges gothiques
Où la nature va-t-elle se nicher... !
La petite ville a réalisé de très jolis panneaux indicatifs.
Voici la porte (du XVème siècle) donnant accès à l'ancien couvent des Cordeliers construit par l'arrière petit-fils de Louis VII, Jean Ier de Châteauvillain (1259-1313).
On l'appelait Jean 1er "Jean l'aveugle" car, ayant participé à la 7ème croisade avec le roi de France, il fut fait prisonnier comme 300 autres chevaliers par les sarrasins et l'on dit qu'ils en revinrent avec les yeux crevés... A leur libération, Saint Louis leur fit construire un hôpital à Paris, les Quinze-Vingt, qui existe toujours. Jean 1er a préféré revenir à Châteauvillain où il décédera à l'âge de 95 ans.
Durant sa vie il fit construire de nombreux édifices religieux tel, vers 1280, le couvent des Cordeliers. A l'époque l'église, qui a disparu aujourd'hui, pouvait contenir la totalité de la population de Châteauvillain, soit 4000 personnes.
Le nom de Cordeliers a été attribué à l'époque à des Franciscains particulièrement combatifs contre les sarrasins : ces moines portaient sous leur robe de bure brune ou grise une grosse corde, ornée de plusieurs nœuds, qui tombait presque jusqu'à leurs pieds, d'où l'expression "cordes liées".
Le couvent des Récollets succéda au couvent des Cordeliers en 1635. Grâce à leur dévouement ils s'attirèrent la sympathie des habitants de la ville. En leur honneur, la grande rue des Bordes - rue principale à l'époque - devint la rue des Récollets.
Son tombeau se trouve à Chaumont.
Restes de l'ancien château, rue du vieux bourg : les machicoulis
Voici les anciennes halles
En descendant vers l'église, le mail où l'on jouait au "maillet".
Très pratiqué en France et en Italie au Moyen-Age, il atteint son apogée en France au XVIIème siècle. Le nom du jeu vient du français pailmail ou paille-maille : la "maille" était un petit maillet envoyant une balle sous un arceau de paille...
Cette belle maison à vendre est l'ancien château des Ducs de Vitry et de Penthièvre. Louis XIII avait assuré la fortune du Duc de Vitry après que celui-ci, en tant que Capitaine des Gardes, ait fait assassiner sur son ordre Concini, le favori de la reine mère...
On a de l'humour à Châteauvillain...
Il est marqué sur cette petite pancarte : "Ici on aperçoit le haut de la Tour Eiffel par beau temps". Il est précisé : "quand on passe en avion à la verticale de ce point" !
Voici le Lavoir de Châteauvillain : construit à la Révolution, il a été reconstruit en 1826.
Sa particularité est d'avoir un parquet flottant grâce à un système de manivelle permettant aux lavandières de ne pas avoir à se baisser.
Il possède une très belle charpente.
Son autre originalité (ce qui le rend unique en France) est qu'il n'est pas construit au bord d'une rivière mais alimenté par une source située en face de la rue.
Lui faisant face, une très belle maison où l'on aperçoit des gargouilles à tête de lion : il s'agit de l'ancienne maison du Prévôt de la ville comme on le verra plus loin.
En montant l'escalier bordant la fontaine, un étrange personnage intitulé "Le vilain pas vilain"...
Il s'agit d'une sculpture de Michel Boussard (2013)
Un joli passage voûté
et un escalier...
Nous voici à nouveau à l'air libre pour découvrir la Maison de la Prévôté.
Agent du pouvoir seigneurial dans la France du Moyen-Age, le Prévôt est une sorte d'intendant doté de pouvoirs étendus : il administre, juge, perçoit les multiples taxes et amendes au nom du seigneur. A partir du XVIIème siècle cependant ils perdent beaucoup de leurs attributions sauf en matière de justice sociale. Ils n'en restent pas moins des personnages importants si l'on en juge par la taille de la maison construite pour celui de Châteauvillain en 1645au pied de la Tour de Guet du château médiéval.
Là se termine cette très agréable visite guidée.
Pour conclure, une petite vidéo sur cette "Petite Cité de Caractère" qui nous a séduits.