Les premiers journaux étaient écrits à la main
Du XVIe au XVIIIe siècle, une partie de l'information écrite est manuscrite. Ces journaux, appelés "nouvelles à la main" ou "gazetins", apparaissent dès le XVIe siècle à Venise, en Allemagne, en Angleterre et en France. Débats esthétiques, littéraires ou religieux, questions diplomatiques, procès célèbres, carnets mondains ou actualité politique nationale sont autant de sujets abordés. Tolérées ou interdites, ces publications sont la plupart du temps clandestines, élaborées dans des ateliers de copistes. D'une grande liberté de ton, certaines s’apparentent à des satires.
Un arrêt de 1620 fit défense de vendre des gazettes à la main, sous peine du fouet et du bannissement pour la première fois et des galères pour la seconde. Un grand nombre de gazetiers furent mis à la Bastille. Marcelin de Laage fut condamné en 1661 à être fouetté et banni de Paris pour cinq ans ; Élie Blanchard, en 1663, à être fouetté au milieu du Pont-Neuf ; Bourdin et Dubois furent envoyés aux galères en 1683 pour avoir distribué des gazettes.
Les nouvellistes avaient également à redouter, outre la justice, les vengeances particulières des grands seigneurs auxquelles les exposaient leurs indiscrétions. Ainsi, le marquis de Vardes, aux dires du cardinal de Retz, fit couper le nez de Mortandré, qui avait pris parti pour les princes durant la Fronde, parce qu’il faisait circuler un libelle contre sa sœur, la maréchale de Guébriant. Ces rigueurs finirent par faire disparaître les gazettes manuscrites.
Après l’apparition des journaux imprimés, elles perdurent quelques années en déjouant la censure.
Théophraste Renaudot, médecin du roi, crée le premier périodique imprimé
En France, "La Gazette" fut le premier grand périodique. C'est Théophraste Renaudot (né en 1586 à Loudun et mort le 25 octobre 1653 à Paris), médecin du roi, qui obtient le monopole de la presse et l'autorisation d'éditer son journal. Sous l'Ancien Régime, faire paraître un journal impliquait d'avoir obtenu un privilège et une autorisation préalable. Le premier numéro de "La Gazette" paraît le vendredi 30 mai 1631. C’est un hebdomadaire de quatre pages in-quarto (15,3 cm de large sur 23,3 cm de hauteur). Les nouvelles y sont classées par date et lieu d’origine de l’information, mentionnés dans la marge.
Statue de Théophraste Renaudot par Alfred Boucher, inaugurée le 3 juin 1893, rue de Lutèce. Elle fut fondue en 1942. Banque d'images de la Bibliothèque interuniversitaire de santé
Théophraste Renaudot inventa également un "bureau d’adresses" avec un journal de petites annonces d'offres et demandes d’emplois, de vente, de location ou de service. Son bureau était installé dans l’île de la Cité, dans la maison du Grand Coq, située rue de la Calandre, à l'emplacement de l'actuel bâtiment de la préfecture de police. Il y installa aussi un dispensaire, payant pour les aisés et gratuit pour les pauvres. Puis il ouvrit un mont-de-piété. En outre, il a donné son nom au prix Renaudot, décerné chaque année en même temps que le prix Goncourt.
"La gazette" tire son nom d'une pie
Vendeuse de journaux dans les années 1920 (© Roger-Viollet)
"La gazette" est un périodique imprimé consacré aux faits de société et aux actualités. Son nom nous vient de l'italien gazzetta, une petite monnaie de Venise qui représentait une pie (gaza). Elle correspondait "pile" au prix d'un journal.
La Révolution française libère la presse… ou presque
Au XVIIe siècle, diverses séries de publications imprimées, plus ou moins régulières, hebdomadaires ou bimensuelles, apparaissent un peu partout en Europe. Du fait du contrôle que le pouvoir exerce, ces publications traitent surtout de politique extérieure et de guerres… Ce contrôle est mis à mal au siècle suivant par la Révolution française. L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que « tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement ». Cependant, la liberté de la presse n'est pas pour autant acquise. Elle sera à nouveau remise en cause lors de l'arrivée au pouvoir de Napoléon Ier. Il faudra attendre la loi du 29 juillet 1881, qui fait toujours référence aujourd'hui, pour que la liberté de la presse soit vraiment consacrée par les pouvoirs publics.
Les journaux étaient souvent vendus près des tavernes
Les premières gazettes sont vendues par des colporteurs, installés près des grands jardins et des axes les plus passants, notamment à proximité des tavernes. D'abord vendus fixés à un mât ou présentés dans une boîte, les journaux, en se multipliant, donnent progressivement lieu à l'installation de tréteaux dans les rues.
Le premier kiosque à journaux a illuminé les Grands Boulevards
Au XIXe siècle, les pouvoirs publics structurent et modernisent la diffusion des journaux. Sous l'autorité du baron Haussmann, le premier kiosque à journaux est inauguré en 1857 sur les Grands Boulevards. Le 15 août 1857, l'architecte Gabriel Davioud, à qui l'on doit notamment le Théâtre du Châtelet et la fontaine Saint-Michel, implante son premier pavillon pour vendre les journaux. À l’époque, ces kiosques sont réservés aux veuves de militaires et de fonctionnaires pour qu’elles puissent toucher un petit revenu. Bonus notable : les nouveaux kiosques, dotés d’un système lumineux, éclairent la voie publique. Dans les deux années qui suivent, 60 autres kiosques verront le jour.
Kiosque à journaux octogonal, modèle 1859, boulevard Bonne-Nouvelle,1942. '© LAPI/Roger-Viollet)
"La République du Croissant", quand tout un quartier était dévolu à la presse
Au XIXe siècle, un quartier du 2e arrondissement, "La République du Croissant", rassemble des grandes entreprises de presse, la plupart des imprimeries et des salles de rédaction. Situé entre Réaumur et Opéra, son centre se trouve à l'intersection entre la rue du Croissant et la rue Montmartre.
Cérémonie commémorant le 10ème anniversaire de l'assassinat de J. Jaurès, devant le Café du Croissant (© Maurice-Louis Branger / Roger-Viollet)
S'y situe aussi le café restaurant du Croissant où, le 31 juillet 1914, est assassiné Jean Jaurès, fondateur et directeur de L'Humanité, comme le raconte ici la Dépêche.fr. Le café, devenu Taverne du croissant, existe toujours ; une plaque à la mémoire de Jaurès y est apposée.
J'ai découvert au cours de mes recherches cette Collection sonore de la BnF qui donne ici un témoignage sonore de son ami Daniel Renoult sur la soirée en question.
Les kiosques à journaux sont propriété de la Ville de Paris depuis 1874
Les premiers kiosques sont remplacés, dès 1859, par un nouveau modèle en chêne, de forme octogonale, muni d'un dôme en zinc surmonté d'une flèche. Jusqu'alors propriété de sociétés privées, les kiosques sont rétrocédés à la Ville de Paris en 1874 dans le cadre d'une concession. A la fin des années 1880, on compte 340 kiosques parisiens.
Kiosque à journaux, près de la gare Saint-Lazare. Paris (VIIIème arr.), 1899.
© Jacques Boyer/Roger-Viollet
Un support publicitaire dès le début du XXe siècle
Le 1er janvier 1900, la société gérée par les époux Rénier se voit concéder l'exploitation des 350 kiosques à Paris, pour une durée de 15 ans (renouvelée à plusieurs reprises jusqu'en 1947). En 1911, cette société prend la dénomination AAP (Administration d'Affichage et de Publicité), qu'elle conservera jusqu’en 2009. Dès lors, l’AAP développe, sur les faces des kiosques, un réseau d'affichage lumineux, très apprécié des annonceurs parmi lesquels figurent les plus grandes marques de l'époque.
Kiosque à journaux. Paris, années 1950. (© Collection Roger-Viollet/Roger-Viollet)
En 1914, la presse française était la plus lue au monde
Les premiers grands reporters se nomment alors :
► Pierre Giffard, précurseur du journalisme moderne et pionnier de la presse sportive, qui fut aussi dramaturge, réalisateur et scénariste. En matière d'organisations sportives, il crée en 1891 la course cycliste « Paris-Brest-Paris », puis, l'année suivante, la course à pied Paris-Belfort. En 1894, il lance le concours de « voitures sans chevaux » « Paris-Rouen » et, en 1896, le « Marathon de Paris ».
► Jules Huret, connu surtout pour ses interviews d'écrivains (Emile Zola, Octave Mirbeau ou Maurice Barrès).
► ou Gaston Leroux, surtout connu pour ses romans policiers empreints de fantastique (Le mystère de la chambre jaune, Le parfum de la Dame en noir, la série des Rouletabille).
Quatre grands quotidiens parisiens dominent le marché :
► Le Matin, quotidien créé en 1883. Il est interdit à la libération en raison de son engagement collaborationniste et antisémite pendant l'occupation. Son dernier numéro paraît le 17 août 1944.
► Le Petit Parisien d'Albert Londres et Jean Dupuy, plutôt de tendance anticléricale et radicale (de gauche). Il devient assez rapidement populaire.
► Le Petit Journal, quotidien parisien républicain et conservateur, paru de 1863 à 1944. Collaborèrent au Petit Journal, à ses débuts : Lamartine, Alexandre Dumas..., puis par la suite Albert Londres, René Hachette, Paul-Emile Victor, Daniel Rops...
Le crime du Kremlin-Bicêtre : supplément illustré du Petit Journal
► et Le Journal, journal littéraire de tendance républicaine.
Paris par Emile Zola
En 1948, les maisons d'édition entrent dans la partie
En 1948, la librairie Hachette rachète l’AAP, puis les NMPP ( entreprise devenue Presstalis, puis France Messagerie après la faillite de Presstalis en 2020) et Transports Presse font ensuite leur entrée, marquant ainsi l'intérêt des éditeurs, via leurs coopératives, pour une entreprise essentielle à la pérennité et au développement du réseau des kiosques en France.
Marchande de journaux.Place de l'Etoile, mars 1954.
© Collection Roger-Viollet/Roger-Viollet
Depuis 2011, les kiosquiers sont autorisés à élargir leur activité
En 2009, L’AAP change de nom et devient MédiaKiosk. En 2011, JCDecaux en devient l’actionnaire majoritaire. La même année, pour aider les kiosquiers en pleine crise, la Ville de Paris décide de leur faire grâce de la redevance dont ils s'acquittaient jusque-là et autorise l’élargissement de leur activité. Ils ont désormais l’autorisation de vendre des souvenirs, des boissons, des titres de transport, et même des parapluies.
Avenue des Champs-Elysées. Kiosque à journaux. Décembre 1999.
Roger-Viollet
Aujourd'hui, l'histoire des kiosques continue de s'écrire
En 2016, MédiaKiosk remporte pour 15 ans le marché des kiosques parisiens et la gestion des relations avec les kiosquiers, à la suite d'un appel d’offres lancé par la Ville de Paris.
Entre 2018 et mi 2019, 360 kiosques sont changés. Ces travaux représentent un budget de 52 millions d'euros, un investissement de MédiaKiosk. (François Grunberg / Ville de Paris)
En 2018, le changement des kiosques parisiens fait couler beaucoup d'encre, mais le but est bien de relancer les ventes de la presse. Les nouveaux kiosques sont plus spacieux, ce qui permet aux clients de consulter les revues à l'intérieur, à l'abri. D'ailleurs, sur le kiosque prototype à Alesia (14e), les ventes ont progressé de 10%. Un peu plus de confort est aussi offert aux kiosquiers.
Les kiosquiers sont aujourd'hui 360 à exercer, alors que leur nombre était tombé à 266 en 2004.
Merci La Mairie de Paris pour ce reportage.