Pour cette première randonnée d'automne, direction le sud de Paris : nous nous rendons en effet aujourd'hui à Jouy-en Josas où se trouve le Musée de la toile du même nom que Jacqueline a mis au programme des visites.
A la gare du "Petit Jouy les Loges", une petite photo vite fait bien fait : Jacqueline n'a pas l'habitude d'attendre les retardataires car son atelier s'intitule "randonnée 4 à l'heure" et nous devons être au musée à 11 heures pétantes !
Le Château de l'Eglantine a été construit en 1891-1892 pour Emile Franck, un riche parisien. Après être passé entre différentes mains, il est racheté en 1979 par la municipalité qui y installe en 1991 le Musée de la Toile de Jouy. Une construction moderne baptisée "l'Orangerie" y a été adjointe : elle abrite les expositions temporaires.
Une fois de plus Jacqueline a commandé le soleil comme vous le voyez !
J'ai emprunté cette photo à mon fidèle ami internet car elle rend bien compte des jardins qui précèdent le château : le site du Musée explique qu'ils ont été créés par pour rappeler les couleurs des tissus qui séchaient à l'époque sur les terrains de la manufacture .
Nous sommes vint-trois aujourd'hui à participer à cette balade (et la liste d'attente est longue paraît-il)...C'est la rançon du succès de Jacqueline qui insuffle un vent de bonne humeur au sein du groupe. Deux nouvelles recrues tout de même aujourd'hui qui j'espère me pardonneront d'avoir oublié leurs prénoms...
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Au premier étage du Musée, une frise rappelle les différentes étapes de la fabrication.
La manufacture a été fondée en 1760 par Christoph-Philipp Oberkampf. un industriel allemand naturalisé français en 1770 après dix ans de résidence en France. L'emplacement de la manufacture fut choisi en raison de la présence de la Bièvre et de ses qualités chimiques propices au lavage des toiles. Cette manufacture devint rapidement l'une des plus importantes "indienneries" du XVIIIème siècle et a laissé son nom dans l'histoire de l'art décoratif.
Pas vraiment évident de faire des photos dans le Musée qui est, soit trop éclairé par les vitres, soit dans la pénombre pourtant nécessaire à la conservation des étoffes...
Les différentes étapes de fabrication
► 1 - Lavage des toiles blanchies
La toile brute est lavée puis battue au fléau pour enlever la gomme et les apprêts du tissage.
► 2 - Grillage et calandrage
Elle est ensuite passée sur du métal chauffé pour en ôter le duvet de coton. La toile est relavée, séchée, puis passe à la calandre (entre deux cylindres appelés "rouleaux de calandage") qui en écrase le grain pour une meilleure impression sur une surface rendue lisse.
Deux techniques d'impression des motifs : planches de bois gravées en relief pour les motifs polychromes, plaques et rouleaux de cuivre gravés en creux pour les motifs monochromes.
► 3 - Impression au bloc de bois
Le mordançage (à l'aide de sels métalliques) est une étape souvent incontournable de la teinture textile végétale artisanale. Il a pour fonction de créer un pont chimique entre les fibres textiles et les teintures naturelles, ces dernières n'ayant pas suffisamment d'affinités chimiques avec la fibre pour pouvoir s'y fixer durablement. De la bonne consistance du mordant épaissi de gommes dépend la netteté du motif. On imprime un mordant par nuance de couleur.
► 3bis - Impression à la plaque de cuivre
Un seul mordant imprimé. Après chaque mordant, la toile est séchée.
► 4 - Bousage en cuve
La toile est trempée dans un bain de bouse de vache afin d'éliminer les gommes utilisées pour épaissir les mordants.
► 5 - Bains de teinture
Les toiles attachées bout à bout sont plongées dans un bain de teinture bouillant à base de garance. Un enfant actionne un moulinet qui maintient les toiles en mouvement pour les teindre uniformément.
► 6 - Blanchiment sur herbe
Les parties non mordancées sont devenues légèrement colorées. Il faut donc les blanchir. Les toiles sont étendues dans les prés, motif en dessous, arrosées sept à huit fois par jour pendant six jours.
► 7 - Pinceautage à la main
Les pinceauteuses ajoutent à la main les petits détails de couleur. Le vert est obtenu par superposition de bleu et de jaune jusqu'à l'invention du vert solide en 1806.
► 8 - Séchage des toiles
Après un dernier lavage les toiles sont suspendues pour sécher le long d'un haut bâtiment nommé "l'étendard".
► 9 - Lissage glaçage
Un apprêt à base de cire et d'amidon peut être tissé à la ville d'agate sur la toile pour lui donner un aspect brillant.
► 10 - Pliage et expédition
Les toiles sont aplaties et emballées pour l'expédition.
Et maintenant une visite (un peu rapide à mon goût...) du Musée avec le sourire de Françoise
En France, dès la fin du XVIe siècle, des navires revenaient des Indes chargés d’épices et d’étoffes de coton aux coloris chatoyants - les indiennes - qui connurent un très grand succès auprès du public. Ces cotonnades colorées étaient réputées plus agréables à porter, plus faciles d’entretien et plus durables et elles convenaient aussi bien au vêtement qu’à l’ameublement.
Cependant, ces nouvelles importations heurtaient les intérêts des fabricants « d’étoffes nationales », drapiers normands et soyeux lyonnais en premier lieu. Tant que Colbert vécut, leurs protestations restèrent vaines, en dépit de leurs solides arguments mercantilistes ; après sa mort, son rival Louvois n’eut plus les mêmes raisons de temporiser. Ce dernier porta un coup d’arrêt à cet « engouement social » des Français pour les indiennes et instaura, dès octobre 1686, une véritable prohibition de ces étoffes « exotiques », allant à l’encontre du goût du public dans l’ensemble du royaume.
Le jeune Oberkampf grandit dans une famille de teinturiers allemands établie en Suisse. Il apprend le métier avec son père, fabricant de toiles imprimées (indiennes). Lorsque, fin 1759, arrive enfin la levée de la prohibition, il propose au suisse du roi Louis XVI, Antoine Guerne, dit "Tavannes", de s'associer avec lui pour la création, à Jouy-en-Josas, d'une manufacture d'indiennes dont il devient le directeur en 1760. A ses débuts, il bénéficie de l’aide de son père : procédé d’impression du bleu inventé par son père, envoi d’ouvriers qualifiés et achat de toiles de grande largeur et de produits pour la teinture, difficiles à trouver en France.
Oberkampf par François Gérard - 1819
Afin de donner plus d'étendue à ses opérations, Oberkampf s'associe M. Sarrasin de Maraise ; les fonds qu'il lui apporta, ses connaissances dans les affaires et ses conseils, rendirent cette association très avantageuse pour l'un et pour l'autre, et elle ne finit qu'en 1788, par la retraite de M. de Maraise, avec une fortune des plus considérables.
Le couple de Maraise, associés d'Oberkampf
Les produits...
Les outils...
La manufacture suivit toujours le goût de l'époque.
Ici un coton imprimé à la planche de bois intitulé "Obélisque, pont et ruines" - vers 1770
Marie-Antoinette, reine de France, est cliente de Jouy pour ses habits et son mobilier. Les archives nationales mentionnent dans sa garde-robe "une robe sur considérations (paniers) en toile de Jouy choisie par la reine. En 1784, Oberkampf fournit les tissu de la bibliothèque de la reine dans ses nouveaux appartements de Versailles.
Fragment d'une robe de Marie-Antoinette (coton imprimé à la planche) - vers 1780
Même dans les compositions végétales, la manufacture de Jouy suit le goût de l'époque. Elle imprimera ainsi plusieurs dessins avec des Ananas. Ce fruit, découvert par Christophe Colomb, est cultivé avec succès à Versailles dans le potager du roi entre 1754 et 1782. On sait que les dessinateurs de Jouy ont également accès à des planches botaniques dont ils s'inspirent.
Le petit buveur : siamoise imprimée à la planche de bois - mai 1784
Le buveur de Watteau copié d'une gravure d'Aveline est placé dans un décor d'arabesques et de motifs picotés.
Les scènes de genre imprimées à la plaque de cuivre sont nombreuses en Angleterre dès les années 1760. Oberkampf en achète et s'en inspire.
La diseuse de bonne-aventure - Manufacture anglaise
Oberkampf s'adjoint de grands peintres comme Jean-Baptiste Huet qui exécuta le dessin ayant servi à fabriquer le coton ci-dessous imprimé sur plaque de cuivre. Son dessin répond aux exigences d'Oberkampf pour s'adapter au "nouveau goût" pour l'antiquité et les motifs géométriques.
Sous le Premier Empire, on honore la récente découverte de l'Egypte.
Cependant, si les nouveaux motifs plaisent, les anciens sont toujours réédités et toujours vendus.
Redescendant au rez-de-chaussée, la visite se termine par le "salon Oberkampf" : le mobilier de la famille Oberkampf, agrémenté de portraits, est présenté grâce à un dépôt du musée du Louvre. Une ré-édition d'un motif floral polychrome permet de se rendre compte de l'effet produit par un décor en toile de Jouy.
Maquette de ce qu'était la manufacture à l'époque : on peut y voir les toiles sécher sur l'herbe.
Il est temps, nous dit Jacqueline, de reprendre la balade...
Une grimpette raisonnable
Pique-nique au bord de l'étang...
Pas désagréable n'est-ce pas Francine ?
Sous-bois de conifères cette fois-ci
Nous reprenons ensuite le train à Bièvres, mais attention, pas n'importe quel train : le train "Versailles" décoré avec des vues du château et des jardins grâce à un partenariat entre la Sncf et le Château.
Jean-Pierre et ses copines ont opté pour un petit salon tandis que le reste de la troupe a préféré prendre de la hauteur.
On peut même y apprendre l'Histoire...
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Merci Jacqueline pour cette journée en bonne compagnie.