Pour voir l'épisode précédent (le village des Mées et l'abbaye Notre Dame de Ganagobie), cliquez ICI.
Aujourd'hui, nous partons vers l'ouest à une quarantaine de kilomètres de Saint-Martin-les-Eaux où se trouve notre gîte, et plus précisément à Rustrel où nous avons décidé de visiter une ancienne carrière d'ocre à ciel ouvert appelée "Le Colorado Provençal". A la boutique, ils vendaient cette affiche.
Chouette, non ?
La géologie
Il y a longtemps, ce qui allait devenir la Provence, était sous l'eau. Les sédiments marins s'accumulèrent pendant des millions d'années. C'est ainsi que se déposèrent successivement des calcaires blancs, des argiles grises et des sables de couleur verte chargés en glauconie (argile marine riche en fer). Puis, à la suite de mouvements tectoniques, la Provence émergea et un climat tropical s'installa. Des pluies diluviennes altérèrent les sables verts qui donnèrent des sables ocreux puis blancs. Des kaolinites (silicates d'alumine) cristallisèrent, pigmentées par de la goethite (oxy-hydroxydes de fer), de la limonite (hydroxyde de fer), de l'hématite (oxydes de fer) qui donnent sa richesse à la palette de couleurs observées dans la nature du massif des ocres.
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Deux circuits fléchés faisant un boucle, l'un bleu de 2 kilomètres (le Sahara), l'autre orange de 4 kilomètres (les belvédères), permettent de découvrir le site.
Celui-ci, privé et classé zone Natura 2000, est soumis à une réglementation.
Il est notamment interdit de :
Sortir des sentiers balisés, s'approcher des falaises (danger), fumer et faire du feu (y compris sur le parking), prélever de l'ocre, des minéraux ou des végétaux, graver sur les falaises et les parois, jeter ses déchets, circuler en vélo, vtt, véhicule motorisé, circuler à cheval sauf convention, faire voler un drone (brouilleur activé), jouer au ballon, écouter de la musique, et enfin pique-niquer sur le site.
La promenade commence par un chemin ombragé.
Celui-ci débouche sur une clairière au fond de laquelle on peut apercevoir les restes d'un aqueduc construit à la fin du XIXe siècle appelé l'aqueduc de Couloubrier. Celui-ci servait à conduire l'eau d'un ruisseau du massif des ocres vers un moulin implanté au bord de la Doa et permettait ainsi de canaliser le ruissellement sur ce terrain fragile.
Il est constitué de chenaux en pierre de taille.
Le long du chemin, nous commençons à voir le paysage se colorer légèrement.
Puis, c'est l'explosion des couleurs !
Nous sommes "briefés" par des employés du site à ne pas franchir les piquets que vous voyez : il y a en effet des risques d'effondrement de la carrière.
Comment cet arbre tient-il encore debout... ?
Nous ne sommes qu'un petit nombre à nous promener dans les ocres. Il est vrai que la température qui avoisine les 30 degrés se fait sentir en plein soleil.
Les couleurs sont plus ou moins intenses selon les endroits.
Cette personne du site, équipée d'un téléphone, surveille les départs de feu éventuels.
C'est là que nos chemins se séparent : flèche orange tout droit, flèche bleue à gauche. Nous optons d'un commun accord pour la flèche bleue car il fait super chaud en plein cagnard.
Adieu les couleurs vives du Sahara (vous savez, c'est le nom du parcours) !
Nous retrouvons un peu d'ombre sur le chemin du retour.
Et même une petite mare d'eau, il est vrai un peu saumâtre.
Retour à la case départ
Tout ça, c'est bien beau, mais que dire de l'utilisation de cet ocre ?
Il est utilisé :
► Comme colorant alimentaire : peau des saucisses de Strasbourg, chocolat pendant la guerre (où l'on manquait de cacao), tabac à priser, papier des cigarettes Gitane maïs, filtres à cigarettes, croûtes de fromage...
► En médecine : propriétés dessicatives et astringentes (cf. substances ferrugineuses), pansements gastriques au Moyen Age.
► Pour nettoyer l'argenterie, polir les métaux, les glaces, raviver la couleur des carreaux de terre cuite.
► Pour protéger le bois de l'eau (volets, coques de bateaux...).
► Dans la fabrication de papiers peints, de linoléum, de papier carton, de peintures.
► Dans la coloration du caoutchouc (chambres à air, bottes en caoutchouc, rondelles de bocaux).
► Dans les cosmétiques (fonds de teint).
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L'âge d'or de l'ocre se situe entre 1876 et 1930. A Rustrel, on se servait de l'eau pour "arroser" les fronts de taille qu'on découvrait à la dynamite. La séparation du sable et de l'ocre se faisait tout de suite à l'extraction : le sable se déposait en premier dans les ravines creusées au bas du front de taille ; et l'ocre continuait jusqu'aux bassins de décantation, transportée par l'eau, pour s'y déposer à son tour. Il fallait attendre le mois d'août pour la récolte, lorsque l'ocre avait séché, découpée en cubes au préalable, pour la transporter aux usines qui la réduisaient en poudre fine selon l'usage auquel elle était destinée. Le travail se faisait de l'automne au printemps, en parallèle avec le travail des champs.
Ici, on était ocrier et paysan.
En 1871, le premier ocrier, Jean Allemand, raffinait son ocre dans les anciennes minoteries de farine situées dans l'usine de fer du quartier Saint-Pierre. En 1991, le dernier ocrier prit sa retraite.
Nous devions déjeuner sur le site au Restaurant des Mille Couleurs mais comme on était lundi, le restaurant était fermé. Nous sommes donc allés à Apt, tout proche, et avons commandé un plat froid à cause de la chaleur.
Je n'ai jamais mangé une telle quantité de charcuterie !
Jambon cru et cuit, saucissons divers, pâtés variés ont fait le bonheur de notre palais.
La journée s'est terminée là.
La suite au prochain numéro (Moustiers-Sainte-Marie et les gorges du Verdon).
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