Anne-Marie nous propose aujourd'hui une visite guidée : celle de la Fondation Eugène Napoléon sise au 254, rue du faubourg Saint-Antoine dans le 12ème.
Cette histoire commence en 1851, année pendant laquelle la comtesse de Montijo s’installe avec sa fille Eugénie au 12 place Vendôme. Les deux femmes sont régulièrement invitées aux cérémonies officielles données par le Prince-Président Louis Napoléon Bonaparte qui, à 44 ans, s'éprend rapidement de la belle Eugénie qui n'en n'a que 25...
"J'ai préféré une femme que j'aime et que je respecte à une femme inconnue dont l'alliance aurait eu des avantages mêlés de sacrifices" dira-t-il pour justifier son choix.
Eugénie est ici peinte par Franz Xaver Winterhalter en 1857 qui fût le portraitiste attitré du gotha européen durant le deuxième tiers du XIXème siècle.
Le 26 janvier 1853, la Commission municipale de Paris "vote une somme de 600 000 francs or pour l'acquisition d'un collier de diamants" destiné à l'impératrice Eugénie, à l'occasion de son mariage avec Napoléon III. Cependant, deux jours plus tard celle dernière refuse le collier, souhaitant qu'avec cet argent soit créé "un établissement d'éducation gratuite pour les jeunes filles pauvres", ce qu'entérine une seconde délibération de la Ville.
La somme servira à la construction des bâtiments actuels situés sur les dépendances de l'ancien marché aux fourrages du Faubourg Saint-Antoine comme nous l'explique notre guide.
Le terrain, situé entre la rue du faubourg Saint-Antoine et le boulevard Diderot est signalé sur le plan ci-dessous par les pointillés rouges.
En hommage au geste généreux de l'impératrice, l'architecte Jacques Ignace Hittorff concevra un établissement de plan octogonal calqué sur la forme d'un collier dont le salon d'apparat sert de fermoir et la chapelle de pendentif.
Terminée l’année de la naissance du jeune Prince impérial en 1856 (il naît le 16 mars 1856), l’institution prend le nom de « Maison Eugène-Napoléon ». Elle ouvre ses portes le 1er janvier 1857. L'oeuvre est confiée aux Sœurs de la Charité de Saint-Vincent de Paul qui resteront présentes sur le site jusqu'en 1976. La Fondation s’ouvre à la mixité en 1984, mais doit fermer son internat, les locaux n’étant plus aux normes, en 1994. Après douze années de combat difficile, un nouveau projet se met en place, avec l’aide de la Région, de la Mairie de Paris, des Petits Chanteurs à la Croix de Bois et de la Congrégation Notre Dame.
Paris doit à Hittdorff, architecte de la Ville et du gouvernement, l'église Saint-Vincent de Paul, l'ancienne gare du nord, le cirque d'hiver, et les aménagements de la place de la Concorde, des Champs-Elysées et du bois de Boulogne.
Entrée principale à l'angle du faubourg Saint-Antoine et de la rue de Picpus
A partir de 2007 la Fondation cède l'entretien de ses jardins à la Ville de Paris qui en ouvre l'accès à tous.
Sur le fronton, le nom de l'institution et celui de sa fondatrice
Nous sommes une bonne vingtaine à nous être inscrits à cette visite qu'Anne-Marie a dû "doubler" en raison du grand nombre de demandes...
Nous entrons dans l'institution en passant sous le passage couvert en fer forgé situé sur le côté droit.
Voici le hall lors d'une exposition d'orchidées
Nous sommes ici dans le fermoir du collier !
Le hall donne accès au Salon de l'impératrice dans lequel nous prenons place autour de l'immense table en palissandre. Cette pièce est toujours dans son état d'origine : les lourdes tentures de velours de soie cramoisi et la moquette très "anglaise" n'ont pas été changés depuis le XIXème siècle paraît-il.
De larges baies vitrées en font une pièce très bien éclairée.
Le mobilier (12 fauteuils et 12 chaises) est à l'effigie de Napoléon et d'Eugénie.
Encadrant la porte d'entrée, deux portraits en pied des souverains par Franz Walter Winterhaler.
Il s'agit de copies exécutées par A. Hansmann car les originaux ont été vendus (en 2003 lors d'une liquidation judiciaire) pour payer les dettes de la Fondation... Le terrain et les constructions qui y ont été élevées ont en effet été concédés à perpétuité à la Fondation moyennant leur entretien et... cela coûte cher !
L'impératrice Eugénie
Napoléon III, Empereur des français
Les superbes cadres en bois doré mettant en valeur ces portraits sont surmontés du blason de la famille impériale : on y voit l'aigle impérial, au centre d'une croix formée par le sceptre et la main de justice. Une couronne surmonte l'ensemble.
Le style Louis XVI domine dans cette élégante pièce servant de lieu de réception et de repos à l'Impératrice. Les trumeaux des portes sont ornés d'un médaillon contenant les initiales des deux souverains, lequel médaillon est surmonté d'une couronne. En outre, une très élégante frise orne le plafond.
On dirait bien qu'au plafond il manque quelque chose !
Eh oui : le lustre en cristal a été vendu lui aussi lors d'une vente aux enchères en 2003...
Une cour sépare le Pavillon d'Eugénie - abritant le salon de l'impératrice - de la chapelle, placée par l’impératrice sous la protection de la Vierge. On laisse derrière soi un bâtiment auquel l'architecte, Hittorff - qui était allé en Sicile et y avait constaté une antiquité colorée très différente de la perception monochrome du Premier Empire - a voulu donner un peu de couleur par le mariage de la pierre et de la brique.
Une statue de Saint-Vincent de Paul, patron des associations charitables, fait face à la chapelle.
Trois statues ornent la façade : L'Espérance, la Foi et la Charité.
La Charité est traditionnellement représentée par une femme tenant un bébé dans ses bras tandis qu'elle s'occupe tendrement d'un ou deux autres.
Entrons...
On est tout de suite interpellés par le plafond à caissons. A nef unique, il est composé de caissons ornés de peintures sur toiles marouflées représentant des lys, des roses, des croix, des couronnes, des monogrammes de Marie (AM pour Ave Maria) et d’Eugénie (EM pour Eugénie de Montijo) dans des soleils sur fond bleu.
La fresque du chœur (de Félix Joseph Barrias) évoque l’origine de l’œuvre : L’impératrice offre symboliquement son collier à la Vierge en présence des orphelines de sa Fondation et des Sœurs de Saint-Vincent de Paul.
Dans sa peinture, Barrias a représenté l’impératrice agenouillée en orante devant la Vierge en Majesté. Cette position de prière (bras ouverts, paumes vers les cieux et doigt écartés) est celle des premiers chrétiens.
Dans la partie haute de la fresque, on voit Marie et l’enfant trônant, entourés de Sainte-Catherine et de Saint-Vincent de Paul. La tonalité jaune du ciel remplace le fond d’or des mosaïques byzantines habituellement utilisé dans les sujets sacrés pour illustrer la présence divine.
L’impératrice est représentée en robe de mariée avec dans sa main gauche un collier. On peut penser que ce collier est celui que Napoléon III envisageait d’offrir à son épouse.
Cette robe était « en velours épinglé blanc, constellée de pierreries. Le corsage montant avait de grandes basques rondes garnies de volants d’Angleterre et de deux rangées de diamants. Le devant du corsage, orné également de point d’Angleterre, coquillé droit, était enrichi depuis le haut jusqu’en bas d’épis en diamants formant brandebourg, au centre desquels brillait une étoile en guise de bouton. Les larges manches « pagodes » étaient décorées de quatre rangées de point d’Angleterre et entre chaque rangée scintillaient des diamants. […] La jupe et la robe étaient en demi-queue traînante, toute recouverte de point d’Angleterre.
Barrias a pris soin de ne pas mettre en avant les bijoux portés par l’impératrice. Les diamants ont disparu dans le blanc de la robe. Il a bien représenté à la ceinture l’étoile qui sert de bouton mais ne lui a donné aucun éclat.
Derrière l’impératrice, sont représentées des mères qui confient leurs filles à l’institution. L’une d’elles exprime sa reconnaissance en embrassant la robe d’Eugénie. Une autre, qui tient sa fille dans ses bras, invoque la Vierge en levant son doigt au ciel.
Au second plan, à l’extrême droite de la peinture, nous apercevons l'architecte Hittorff : il arbore sur sa veste, bien visibles, ses différentes décorations dont la légion d’honneur. Barrias s’est lui aussi représenté : c’est d’ailleurs l’un des rares portraits qu’on ait de lui à l’âge de 34 ans. Il porte, par dessus de son costume, sa blouse bleue de peintre et tient dans sa main la casquette des plâtriers, peintres en bâtiments et à fresque.
À gauche de la fresque se tiennent des jeunes filles déjà accueillies par l’institution. Elles sont habillées uniformément : robes de mérinos gris aux cols blancs, liserés bleus retenant des médailles de la Vierge et bottines grises. Leurs cheveux sont couverts d’un bonnet de dentelles noires (réservé pour les cérémonies religieuses). Deux sœurs de Saint-Vincent de Paul les encadrent. Au second plan, assisté de deux enfants de chœur, un prêtre tient une bible.
Les pensionnaires prient pour leur bienfaitrice et deux d’entre elles répandent à ses pieds des roses – attribut de la Vierge –, rappel du jeté de pétales de roses effectué lors des processions de la Fête-Dieu.
Deux statues dans le chœur
Celle-ci représente Saint-Napoléon.
L'autre représente Saint-Eugène.
La statue de la Vierge située à droite du chœur rappelle que la chapelle lui est consacrée.
La cour de récréation des élèves donne sur l'arrière de la chapelle.
Depuis plus d’un siècle et demi, malgré les aléas de l’histoire, en adaptant son projet aux nécessités du temps et grâce aux efforts conjugués des autorités civiles et de l’Eglise, l’œuvre de l’impératrice se poursuit avec des moyens adaptés à son temps. A l'heure actuelle, elle abrite une école primaire, un collège et un lycée d'enseignement supérieur (BTS) ainsi qu'une résidence pour étudiantes d'une capacité de 87 chambres.
La Fondation ouvre son site au quartier et aux Parisiens par un programme d’activités culturelles proposées par la Ville de Paris, la mairie du XIIe et son conservatoire, par ses propres manifestations musicales et artistiques, des conférences ou des expositions et par l’ouverture au public du jardin de la rue Picpus (il était ce jour en pleine restructuration).
Merci d'avoir choisi cette visite Anne-Marie qui, je suppose, était une découverte pour tous et toutes.