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Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

« Écrire des polars historiques et culinaires, c’est vivre entre son ordinateur et ses plaques de cuisson, la tête dans les textes anciens et les mains dans la pâte à tarte. »

Ainsi s'exprime Michèle Barrière, historienne de l’alimentation, écologiste de la première heure, qui s’est consacrée à la défense des races animales et des légumes dits oubliés. Ses polars historiques retracent l’histoire et l’évolution de la cuisine et des manières de table. Un cahier de recettes d’époque, facilement réalisables, accompagne chaque livre.

"Le sang de l'hermine", que je viens de terminer, est le premier d'une série de trois romans mettant en scène Quentin du Mesnil, ami d'enfance et maître d’hôtel de François 1er à la cour d'Amboise. Le roman commence en 1516, alors que ce dernier vient tout juste de se distinguer en remportant la célèbre victoire de Marignan sur les italiens.

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Quentin du Mesnil a pour mission de se rendre en Italie afin de ramener Léonard de Vinci à la cour du roi de France. Le jeune homme, qui ne pense qu'à révolutionner les manières de table françaises héritées du Moyen-Age pour mieux servir son maître, fait ainsi la connaissance de cet homme pour le moins récalcitrant (il a la réputation d'avoir un foutu caractère). Une mission qui se révélera on ne peut plus périlleuse, d'autant que l'artiste est par ailleurs la cible d'une sombre vengeance...

Autoportrait de Léonard de Vinci réalisé entre 1512 et 1515 - Bibliothèque royale de Turin

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

En échange de ses bons et loyaux services, le jeune hobereau normand, se verra confier les rênes du chantier de Chambord où le monarque rêve d’élever un château digne de lui.

L'automne à Chambord, une aquarelle de Philippe Legendre-Kvater

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Ce qui m'a intéressé dans ce roman policier, c'est le fait qu'il mette en scène des personnages célèbres, aussi bien du monde politique que de celui des arts, personnages qui ont tous été immortalisés par le crayon ou le pinceau de grands peintres. Michèle Barrière y mentionne aussi nombre de tableaux peints par Léonard de Vinci ainsi que quelques unes de ses inventions.

Je suis ainsi allée, tout au long de ma lecture, regarder sur le net les portraits de...

François 1er par Jean Clouet (vers 1530), un tableau qui est dans tous les livres d'histoire.

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Moins connu, celui de sa sœur, Marguerite d'Alençon ici également représentée par Jean Clouet (vers 1530).

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Le titre du roman fait référence à un célèbre tableau de Léonard de Vinci "La dame à l'hermine" peint entre 1489 et 1490. Il s'agit d'un portrait de Cecilia Gallerani, jeune aristocrate, maîtresse de Ludovico Sforza, Duc de Milan.

Il est actuellement conservé au Musée Czartoryski de Cracovie. J'espère pouvoir aller un jour sur place pour l'admirer...

 Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Pascal Cotte, ingénieur opticien du laboratoire parisien d'expertises Lumière Technology, a passé trois années à étudier ce célèbre portrait de la Renaissance, en utilisant une nouvelle technique appelée "Layer Amplification Method" (LAM), permettant de numériser le tableau en utilisant 13 types de longueurs d'onde de lumière, chacun avec des taux de perméabilité différentes. Cotte réussit ainsi à créer les images des différentes couches de peinture se trouvant en dessous de la surface, révélant trois versions successives du célèbre portrait.

Dans le premier, l'hermine est totalement absente, tandis que dans le second elle apparaît avec un pelage gris pour prendre de l'épaisseur dans le troisième où elle possède aussi des pattes de lion. La main de la jeune femme a aussi été revue. Une preuve des errances du peintre, de ses hésitations, de ses reprises et de ses changements.

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Il est aussi question dans le roman de ce tableau resté inachevé, commandé par les moines du Couvent de San Donato près de Florence et actuellement exposé à la Galerie des Offices. Il s'agit de sa première commande, probablement obtenue grâce à l'influence de son père qui était leur notaire depuis 1476. La toile a été peinte à la tempera et à l'huile sur planches de peuplier bouclées. Il paraît malheureusement que, du fait de la qualité médiocre de ces planches, elles se sont incurvées et qu'elles ne restent unies que grâce à la peinture... Le tableau a néanmoins été restauré en 2016.

"L'adoration des Mages" de Léonard de Vinci - 1481

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Michèle Barrière cite aussi "La Vierge au rocher", un tableau de Léonard de Vinci exécuté de 1483 à 1486 et conservé au Musée du Louvre. J'irai cette année, dès que le musée ré ouvrira ses portes...

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Quant à cet automate de Léonard de Vinci représentant un lion dont parle l'auteure, il a été présenté à François Ier lors d'un de ses passages à Lyon par les marchands et les banquiers de Florence installés dans la ville. Celle-ci possédait en effet à cette époque une importante communauté florentine. Il s'agissait alors de célébrer l'alliance entre la France et la cité toscane, qui avait le lion pour symbole. Le manoir du Cloux (ou château du Clos-Lucé), voisin de celui d'Amboise, où séjourna Léonard de Vinci durant les trois dernières années de sa vie, en a reconstitué une maquette à partir des quelques plans laissés par l'inventeur.

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

L'automate avait fait, dit-on, quelques pas en direction du roi, sa poitrine s'était ouverte et une gerbe de lys, symbole de la royauté, en avait jailli : le roi en était resté bouche bée.

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Une autre invention de Léonard de Vinci donne bien du souci à Quentin du Mesnil : il s'agit de l'ornithoptère, une machine destinée à voler à la manière d'un oiseau. Sa machine, en réalité, contrairement à ce qui se passe dans le roman, s'arrêta au croquis.

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Julien de Médicis était un grand mécène. A son décès, Léonard de Vinci se retrouva très seul. "Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit" écrit-il à la fin d'un séjour romain. Il ne tardera d'ailleurs pas à partir pour la France.

Julien de Médicis ici peint par Sandro Botticelli (1478)

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Léonard s'était finalement décidé à tout quitter (son maître, Andrea del Verrocchio, et beaucoup de ses amis peintres - comme Botticelli - étant décédés), n'emportant avec lui que sa Mona Lisa sur laquelle il travaillait depuis quatorze années, son saint Jean-Baptiste,Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

et sa Sainte-Anne : c'est le tableau de Léonard que je préfère.

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Vous l'aurez compris : il est aussi beaucoup question de banquets dans le livre. L'auteure cite ainsi dans son roman Cristoforo da Messisbugo qui était maître d'hôtel à la cour d'Alphonse 1er d'Este, duc de Ferrare.

Voici un intérieur de cuisine italienne.

Fac-simile de gravure sur bois de son livre de cuisine (1549).

Le sang de l'hermine, un polar historico-culinaire de Michèle Barrière

Un extrait du livre de Michèle Barrière
Quentin repensa à tout ce qu’il avait vu l’année précédente en Italie. A Milan, puis à Bologne où ils s’étaient rendus à l’invitation du pape, les banquets somptueux s’étaient succédé. Jamais il n’avait connu une telle variété de mets délicats, servis dans des assiettes individuelles, et non ces grossiers tranchoirs faits d’une planche de bois sur laquelle on posait un morceau de pain qui absorbait le jus des viandes. Les verres étaient d’une telle finesse qu’on osait à peine les prendre en main.
Pour l’honneur du roi et de la France, il fallait s’employer à égaler, voire surpasser le savoir-faire des Italiens.
(…)
« L’art du cuisinier doit surprendre l’esprit et satisfaire les sens, susciter stupeur et admiration, allégresse et fascination. Le banquet doit être céleste. On doit avoir l’impression de festoyer avec les anges. »

 En effet, à la cour du Pape Léon X, on mange dans des assiettes individuelles et on utilise la fourchette (à deux dents) pour manger les pâtes.

J'ai aussi appris grâce à la lecture de ce roman que à cette époque les dîners étaient servis "à la française" : tous les plats, de l'entrée jusqu'au dessert, étaient ainsi apportés sur la table en même temps au risque de manger froid. Les hôtes restaient debout autour de la table dressée et se servaient eux-mêmes.

Nos buffets actuels !

Au contraire, en Italie, il semble que ce soit le service "à la russe" qui ait été en vigueur à l'époque : il consistait à faire asseoir ses hôtes autour d'une table et à leur servir les plats chauds les uns après les autres.

Nous mangeons donc "à la russe" !

 Michèle Barrière parle de son livre.

Ce n'est pas tant le côté policier qui m'a passionné que tout ce qu'il y a autour et qui fourmille de détails sur les mœurs de cette époque, ajouté aux œuvres plus ou moins célèbres dont il est question et qu'il est toujours intéressant de découvrir.

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