La semaine dernière, je suis allée avec ma sœur (elle était en manque de sorties culturelles et accusait le coup...) suivre une visite guidée proposée par le site "Sous les pavés". Celle-ci était conduite par Delphine Lanvin que j'avais déjà eue comme guide pour une visite du quartier de Montparnasse et que j'avais bien appréciée. Cette fois-ci encore, grâce à une foule d'anecdotes toutes plus croustillantes les unes que les autres, elle a su rendre son récit tellement vivant que nous n'avons pas vu passer les 2h30 de visite qu'a duré la promenade.
L'intitulé de la visite était "Les couples célèbres des îles Saint-Louis et de la Cité" et nous nous sommes retrouvées (avec trois autres personnes inscrites à la visite, respectant ainsi la loi...) devant les grilles du Palais de Justice, résidence des rois de France du Xème au XIVème siècles.
On aperçoit ici, derrière les imposantes grilles dorées à l'or fin qui donnent sur le boulevard Saint-Michel, la flèche de la Sainte-Chapelle, édifiée à partir de 1242 à la demande de Louis IX (Saint Louis) pour abriter les reliques du Christ rapportées des croisades.
Notre guide nous parle, devant ce lieu chargé d'histoire, de Louis IX et de sa femme, Marguerite de Provence. Fils de Blanche de Castille, Saint-Louis, comme on ne tardera pas à l'appeler, reçoit de sa mère une éducation très stricte et très pieuse. Marié à Marguerite de Bourgogne pour raison d'état (cette union a été concoctée par sa mère, qui est «restée aux affaires» après la majorité de Louis et souhaite ainsi étendre l’autorité royale sur le sud de la France.), il n'en est pas moins très amoureux de sa femme : une chance pour le jeune couple...
Lors de son mariage, le roi a 20 ans et Marguerite seulement 13 ans. Selon Guillaume de Saint-Pathus, confesseur et confident de la reine, Louis ne consomme pas son mariage pendant la nuit de noces mais il passe ses trois premières nuits de jeune marié à prier, respectant les « nuits de Tobie » recommandées par l'Église.
Mariage de Louis IX avec Marguerite de Provence (Vie et miracles de St-Louis - Guillaume de St-Pathus - 1330-1340)
Cultivée, spirituelle et enjouée, Marguerite est à l’opposé de son austère belle-mère, Blanche de Castille. Elle est très proche du roi qui partage sa couche avec plaisir et doit se cacher de sa mère quelque peu abusive pour passer de doux moments avec elle, nous raconte notre guide.
En août 1248, Louis IX part pour la septième croisade en compagnie de sa jeune femme et d'une grande partie de ses proches, laissant les rênes du Royaume à sa mère, Blanche de Castille. Ils seront ainsi absents du royaume de France pendant six ans.
Nous nous arrêtons au passage devant la plus ancienne horloge publique de France qui a été offerte aux parisiens par Charles V en 1371. A la révolution française, l’horloge a été considérablement endommagée. Le cadran a été reconstruit en 1849 et la dernière restauration date de 2012.
Sur un fond de manteau royal bleu azur fleurdelisé, on remarque dans la partie haute deux angelots qui tiennent un bouclier portant deux blasons : l'un de la Couronne de France et l'autre de celle de la Pologne (Henri III était souverain de ces deux états).
Nous prenons ensuite le Pont au Change pour avoir une vue d'ensemble sur la Conciergerie : le Palais royal de la Cité a été converti en prison d'Etat en 1370. La Conciergerie occupait le rez-de-chaussée du bâtiment bordant le quai de l’Horloge et les deux tours jumelles ; l’étage supérieur était réservé au Parlement. Les locaux abritaient jusqu'à récemment l'ensemble des différentes cours du Palais de Justice jusqu'au déménagement du Tribunal de Grande Instance aux Batignolles.
A gauche, la Tour de l'Horloge, puis deux tours jumelles - la Tour d'Argent et la Tour César - et enfin la Tour Bon-Bec qui est crénelée.
Avant de quitter la Conciergerie, Delphine Lanvin nous raconte une histoire incroyable, celle du Tribunal de l'Impuissance : nous faisons ainsi un bond dans l'histoire pour nous reporter au XVIIème siècle. A cette époque, les mariages étaient encore très souvent des mariages arrangés qui permettaient d'obtenir fortune ou titres de noblesse.
C'est ainsi qu'un certain René de Cordouan, alias marquis de Langey, dut épouser une jeune aristocrate dont il n'était pas épris, son cœur étant déjà engagé ailleurs... Fidèle à son amante, le marquis refusa d'honorer sa femme, tant et si bien que des années après le mariage nulle descendance ne s'annonçait. La marquise, blessée dans son orgueil, porta l’affaire devant les prélats et obtint la création d’un Congrès le 8 février 1659 destiné à juger les capacités maritales de son mari (le manquement au devoir conjugal était en effet sévèrement puni par l'église : il pouvait vous en coûter un divorce et des dommages et intérêts très très salés...).
Le Congrès de 1659 aboutit à la création du Tribunal de l'Impuissance : il s'agissait d'une assemblée de médecins, d'hommes de droit, d'Eglise et de matrones, devant laquelle l’homme devait faire acte de chair en public ("Dresser, entrer, mouiller") ! Le résultat de la copulation était vérifié au doigt et à l’œil, selon la formule juridique en vigueur.
Le pauvre marquis passa ainsi son test conjugal et, l'examen n'ayant pas été concluant, humilié, il perdit le divorce, quelques-uns de ses biens et se vit interdire le mariage jusqu’à la mort de son ex-épouse. Comble de l’histoire, quelques années plus tard, le marquis de Langey rencontra une autre femme avec qui il eut six enfants, prouvant à qui voulait bien le croire qu’il était normalement constitué. Le scandale lié à l’erreur judiciaire du tribunal fut tel qu’il aboutit à un arrêt du 18 février 1677 du parlement de Paris qui supprima la réunion du Congrès et démontra l’impuissance de cette procédure. Dès lors et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, un simple examen de l’appareil génital suffisait à prouver sa bonne foi.
Ouf !
Nous passons ensuite devant le Tribunal de Commerce où notre guide nous raconte encore une autre histoire mais..., je l'ai oubliée !
Puis, c'est le marché aux fleurs. Bien que nous soyons aujourd'hui dimanche, pas de vente d'oiseaux : un décret de février 2021 en a désormais interdit le commerce.
Delphine Lanvin nous fait ensuite passer le long de l'Hôtel-Dieu et nous signale qu'il s'étendait autrefois beaucoup plus près de la Seine.
Et voici les tours de Notre-Dame qui ont miraculeusement échappé à l'incendie du 15 avril 2019.
C'est l'histoire des mariages qui se sont passés dans la Cathédrale que nous conte maintenant notre guide, à commencer par celui de Marie Stuart avec François II, le fils aîné de Henri II et de Catherine de Médicis, qui eut lieu le 24 avril 1558.
François II et Marie Stuart - Livre d'Heures de Catherine de Médicis
"Plusieurs observateurs notèrent une grande différence dans le physique des deux époux, considérant parfois que cela conférait un côté « grotesque » à la cérémonie. En effet, Marie fit forte impression aux côtés de François, de santé fragile et de stature plus légère que son épouse, dont la tenue était particulièrement riche :
« [Sa] robe blanche était couverte de bijoux et décorée avec des broderies blanches, tandis que sa longue traîne de velours gris était tenue par deux jeunes filles. À son cou se trouvait un pendant étincelant orné de bijoux, un cadeau de son beau-père, et sur sa tête une couronne en or spécialement commissionnée, émaillée de rubis, saphirs et perles ; la rumeur disait que la pierre imposante au centre avait coûté la somme énorme de plus d'un demi-million de couronnes. »
Après la cérémonie, la procession traversa les rues de Paris jusqu'au Palais de Justice, où eut lieu un grand banquet."
Il y eut aussi le 18 août 1572, le mariage d'Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, sœur catholique du roi de France. Ce mariage était considéré comme un geste fort de réconciliation entre catholiques et protestants. Henri IV, protestant, ne pouvant entrer dans l’église pour participer à la messe de mariage, recevra donc la bénédiction sur le parvis. Il finira par abjurer le 25 juillet 1593 et sera sacré à Chartres le 27 février 1594 (et non à Reims, la ville habituelle du sacre, encore aux mains des ligueurs).
Enfin, Napoléon Ier organisa lui-même la cérémonie de son couronnement à Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804. Celle-ci, célébrée par le Pape Pie VII, dura près de cinq heures. Le peintre Jacques-Louis David immortalisa l'événement (entre 1805 et 1807) dans un tableau resté célèbre où l'on voit l'empereur couronner lui-même son épouse, Joséphine de Beauharnais.
Chemin faisant, nous arrivons à la rue Chanoinesse.
La série des petites maisons pourvues de lucarnes est un vestige du passé clérical du quartier : de nombreux chanoines, membres du clergé attachés au service de la Cathédrale Notre-Dame, y logeaient en effet autrefois.
Jolie glycine...
Ayant emprunté la rue de la Colombe, notre guide nous montre une plaque attestant de la présence ici autrefois d'une enceinte gallo-romaine.
Son emplacement est matérialisé au sol par un pavage différent.
Au bout de la rue, une colombe sur le mur indique ici l'emplacement d'un ancien cabaret "Le cabaret de la Colombe" qui vit débuter 200 artistes dont Guy Béart, Anne Sylvestre, Jean Ferrat ou encore Georges Moustaki.
Nostalgie, nostalgie...
La maison, datée du XIIIème siècle, sur laquelle a été sculptée une colombe (au-dessus de la porte d'entrée au N°4) abrite actuellement un bar à vins.
Dans la rue des Ursins voisine, au N° 17 une maison a retenu toute notre attention : elle est habitée par des membres du clergé comme l'attestent les interphones situés devant la grille qui en ferme l'entrée.
On y remarque sous les fenêtres une frise dorée sur fond bleu qui porte les initiales ND pour Notre-Dame.
Jusqu’au XVIIIe siècle, de très nombreux édifices religieux aujourd’hui disparus ont peuplé l’île de la Cité. On connaît très peu de choses de ces églises si ce n’est la simple preuve de leur existence. Actuellement, la Chapelle Saint-Aignan représente le seul vestige des 23 églises et chapelles que comportait la Cité au XIIème siècle. Fondée vers 1116 par Etienne de Garlande, doyen de Saint-Aignan d'Orléans et chancelier du roi Louis VI le gros, deux chanoines la desservaient. On dit que saint Bernard y venait prier, ainsi qu’Abélard.
Elle est bien difficile d’accès ! Il faut se rendre entre la rue des Ursins et la rue Chanoinesse, au fond de la cour du 24 pour admirer ce qu’il reste de ce seul témoin de l’architecture romane.
La chapelle comportait trois travées, une pour le chœur et deux pour la nef, soit à peu près 10 m x 5. Le chœur a disparu, restent une travée et demie avec l'une des portes d'entrée.
C'est un pur hasard si nous avons pu la visiter car la chapelle Saint-Aignan est située au fond d'une cour (un prêtre, arrivant justement en moto pour s'y garer, nous y a gentiment donné accès).
C'aurait été dommage de rater ça !
Chapiteau mur nord
Chapiteau mur sud, vu du nord-est
Vierge du XVème siècle
Dans la sacristie, un plan de l'île de la Cité permet de voir la situation de la chapelle (point rouge). Delphine Lanvin nous montre aussi jusqu'où s'étendait l'ancien Hôtel-Dieu.
Nous voici maintenant arrivé près du Quai aux Fleurs au niveau de la rue des Ursins.
Il paraît que c'est dans cette maison qu'habite par intermittence l'Aga-khan IV.
Même si les fenêtres du rez-de-chaussée sont à meneaux et accolades, il semble que ce soit plutôt une reconstitution plus ou moins récente.
Lors de la crue de la Seine de 1910, la rue a été submergée par plus de 1,5 m d'eau, comme le montre la plaque apposée sur le mur.
C'est ici qu'habitèrent autrefois Héloïse et Abélard, au N°9 du Quai aux Fleurs.
Maintes fois contée, l’histoire d’Héloïse et d’Abélard a élevé ses acteurs au rang de personnages mythiques. Ces Roméo et Juliette parisiens se connurent dans l’île de la Cité.
Nantais d’origine, Abélard gagna Paris en 1100 pour y suivre l’enseignement de Guillaume de Champeaux. Devenu lui-même professeur de renom, il accéda bien volontiers à la requête d’un chanoine de Notre-Dame, Fulbert, lui demandant de donner quelques leçons à sa nièce, Héloïse.
La jeune fille était alors âgée de 18 ans alors qu’Abélard en avait 39, mais cela n’empêcha pas l’élève et son professeur de tomber éperdument amoureux l’un de l’autre. Redoutant la fureur du chanoine, les amants s’enfuirent en Bretagne, où Héloïse donna naissance à un fils, puis ils revinrent à Paris.
Fulbert préparait sa vengeance. Des hommes de main envoyés par lui s’emparèrent d’Abélard et le châtrèrent. Désormais Abélard se consacra à des activités purement spirituelles. Il devint moine et fonda l’oratoire du Paraclet. Héloïse prit le voile à Argenteuil.
Lorsque Abélard s’éteignit en avril 1142, à Chalon-sur-Saône, au couvent de Saint-Marcel, Héloïse fit transporter secrètement sa dépouille au Paraclet. Elle-même disparaîtra vingt-deux ans plus tard et rejoindra Abélard dans son cercueil. Le scandale traversa les siècles puisqu’en 1630, une abbesse s’avisa de trier soigneusement puis de séparer les ossements des amants. Ils sont aujourd’hui ensemble au cimetière du Père-Lachaise.
Les deux portes donnant accès à l'immeuble sont surmontées d'un médaillon représentant, l'un Héloïse et l'autre Abélard.
Leurs visages ne sont que pures suppositions... Ici, celui d'Héloïse,
et là, celui d'Abélard.
De même, ces deux petits macarons qui ornent les grilles en fer forgé de la porte.
Depuis le Quai aux Fleurs, on a une jolie vue sur la pointe de l'île Saint-Louis.
Un dernier regard sur Notre-Dame, toute encapuchonnée d'échafaudages...
Le Pont Saint-Louis fait communiquer les deux îles entre elles.
Nous empruntons la rue Saint-Louis en l'île (rue principale de l'île) puis la rue Le Regrattier portant le nom de celui qui fut chargé du lotissement de l'île-Notre-Dame, aujourd'hui devenue île Saint-Louis.
La rue Le Regrattier portait vers 1710 le nom de "rue de la Femme-sans-Teste" : on en aperçoit ici encore la gravure dans la pierre, sous la statue décapitée.
En réalité, la statue ne représentait pas une femme sans tête : il s'agissait d'une statue de Saint-Nicolas, patron d'un certain Nicolas de Jassaud et aussi de la confrérie des mariniers, qui habitait un hôtel particulier situé dans cette rue. A l'époque de la Révolution, la statue a été vandalisée par un sans-culotte appelé Couffignal qui exigea qu'on détruise la statue qui représentait un signe religieux.
L’ancien nom de la rue vient d’une enseigne, située dans la rue, représentant une femme sans tête, tenant un verre à la main, avec comme devise : « Tout est bon », sous-entendant, qu’une femme sans tête ne pouvait être qu’une très bonne femme...
Pour la petite histoire, c'est au N°6 de la même rue que Baudelaire habita chez une certaine Jeanne Duval, célèbre "Vénus noire" immortalisée par Edouard Manet.
Nous parvenons Quai de Bourbon où, au N°19, se tient l'hôtel particulier où habita et travailla Camille Claudel avant son enfermement.
Bâti en 1635, il fait face à la Seine.
Une plaque, apposée au rez-de-chaussée, le rappelle.
Camille Claudel (photographie prise vers 1883) a été l'élève, l'assistante, la maitresse et la muse d'Auguste Rodin.
La passion amoureuse que Camille eut pour le maître sera toutefois contrariée par l'attachement que Rodin avait pour celle avec laquelle il partageait sa vie, Rose Beuret. Camille fera un bronze intitulé "L'âge mur" qui représente Rodin (d'âge mûr) tiraillé entre Rose (représentée comme une sorte de vieille sorcière) et Camille (représentant la jeunesse) qui le supplie de l'aimer.
Une œuvre très forte que l'on peut aller admirer au Musée Rodin (sous forme de plâtre) ou au Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine (sous forme de bronze).
La balade se termine au N°17 du Quai d'Anjou où se trouve un superbe hôtel particulier construit entre 1657 et 1658 par l'architecte français Charles Chamois. Il fut acheté et habité en 1682 par le duc de Lauzun.
Son balcon en fer forgé est particulièrement remarquable.
Antoine Nompar de Caumont, marquis de Péguilhem, puis duc de Lauzun, eut une destinée singulière : Cadet de Gascogne, sans biens, sans véritable esprit, sans talents supérieurs, il fut pourtant adulé par les femmes. Il fit de nombreuses conquêtes, dont une en particulier, Anne-Marie Louise d'Orléans, petite-fille d'Henri IV. La Grande Mademoiselle, comme on l'appelait alors, n'a pas hésité à tenir tête à son père et au Roi Soleil au sujet des mariages qu'ils voulaient lui imposer ou de sa colossale fortune qu'elle tenait à gérer depuis sa majorité, devenant une redoutable femme d'affaires. Louis XIV, son cousin germain, refusa tout d'abord cette union sous la pression de la cour et de Madame de Montespan.
Madame de Sévigné a écrit au sujet de ce mariage qui faisait parler le "tout Versailles", une lettre adressée à son amie intime, Madame de Coulanges.
"Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu'aujourd'hui, la plus brillante, la plus digne d'envie : enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste ; une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon ?) ; une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde ; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d'Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue ; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire ; devinez-la : je vous le donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens ? Eh bien il faut donc vous la dire : M de Lauzun épouse dimanche au Louvre, devinez qui ? je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix, je vous le donne en cent. Mme de Coulanges dit : " Voilà qui est bien difficile à deviner ; c'est Mme de la Vallière. - Point du tout, Madame. C'est donc Mlle de Retz ? -. Point du tout, vous êtes bien provinciale. - Vraiment, nous sommes bien bêtes, dites-vous, c'est Mlle Colbert. - Encore moins. - C'est assurément Mlle de Créquy. - Vous n'y êtes pas. Il faut donc à la fin vous le dire : il épouse, dimanche, au Louvre, avec la permission du Roi, Mademoiselle de..., Mademoiselle.... devinez le nom : il épouse Mademoiselle, ma foi par ma foi, ma foi jurée, Mademoiselle, la grande Mademoiselle ; Mademoiselle, fille de feu Monsieur ; Mademoiselle, petite-fille de Henri IV ; Mlle d'Eu, Mlle de Dombes, Mlle de Montpensier, Mlle d'Orléans, Mademoiselle, cousine germaine du Roi ; Mademoiselle, destinée au trône ; Mademoiselle, le seul parti de France qui fût digne de Monsieur."
"Voilà un beau sujet de discourir. Si vous criez, si vous êtes hors de vous-même, si vous dîtes que nous avons menti, que cela est faux, qu'on se moque de vous, que voilà une belle raillerie, que cela est bien fade à imaginer ; si enfin vous nous dites des injures : nous trouverons que vous avez raison ; nous en avons fait autant que vous."
Elle est dite ici par Gisèle Casadesus.
Peu après le mariage, le 25 novembre 1671, Lauzun est arrêté dans sa chambre du château de Saint-Germain sur ordre du roi. Il est alors conduit et emprisonné par d'Artagnan - escorté de cent mousquetaires - dans la forteresse de Pignerol. Il y retrouve Fouquet, "locataire" du lieu depuis dix ans. Mademoiselle est inconsolable.
Les historiens ne sont pas certains des raisons de son arrestation : soit parce qu’il avait épousé secrètement Mademoiselle de Montpensier (la Grande Mademoiselle), soit sur l’intervention de Madame de Montespan sur qui il avait tenu des propos outrageants. Un autre historien, Jean-Christian Petifils avance une autre raison possible (mais pas incompatible avec celles déjà énoncées) : il aurait (par vengeance ?) renseigné les Hollandais sur les velléités de guerre de Louis XIV en Flandres.
Il demeure à Pignerol jusqu’en 1681, date à laquelle Mademoiselle de Montpensier obtient sa libération contre la promesse de céder au duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV, le comté d'Eu et la principauté de Dombes.
Il est probable que les deux amants se marièrent, mais ils se séparèrent dès 1684.
Quel bouffée d'oxygène que cette vraie visite guidée ! Un avant-goût de la "vie d'après" peut-être... Il est préférable de voir la vie du bon côté, non ?