Aujourd'hui Anne-Marie nous a donné rendez-vous au métro Rambuteau, près de Beaubourg, pour une après-midi de promenade à travers les passages couverts peu connus des 2ème et 3ème arrondissements de la Capitale.
Nous commençons la balade par le jardin Anne Franck que je ne connaissais pas. A l'entrée, on y trouve un petit marronnier : c'est un rejet de celui qu'Anne Franck aimait à regarder par une lucarne depuis l'immeuble où elle et sa famille se cachaient. Ce marronnier d'Amsterdam, âgé de 160 à 180 ans, a malheureusement été cassé par une tempête en 2010 mais il revit ici depuis 2007...
Le jardin d'Anne Franck se tient à l'emplacement des anciens jardins de l'Hôtel Saint-Aignan, maintenant occupé par le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme.
Comme d'habitude, Anne-Marie a beaucoup aficionados femmes et... un aficionado (c'est un fait avéré que les hommes sont plus casaniers que ces dames !)
Le défenseur du temps : ainsi se nomme l'horloge à automates située dans le Quartier de l'Horloge près du Centre Pompidou. Elle mériterait un petit coup de plumeau (au minimum) car pour l'instant elle est couverte de fientes de pigeons et elle ne fonctionne plus depuis 2003.
Si vous voulez la voir fonctionner, cliquez ICI sur le site de Jacques Monestier, son créateur.
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Nous voici maintenant dans le vif du sujet avec le Passage Molière qui relie la rue Saint-Martin à la rue Quincampoix. Il a été ouvert vers 1791 et a pris ce nom du fait de sa proximité avec l'ancien théâtre Molière voisin. Précédemment il s'appelait "Passage des nourrices" en raison de l'existence d'un bureau de placement pour la profession.
Etant en travaux actuellement..., c'est une photo empruntée au net qui vous en donne une idée.
Dans le passage, la Maison de la Poésie a remplacé l'ancienne "entrée des artistes" du théâtre Molière. On y trouve aussi quelques restaurants et des petits commerces sympathiques comme cet artisane en chaussures qui travaille "en vitrine" !
Deux statues ornent l'angle des rues Saint-Denis et Etienne Marcel.
Je suppose que celle-ci représente Saint-Denis bien qu'il ne porte pas sa tête...
Celui-ci, portant les clefs de la ville, est assurément Etienne Marcel, le premier Prévost des marchands de Paris.
Anne-Marie a apporté de la documentation sur les enceintes de Paris : celle de Philippe Auguste, créée en 1200, est en bleu sur la photo tandis que l'enceinte de Charles V (construite plus d'un siècle plus tard) ne concerne que la rive droite de la Seine (à gauche sur la photo). Le plan est ici orienté Est-Ouest au lieu de la représentation classique Nord-Sud.
Cette carte date de 1572 : elle a été établie par Sébastian Münster.
A l'intersection de la rue Saint-Denis et de la rue de Turbigo, il y a une brèche entre deux immeubles : c'est l'impasse des peintres, tracée à l'extérieur de l'enceinte de Philippe Auguste créée en 1200. On est ici à la porte Saint-Denis, première du nom.
Une plaque sur l'immeuble en face le confirme.
Chemin faisant nous arrivons dans la rue du Bourg-l'Abbé où se trouvaient autrefois les Bains Guerbois, des thermes créés en 1885 pour une clientèle raffinée et fortunée (un mélange d'intellectuels et d'artistes).
Une plaque en bas de l'immeuble rappelle le passé de cet établissement devenu depuis cette année un Hôtel de luxe, doublé d'une boîte à la mode et d'un restaurant.
Anne-Marie s'arrête maintenant rue Saint-Martin devant l'une des "pelles Starck" comme on les appelle communément : ces panneaux indicateurs qui racontent l'histoire de Paris sont en fait en forme de rame pour rappeler la devise de la ville "Fluctuat nec mergitur".
Rassurez-vous, je viens de l'apprendre grâce à Wikipédia... Les balades d'Anne-Marie ont ça de bon qu'elles m'obligent à fouiller sur le net (impossible de tenir crayon et papier quand on a déjà en main un appareil photos...).
Celle-ci raconte l'invention des fiacres : tout est parti de Nicolas Sauvage, maître des coches d'Amiens qui en 1612 loua ici, rue Saint-Martin (ou rue Saint-Antoine : il y a un doute...) une grande maison à l'enseigne de Saint-Fiacre. Ce dernier avait en effet prédit à Anne d'Autriche qui désespérait d'avoir un héritier mâle, qu'elle aurait un fils (comment le fit-il à plusieurs siècles d'écart, l'histoire ne le dit pas...). La vénération du Saint était si grande que tous les cochers collèrent sur leur voiture l'effigie du bienheureux, comme garantie contre les accidents.
Depuis ce temps, les carrosses de louage s'appellent des fiacres.
A l'heure actuelle, pour se protéger des accidents c'est plutôt à Saint-Christophe qu'on se voue... et Saint-Fiacre, lui, est plus connu comme le Patron des jardiniers : c'est en tout cas ainsi que le présente l'iconographie.
A la veille de la Révolution, il y a en environ 800, répartis en 33 stations, plus 650 carrosses de remise. Les cochers ont une réputation détestable et la Préfecture de Police tente d'exercer sur eux un contrôle très strict: chaque voiture doit posséder son numéro, acheté fort cher à la Ville, son livret de maître et son permis de station et de circulation. A son apogée vers 1900, le fiacre connaît ensuite un déclin rapide, concurrencé par le véhicule à traction automobile, vite appelé "taxauto" puis "taxi", par abréviation de taximètre.
Nous voici au 223, rue Saint-Martin : ici, on peut entrer dans le Passage de l'Ancre.
C'est un havre de paix dont on ne peut absolument pas se douter de l'existence en passant devant la porte cochère. C'est là que Nicolas Sauvage remisa en 1637 dans l'Auberge du Grand Saint-Pierre les vingt premiers fiacres.
Annette était de la balade !
La campagne à Paris... Beaucoup de bureaux se cachent derrière ces façades arborées.
Une exception : l'enseigne de PEP'S qui est un magasin de réparation de parapluies, ombrelles et cannes. Son activité est unique en France : installé depuis les années 60 dans le "quartier du parapluie" du Sentier de Paris, le magasin a été au service des professionnels, puis maintenant de tous les particuliers amoureux de leurs parapluies.
Une belle enseigne en tout cas
Le Passage de l'Ancre ressort sur la rue de Turbigo.
A deux pas d'ici, dans le IIème arrondissement cette fois-ci, nous arrivons devant l'entrée du Passage Bourg-l'Abbé côté rue Palestro.
Les deux cariatides qui encadrent l’entrée, sculptées par Aimé Millet sont des allégories du Commerce (à gauche) et de l'Industrie (à droite).
Au centre, un médaillon représente une ruche, symbole de l'activité économique.
Le passage communique de l'autre côté avec la rue Saint-Denis.
Côté rue de Palestro, un joli baromètre
Traversant la rue Saint-Denis, nous nous dirigeons vers le Passage du Grand Cerf.
Il fait communiquer la rue Saint-Denis avec la rue Marie Stuart.
Ce n'est pas à cause de ce cerf qu'un café a pris pour enseigne que le passage est ainsi appelé mais parce qu'il a été construit à l'emplacement de la "Maison du roulage du Grand Cerf" qui était le terminus des Messageries Royales.
Il est réputé pour la hauteur de sa verrière (11,80 mètres), la plus haute de tous les passages couverts parisiens.
Les commerces du passage du Grand Cerf sont principalement ceux de designers et de créateurs (bijoux, artisanat, mobilier…). Autant dire que le flâneur peut se régaler !
Au débouché de la rue Marie Stuart, une pelle sur l'Histoire de Paris concernant ladite rue.
La rue Marie-Stuart était située en deçà de l'enceinte de Philippe Auguste : elle s'appelait à cette époque la "rue Tire-Vit" (vit étant synonyme de pénis en latin). C'est là, au bord de la ville, que Saint-Louis, par un édit de 1256, avait fait refouler les femmes de petite vertu.
On en tirera le nom de "bordel".
Un petit dessin sans équivoque au centre de la pelle rappelle ce passé.
Dans la seconde moitié du XIVème siècle, l'enceinte de Charles V intègre le quartier à la Ville ; la rue change peu de temps après de nom pour prendre celui moins vulgaire de "rue Tire-Boudin".
Peu après, la jeune épouse de François II, Marie Stuart, passant par là, en demanda le nom : comme il n’était pas honnête à prononcer, on en changea la dernière syllabe et ce changement a subsisté jusqu'en 1809 où le nom actuel fût donné à la rue par décision ministérielle.
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Nous voici maintenant dans l'impasse Saint-Denis.
Les enseignes de la rue sont sans équivoque : c'est bien ici que se trouve l'un des quartiers les plus "chauds" de la Capitale !
La rue Saint-Denis croise la rue Réaumur : on y trouve quelques belles façades post haussmanniennes, telle que celle de cet ancien magasin de nouveautés "Au Réaumur" inauguré en 1897. Le magasin a fermé dans les années 60. L'horloge en mosaïque était à l'origine éclairée...
Cet immeuble du 63 de la même rue fût construit vers 1900. Il est remarquable par son "porche" gothique pourvu d'une immense horloge.
Nous dirigeant toujours vers le nord, nous passons près d'une "pelle" qui rappelle l'histoire de la rue du Ponceau : un petit pont sur la rue Saint-Denis permettait de traverser le grand égout à ciel ouvert. En 1605, ce cloaque qui empuantissait les environs fut couvert aux frais du Prévost des marchands, François Miron, entre les rues Saint-Martin et Saint-Denis. Ceci permit de créer la rue de l'Egout-du-Ponceau, devenue rue du Ponceau.
A l'intersection entre la rue du Ponceau et la rue Saint-Denis se tenait autrefois une fontaine qui a été déplacée au 142 rue Saint-Denis. Mais oh... surprise : ici la fontaine a également disparu !
Le Passage du Caire fut édifié en 1798 après la campagne d'Egypte de Napoléon Ier. Les galeries sont au nombre de trois : la galerie Saint-Denis, la galerie Sainte-Foy et la galerie du Caire. Avec ses 370 mètres de longueur, le passage du Caire est le plus long de Paris. En revanche, avec ses galeries de 2,70 mètres de largeur moyenne, il est aussi un des plus étroits.
Mon amie Marie-France fait elle aussi partie des accros des visites guidées d'Anne-Marie.
La principale industrie de ce passage au XIXème siècle était l'imprimerie, la lithographie et la fabrication des chapeaux de paille. Actuellement, c'est principalement la fabrication de mannequins pour vitrines de magasins de mode.
C'est un passage sans aucun décor qui n'a rien à voir avec celui du Grand Cerf où il fait bon flâner...
Entrés par la rue Saint-Denis, nous en ressortons par la Place du Caire qui mérite vraiment d'être connue. Pour moi, c'est une découverte : eh oui, Paris me réserve encore bien des surprises...
La Place triangulaire se situe à l'emplacement de l'ancienne Cour des miracles ainsi appelée parce que le soir les mendiants (handicapés le jour) retrouvaient la santé comme par miracle... Elle fut, pendant le XIXème siècle, le domaine des cardeuses de matelas.
Après le percement du passage dès 1798 sur l'emplacement du Couvent des Filles-Dieu, l'immeuble de cinq étages qui en constitue l'entrée sur la place du même nom fut décoré dans un style "retour d'Égypte" en 1828 par l'architecte Berthier. Les sculptures sont de Joseph Garraud. Un café égyptien s'établit au rez-de-chaussée en 1805 tandis que l'actuel café a pour nom "Le Champollion"...
La façade comporte trois effigies de la déesse Hathor, reconnaissable à ses oreilles de vache. Sur les étages supérieurs, on quitte l’Egypte antique pour le Moyen-Age dans un style néogothique pour l’ornementation des fenêtres.
La frise pseudo-égyptienne illustre des scènes de bataille.
Tout en haut, une caricature du peintre Henri Bougenier. C'était un élève qui travaillait dans l’atelier du peintre Antoine-Jean Gros au début du XIXe siècle et dont le nez était la cible de ses camarades. Un jour il en eut assez, et se fâcha. Pour le punir, ses condisciples crayonnèrent son nez sur tous les murs de Paris !
On parle du "nez de Bouginier"
Empruntant la rue d'Aboukir puis la rue d'Alexandrie (l'Egypte a envahi le quartier...), nous revenons sur la rue Saint-Denis où une sculpture rappelle qu'ici, au coin de la rue de Tracy, est né l'historien Jules Michelet dans un immeuble ayant remplacé en 1775 la Maison des Filles-Saint-Chaumond.
Je n'arrive pas à me souvenir comment nous sommes rentrés dans cette cour d'immeuble traversante... mais avouez que cela aurait été dommage de la manquer.
Le Passage Lemoine débouche dans le Boulevard de Sébastopol. C'est une succession de couloirs étroits qui s'élargissent par endroits pour former des courettes.
Notre promenade s'achève à la Porte Saint-Denis...
Le sentier est bien présent ici avec l'agitation des camions de livraison et ses livreurs conduisant des diables.
L'Arc de triomphe a été construit en 1672 par l'architecte François Blondel et le sculpteur Michel Anguier à la gloire de Louis XIV (celui-ci vient de remporter des victoires en Hollande et sur le Rhin). Il est situé à l'emplacement d'une porte médiévale de l'ancienne enceinte de Charles V.
C’était par cette porte que les rois mais aussi des personnages importants se présentaient devant Paris pour faire une entrée somptueuse.
La face Sud qui fait face à la rue Saint-Denis représente le passage du Rhin mettant en déroute les troupes ennemies. Observez à gauche l'originalité de la tête de l'homme mort qui sort du cadre du bas-relief.
Nous sommes arrivés au métro Strasbourg Saint-Denis : fin de la promenade...
Merci Anne-Marie pour cette belle balade.