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J'ai lu "Hével" de Patrick Pécherot : un roman noir sur fond de guerre d'Algérie

J'ai beaucoup aimé ce roman de la série noire de chez Gallimard.

Hével

En hébreu tardif : réalité éphémère, illusoire, absurde (Ancien testament)

J'ai lu "Hével" de Patrick Pécherot : un roman noir sur fond de guerre d'Algérie

L'histoire

Janvier 1958. À bord d’un camion fatigué, Gus et André parcourent le Jura à la recherche de frets hypothétiques. Alors que la guerre d’Algérie fait rage, les incidents se multiplient sur leur parcours. Tensions intercommunautaires, omniprésence policière exacerbent haines et rancœurs dans un climat que la présence d’un étrange routard rend encore plus inquiétant…
2018. Gus se confie à un écrivain venu l’interroger sur un meurtre oublié depuis soixante ans. Il se complaît à brouiller les cartes et à se jouer de son interlocuteur. Quelles vérités se cachent derrière les apparences ?
Mémoire et mensonges s’entremêlent dans le dédale d’une confession où tout semble illusoire, fuyant, incertain… En un mot emprunté à L’Ecclésiaste : hével.

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Je ne saurais trop vous parler de ce livre sinon que son style m'a emballée : des phrases ultra courtes mais incisives. En voici un des chapitres où le romancier plaisante avec le lecteur sur l'appétit que ce dernier a de connaître la suite alors que lui-même s'amuse à tourner autour, enjolivant son récit de mille et un détails.

"Quoi, qu'est-ce que vous avez ? Si, vous avez ! Vous vous impatientez, ne prétendez pas le contraire. Vous attendez que j'abrège. Que j'aille plus vite que la musique. Cavaler, en venir aux faits, l'époque veut ça. L'immédiat, la petite phrase. La lecture rapide. Le gazouillis sur vos tablettes. Du mot jeté en l'air, et du pas sorcier. De l'éjaculation fissa. Éjaculateur précoce, vous êtes ! Pour l'oublier, vous vous agitez. Pas de temps mort, jamais. Vous les bourrez de hauts débits. De formats gonflés. Vous voulez du surrégime, du pulvérisé comme les gratte-ciel de vos blockbusters. Les lignes sinueuses vous horripilent. Vous préférez le rectiligne. Les à-côtés vous insupportent. A l'arrivée, vous aurez compris quoi ? Vous saurez qui a tué le Colonel Moutarde ? Et après ? Vous serez plus avancé ?

Si vous en êtes là, laissez tomber. J'essaie de vous parler odeurs, couleurs changeantes, arbres, brouillards et murs des villes. Si je pouvais, je vous dirais aussi les en-cas et les menus, pain et service compris. L'essentiel quoi, l'entre-les-lignes, les mots dans un regard, un geste, un port de tête. La parole est là autant qu'ailleurs. On la recueille ou on reste sourd. Question d'oreille. Ou de choix. Vous demandez du calibré. Balisé pour pas vous perdre. Moi, je donne dans la parenthèse, le hors-piste. Parti comme ça, je vous l'accorde, je serai pas tête de gondole. Et alors ?

Le crime ? Vous êtes tous les mêmes. Ne craignez rien, nous y viendrons. Le crime... C'est la grande question. Caïn, Abel... L'éternel recommencement.

En attendant, j'ai soif. Vous supporterez que je me rince la glotte.

A la vôtre !"

Le livre a fait l'objet d'une interview de l'écrivain à La Grande Librairie, l'émission de François Busnel.

J'ai vraiment été emballée au point de lire le livre en une seule journée ! 

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