Demain 2 février, c'est le jour des crêpes !
Mais savez-vous ce que commémore la Chandeleur ?
La Chandeleur trouve tout d'abord ses origines, païennes, dans les "Lupercales" : les fêtes en l'honneur de Lupercus, dieu de la fécondité, qui donnaient lieu à une procession aux flambeaux aux alentours du 15 février : chaque année à cette date, les romains rendaient un culte païen à la louve romaine qui avait allaité Romulus et Rémus dans la grotte de "Lupercal".
La Louve capitoline - Musée du Capitole (Rome)
Cette fête très populaire était un hommage à Faunus, dieu de la nature et de la fertilité, appelé également Lupercus.
Le faune dansant du Jardin du Luxembourg
Elle se déroulait sur les flancs du Mont Palatin en souvenir de Romulus qui avait tracé, jadis, l’enceinte de la ville en creusant un sillon avec une charrue autour de ce mont. Les Romains et les Celtes avaient en effet coutume de saluer le retour du soleil, en organisant des processions avec des flambeaux à travers les champs : ils visaient à attirer ainsi la protection sur les troupeaux et favoriser les semences en vue d’une bonne récolte estivale.
Les "Dies parentales", les "Jours des morts", culminaient le 21 février avec la "Fête des feralia". On avait soin d’honorer les tombes et, surtout, on déposait au milieu des rues des tessons de tuile contenant un peu de vin, quelques grains de blé et de sel. Cette nourriture était destinée à apaiser les défunts.
On fêtait aussi dans le monde païen la "Festa candelarum", la lumière ramenée sur la Terre par la déesse Perséphone enlevée aux enfers ténébreuses par Hadès, le dieu des enfers. Sa mère Déméter (déesse du blé entre autre) avait obtenu de lui que sa fille revienne sur Terre les deux tiers de l'année en ramenant sa lumière dans notre monde.
Perséphone enlevée par Hadès
Observons qu’à cette même date, les Celtes, fêtaient quant à eux la déesse Brigit, maîtresse du feu et du soleil : les paysans parcouraient les champs avec avec des flambeaux avant les semailles pour purifier la terre. D'ailleurs, la Ste Brigitte sera instituée le 1er février par l'église catholique.
Statuette représentant probablement Brigantia
Musée de Bretagne à Rennes (IIe siècle avant notre ère)
De leur côté, Germains et Scandinaves en procession, fêtaient jusqu'au XVIIIème siècle "Chandelours", la sortie d’hibernation de l’ours, une tradition aussi présente dans les Pyrénées-Orientales.
Diverses légendes laissaient croire autrefois que, dans la nuit du 1er février, à minuit, l’ours sortait de son antre pour observer le ciel. Si l'ours y rentrait à nouveau, l’hiver n’était pas fini et il y aurait encore 40 jours de mauvais temps ! Si l'animal n'y retournait plus, l'hiver était fini et le beau temps allait arriver. Cette fête était caractérisée par des déguisements ou travestissements en ours, et des simulacres de viols ou d'enlèvements de jeunes filles...
Les anglais et les irlandais quant à eux célèbrent la sortie d’hibernation du hérisson.
Tandis qu'au Canada et aux Etats-Unis, on retrouve cette fête sous la forme du "Jour de la marmotte". Ce jour-là, il faut se positionner devant le terrier d'une marmotte et attendre sa sortie. Si lorsqu'elle sort et qu'elle ne voit pas son ombre (s'il n'y a pas de soleil), l'hiver arrivera bientôt à son terme. Si au contraire, elle voit son ombre (il y a du soleil), elle en est effrayée et retourne dans sa tanière, alors l'hiver continuera 6 semaines de plus.
C’est à partir du IVe siècle que la Chandeleur est célébrée le 2 février dans le monde chrétien comme fête de la Présentation de Jésus au temple à Jérusalem, 40 jours après sa naissance. La présentation des enfants au Temple faisait partie des actions obligatoires dans la foi juive à laquelle appartenaient Marie, Joseph et bien sûr l'enfant Jésus ; cette prescription hébraïque stipulait donc que chaque premier-né mâle devait être consacré au Seigneur : il s'agit d'un rite de purification, la naissance de l'enfant doit être rachetée, échangée contre le sacrifice d'un animal, deux tourterelles ou deux colombes.
Lors de cette fête, les chrétiens allumaient des cierges verts et des chandelles (dont la cire provenait de la ville de Bougie en Algérie : tiens tiens, en voilà une chose intéressante !) qui symbolisent le Christ en tant que lumière du monde, par opposition aux ténèbres.
Présentation de Jésus au Temple - Ménologe de Basile II (fin du Xème siècle)
Il est aussi pertinent de signaler que le mot de février vient du latin "februare", verbe signifiant "purifier" et qu'on peut aussi rapprocher ce mot du terme "fièvre" : celle-ci causant une forte transpiration est censée purifier le corps.
Le mois de février en enluminure : Très riches heures du duc de Berry (XVème siècle)
La tradition à Marseille est très forte et remonterait à l’an Mille. Les fêtes de la Chandeleur durent 9 jours et se passent dans le quartier de l'Abbaye Saint-Victor. Elles débutent le 2 février à 5h du matin. Une procession part alors du Vieux-Port et remonte jusqu’à l’Abbaye St Victor en passant par la Rue Sainte, les pèlerins ont pour la plupart des bougies allumées. La Vierge noire conservée toute l’année dans les Cryptes de l’Abbaye est couverte d’un manteau vert et présentée à la foule présente. L’archevêque bénit alors la vierge, les cierges verts et la ville qui s’offre devant lui et célèbre ensuite la messe.
Il se rend ensuite à la fameuse pâtisserie "Le Four des Navette" qui se trouve non loin de là et bénit à leur tour les biscuits, "les navettes", la tradition veut que chacun achète des navettes bénites. Les navettes, c'est la symbolique de la barque qui représente les saints évangélisateurs de Marseille et de la Provence, les Saintes Marie, mais en même temps c'est le sexe féminin, symbole de la fertilité...
Des milliers de pèlerins sont attendus chaque année.
Le retour des beaux jours et la fertilité étaient ainsi célébrés aux sortirs de l’hiver à travers tous les temps et de nombreuses civilisations.
Aujourd'hui encore, le 2 février, il est de tradition de faire des crêpes.
La crêpe ronde représente le disque solaire. Elle invoque ici le retour des beaux jours. Pour apporter prospérité au foyer, il est d'usage de faire sauter la première crêpe de la main droite avec une pièce en or dans la main gauche, un autre disque jaune qui rappelle à nouveau le Soleil.
Les anciens avaient aussi coutume de placer la première crêpe repliée sur une pièce de monnaie au-dessus de l'armoire de la maison pour attirer la bonne fortune et des récoltes abondantes sur la maison. On jetait alors la crêpe de l'année précédente et on donnait la pièce à un mendiant ou un nécessiteux.
La crêpe est aussi un signe d'abondance puisqu'on fabrique les crêpes grâce à la farine, donc grâce au blé de la moisson précédente.
Une vidéo de l'Ina qui rappelle des souvenirs aux moins jeunes : Raymond Oliver y prépare, en 1954, des crêpes très alcoolisées... sous l'œil attentif de Catherine Langeais.
La Chandeleur marque également le lancement de 15 jours de festivités et de Carnaval un peu partout dans le monde, de Dunkerque à Rio en passant par Venise, et ceci jusqu’au Mardi gras.
Un petit résumé en vidéo
Tout ceci s'est perdu fors les crêpes !