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Ma journée de la femme 2018

En cette journée de la femme, je suis allée assister à une conférence passionnante de Madame Jacqueline Albran, Maître de conférence honoraire en littérature comparée, conférence qui avait lieu dans la salle Jean Damme située dans le 2ème arrondissement, lieu souvent choisi par l'Université Permanente de Paris pour ses conférences destinées aux personnes retraitées habitant Paris.

Madame Albran rappelle dans son introduction que l'on a toujours à l'esprit, en parlant des femmes ayant vécu sous la Révolution, les nom de Marie-Antoinette et de Charlotte Corday...

Représentation de l'assassinat de Marat par Charlotte Corday au 19ème siècle par Baudry

Journée de la femme

Même si leur vie  a marqué l'histoire de France, la conférence traite ici de la vie et de l'action de deux autres femmes vivant à cette époque, Olympe de Gouges et Manon Roland, qui ont elles aussi fini sur l'échafaud.

A l'époque on avait la Louisette facile !
(À la croisée des pensées politiques et philosophiques du docteur Guillotin, des réflexions anatomiques du docteur Louis, et des questions pratiques du bourreau Sanson naîtra la guillotine d'abord appelée Louisette.)

16 octobre 1793 : exécution de Marie-Antoinette sur la Place de la Révolution (Place de la Concorde actuelle)

Journée de la femme

Jusqu'à cette époque, le rôle des femmes se cantonne surtout dans l'esprit de tous à l'éducation des enfants et aux tâches ménagères (Cf. certains écrits de Jean-Jacques Rousseau).

Alors, quand Olympe de Gouges et Manon Roland se mêlent de politique, rien ne va plus !

Il a pourtant fallu attendre la commémoration du bicentenaire de la Révolution pour entendre parler d'elles. En effet, le 19ème siècle les a encensées mais le 20ème les a reniées...

Un médecin, en 1904, va même jusqu'à dire d'Olympe de Gouges qu'elle était atteinte de "paranoïa reformaria" !

La vie d'Olympe de Gouges

Journée de la femme

Elle est née dans le midi de la France, à Montauban, le 7 mai 1748 (et en a l'accent...) et a été déclarée sous le nom de Marie Gouze.

Mais pourquoi ce nom alors... ?

En fait, à un peu plus de 20 ans cette femme de lettres et femme politique française a choisi de prendre le prénom de sa mère, Anne-Olympe Mouisset, et le nom du mari de celle-ci, Pierre Gouze, en le transformant légèrement. Olympe de Gouges est en effet la fille naturelle de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, poète français qui eut une liaison avec sa mère.

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, le père naturel

Journée de la femme

Mariée à 17 ans contre son gré à un homme de trente ans son aîné, elle devient veuve l'année suivante. Ayant rencontré un haut fonctionnaire de la marine, Jacques Biétrix de Rozières, celui-ci lui proposa de l'épouser mais elle refusa. Leur liaison dura jusqu’à la Révolution.

Elle considérait en effet le mariage religieux comme — « le tombeau de l’amour et de la confiance » — qu’elle proposait de remplacer par un contrat civil équitable prenant en compte les penchants naturels des partenaires à contracter des liaisons hors mariage.

Quelle modernité : 200 ans d'avance sur le Pacs !

A part sa mère - qu'elle aidera financièrement par la suite -, plus rien ne la retient à Montauban : elle rejoint donc sa soeur à Paris où elle partage la vie de son compagnon en menant une vie mondaine mais pas tapageuse comme on a pu le sous-entendre.

Elle écrit des pièces de théâtre, des contes philosophiques et des écrits politiques.

EN 1785, elle écrit même une pièce sur l'esclavage des noirs (Zamore et Mirza ou l'heureux naufrage), pièce qui fut jouée à la Comédie Française, et elle milite pour l'abolition de l'esclavage.

Journée de la femme

A cela il faut ajouter sa revendication pour le droit au divorce, son action contre les vœux forcés (elle écrira une pièce intitulée "Le couvent ou les vœux forcés"), son action sociale (elle invente ce qui deviendra plus tard la Sécurité Sociale !), elle parle de créer un impôt sur la fortune..., elle crée des ateliers publics pour les ouvriers au chômage... Tiens tiens : il y avait déjà du chômage à cette époque...), elle propose la féminisation des noms de métiers... et dit que si la femme a des devoirs (comme celui de payer l'impôt ou... d'aller à l'échafaud) elle doit aussi avoir des droits (comme celui de parler à la tribune).

Le 5 septembre 1791, elle publie sa "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" et l'adresse à la Reine.

Journée de la femme

Bref, vous aurez compris qu'elle dérange.

En dehors de tout ceci, Olympe de Gouges appartient au groupe des Girondins tout comme Brissot (son chef de file), Vergniaud, Condorcet et Jean-Marie Roland, le mari de Manon Roland.

Pour faire simple, les Girondins sont à droite depuis la chute de la Monarchie le 10 août 1792 et les Montagnards (conduits par Robespierre) sont à gauche.

Une lutte de pouvoir entre les deux partis conduit les Montagnards à l'arrestation des Girondins qui seront conduits à l'échafaud.

Olympe de Gouges, s'en étant prise à ceux qu'elle tenait pour responsable des "massacres de septembre" (suite d’exécutions sommaires qui se sont déroulées du 2 au 6 ou au 7 septembre 1792 à Paris dans un contexte de panique des révolutionnaires) et soupçonnant Robespierre et les Montagnards de vouloir accéder à la dictature, elle fait placarder dans Paris des affiches attaquant ce dernier.

Cela sonne l'heure de sa mort... Elle est arrêtée le 3 juillet 1793, emprisonnée à l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés puis guillotinée le 30 octobre.

Journée de la femme

De nombreuses municipalités françaises ont rendu hommage à Olympe de Gouges en donnant son nom à des établissements scolaires, des voies publiques, des bâtiments publics, dont la Place Olympe de Gouges à Paris 3èmele Centre Olympe de Gouges (maternité et gynécologie) du CHRU de Toursles "rue Olympe de Gouges" dans de nombreuses villes de France, le théâtre Olympe de Goujes à Montauban etc...

En 1989, Nam June Paik a créé une œuvre intitulée "Olympe de Gouges in La fée électronique". Cette œuvre, commandée par la ville de Paris à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, est aujourd'hui exposée au Musée d'Art moderne de la ville de Paris.

Les robots de la Révolution par Nam June Paik

Bof bof...

Le 19 octobre 2016, un buste d'Olympe de Gouges est installé dans la salle des Quatre-Colonnes du Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale. C'est la première représentation d'une femme politique parmi les œuvres d'art présentées dans l'édifice.

Journée de la femme 2018

Intéressons-nous maintenant à la vie de Manon Roland.

Journée de la femme 2018

Jeanne-Marie Philipon est née en 1754 dans une famille d'artisans-artistes. Dès sa petite enfance, on observe chez elle une passion pour tout ce qui est intellectuel : ainsi, sachant lire dès l'âge de quatre ans, elle lit à seulement huit ans "La vie des hommes illustres" de Plutarque qui restera l'un de ses auteurs favoris.

A dix ans, elle est agressée sexuellement par l'un des ouvriers de son père et demande à être placée, en mai 1765, au couvent des Augustines de la Congrégation de Notre-Dame, rue Neuve-Saint-Étienne, où elle se lie d’amitié avec Sophie Cannet avec laquelle elle entretiendra une correspondance suivie après sa sortie du couvent.

Jolie, spirituelle, cultivée, Manon Roland a beaucoup de prétendants mais elle dicte à son père les lettres de refus. C'est par l'intermédiaire de la famille de Sophie qu'elle fait la connaissance, en 1776, de Jean-Marie Roland de la Platière, inspecteur des Manufactures et économiste réputé de 20 ans son aîné. Elle sort du couvent (où elle lit les philosophes : Diderot, d'Alembert) - elle perd alors la foi - et en 1780 n'arrivant plus à vivre avec ses 530 livres de rente que lui verse son père, elle se résout à épouser Jean-Marie Roland.

Jean-Marie Roland, Vicomte de la Platière

Journée de la femme 2018

« Toute sa vie, elle coopérera au travail de son mari, co-rédigeant avec lui ses discours académiques, ses traités techniques, ses rapports d’inspecteur des manufactures, ses articles pour l'Encyclopédie méthodique dite de Panckoucke et, pendant la Révolution, ses textes ministériels » (Citation du livre de Dominique Godineau : "Les femmes dans la France moderne du 16ème au 18ème siècles)

Jean-Marie Roland rencontre Jacques-Pierre Brissot, le chef de file des Girondins vers 1788 et c'est à ce moment que sa femme commence à s'intéresser à la politique.

Le couple, qui jusqu'ici vivait à Lyon, arrive à Paris en 1791. Le salon de Manon devient le lieu de rassemblement des Girondins dont elle est l'égérie.

Grâce à ses relations, son mari devient bientôt Ministre de l'Intérieur tandis qu'elle éprouve une passion - partagée - purement platonique pour François Buzot, l'un des orateurs du parti Girondin. Cependant, c'est elle qui oriente sa politique - et cela se sait : on lui en voudra plus tard...

Après les "massacres de septembre" dont elle tient Danton pour responsable, son mari est bientôt disgracié et, le 31 mai 1793, il fuit à Rouen tandis que Buzot se réfugie à Bordeaux. Manon Roland se laisse arrêter en son domicile parisien de la rue de la Vieille Bouclerie et elle est incarcérée dans la prison de l'Abbaye Saint-Germain-des-Prés.

Libérée de la présence de son mari, elle ressent cette arrestation comme un soulagement.

Elle est ensuite transférée à la Conciergerie : en prison, elle est respectée par tous les gardiens et certains privilèges lui sont accordés. Elle peut ainsi avoir de quoi écrire et recevoir des visites occasionnelles de ses amis dévoués.  C’est à la Conciergerie qu’elle écrit ses mémoires destinés à sa fille Eudora ("Appel à l’impartiale postérité").

Elle est jugée le 8 novembre 1793. Tout de blanc vêtue, elle se présente devant le Tribunal révolutionnaire. Le procès se déroule très rapidement et la sentence est mise à exécution le soir même, en même temps qu’un autre condamné, Simon-François Lamarche, ancien directeur de la fabrication des assignats, accusé de s’être rendu aux Tuileries, auprès du roi, le 9 août, veille de la prise des Tuileries.

On dit que Madame Roland donna du courage à ce dernier qui était de plus en plus accablé par les huées de la foule criant "A la guillotine !" et qu'elle sembla y parvenir. Elle aurait dû être exécutée avant Lamarche, mais c’est le contraire qui eut lieu. Elle aurait proposé à ce dernier de passer le premier, mais ceci parait aussi apocryphe que son exclamation « Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »...

Cinq mois plus tard, apprenant l'exécution de sa femme, Jean-Marie Roland se suicida en s'empalant avec son épée, s'appuyant contre un arbre. Au final, il a eu du courage...

Journée de la femme 2018

Quant à François Buzot, il se suicida également...

Comme nous a fait remarquer Madame Albran, quand les Girondins n'ont pas été assassinés, ils se sont suicidés ! Triste époque...

Une conférence passionnante où l'on révise son Histoire de France ! 

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