Dimanche dernier, nous sommes allés à Versailles : fidèles de Radio Classique que nous écoutons régulièrement quand nous sommes dans le bureau, j'avais reçu une invitation - via la newsletter de la chaîne musicale - pour aller écouter Franck Ferrand qui délocalisait son émission quotidienne "Franck Ferrand raconte" au théâtre Montansier.
En arrivant devant le théâtre à 16h45 (l'entrée des spectateurs étant prévue à 17h30), je prends la queue tandis que Philippe trouve une borne accueillante pour poser son popotin : cela m'a valu d'être sur la photo prise par la chaîne, soucieuse de faire sa promotion, devant le théâtre tandis que la queue s'allongeait à vue d'oeil.
Bon, d'accord, il faut le savoir mais tout de même...
Mais le théâtre, me direz-vous, à quoi ressemble-t-il ?
C'est un bâtiment très classique né sous l’impulsion de Marguerite Brunet, dite Mademoiselle Montansier, qui rachète le terrain au frère du roi, le comte de Provence (futur Louis XVIII). Il a été inauguré le 18 novembre 1777, en présence de Louis XVI et Marie-Antoinette.
Mademoiselle Montansier était une fort jolie femme et... elle eut beaucoup d'amants !
Jean-François Heurtier, architecte du roi, est choisi pour faire les plans du théâtre, et les travaux sont menés par Boullet, machiniste de l’Opéra royal, en moins de dix mois.
Mais l'heure tourne et les portes du théâtre s'ouvrent à nous...
Joli, ce candélabre...
Franck Ferrand fait salle comble : étant parmi les premiers dans la file d'attente, nous avons pu nous asseoir à l'orchestre, au quatrième rang, suffisamment près pour bien voir l'historien.
Il y a du beau monde ce soir (même François-Xavier Bellamy nous dit Franck Ferrand dont il est l'ami). La soirée est présentée par Geneviève Dichamp, co-directrice du théâtre, en présence de François Mazières, Maire de Versailles (à gauche) et de Jean-Francis Pécresse, directeur de Radio-Classique.
Si l'émission de Radio Classique animée par Franck Ferrand se passe à Versailles aujourd'hui, c'est justement parce que l'historien a choisi de nous conter l'histoire de cette ville au fil des siècles. Cinq épisodes d'une trentaine de minutes chacun qui, enregistrés en direct ici, seront diffusés sur la chaîne dans la semaine du 10 au 14 juin prochains.
En entrant dans la salle, on est tout de suite ébloui par la magnificence du lieu : il s'agit d'un des plus anciens théâtres à l'italienne de France : il a été inauguré en 1777 en présence de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
Le plafond est sublime.
C'est Charles Séchan, peintre décorateur connu pour avoir travaillé à l’Opéra de Paris, la Comédie Française, l’Assemblée Nationale, et à qui l’on doit le plafond du grand salon du château de Vaux le Vicomte, qui l'a réalisé en 1851 : il y a peint un treillis de fleurs.
Vous vous demandez d'où j'ai bien pu prendre ces photos... ? C'est que pendant l'entracte, au lieu d'aller grignoter quelque chose au foyer, je suis allée me promener partout !
Le théâtre est bleu, blanc et or, des tons très doux et reposants pour les yeux.
Encadrant la scène, deux loges décorées de jolies cariatides
Cet escalier dessert les étages, donnant accès aux trois balcons.
Au troisième balcon, une seule rangée de sièges mais la visibilité est bonne, du moins quand on est de face.
Franck Ferrand a enregistré trois émissions avant l'entracte.
Dans la première, il nous narre la signature du "Traité de Versailles", dont on fête cette année le centenaire : un traité de paix signé dans la Grande Galerie (la Galerie des Glaces actuelle) le 28 juin 1919 entre l'Allemagne et les Alliés et qui a mis fin à la première guerre mondiale.
Si vous écoutez l'émission (ci-dessous), vous verrez pourquoi Franck Ferrand fait maintenant son émission sur la chaîne musicale "Radio-Classique" : il y insère de temps à autres de courts extraits d’œuvres choisies, se rapportant généralement au sujet du jour comme ici ce morceau d'Albéric Magnard, un compositeur mort pendant les premiers jours de la guerre alors qu'il tentait lui-même de repousser avec son propre fusil les allemands de son manoir...
La seconde émission enregistrée ce jour-là était consacrée au développement du bourg de Versailles. Le terme de "versail", daté du XI e siècle, aurait désigné à l'origine des terres labourées (retournées).
Au début du XVIème siècle, Versailles n'est qu'un petit village de 400 habitants, situé au carrefour de voies de commerce, mais un certain Louis XIV va lui donner de l'importance dès le mois de mai 1671 en offrant aux habitants désireux d'y faire construire des maisons l'exemption de la servitude du "logement par la craie" pendant dix ans. Les fourriers des logis inscrivaient en effet un nombre d'hôtes - à la craie - sur les portes des logis, ce qui signifiait que les propriétaires de ces maisons devaient loger des courtisans quand ces derniers accompagnent le roi à Versailles, lors des grandes fêtes qui y étaient organisées.
La construction des maisons (que l'on aperçoit autour de l'église à gauche) devait bien sûr respecter un programme architectural très strict (des briques, de la craie, des toits d'ardoise à pans coupés) à l'image du château royal.
Le château de Versailles en 1668 par Pierre Patel
Pour écouter l'épisode, cliquez ci-dessous.
La troisième émission enregistrée au théâtre Montansier était consacrée au départ du Roi pour Paris en conséquence de la Révolution : Versailles se retrouve du jour au lendemain vidée des courtisans au train de vie fastueux avec toutes les conséquences qu'on imagine pour les commerçants qui s'y étaient installés depuis de nombreuses années.
Pour en savoir plus, cliquez ci-dessous.
Quant à la quatrième émission, elle est consacrée à l'occupation prussienne (1871-1879).
Après le désastre de Sedan du 3 septembre 1870, le nouveau Maire de la ville, Charles Rameau, décide, en liaison avec le Conservateur du Louvre, d'évacuer un certain nombre d’œuvres d'art inestimables à Paris, comme le tableau d'Eugène Delacroix "L'entrée des croisés à Constantinople".
Pendant ce temps la Galerie des Glaces (alors appelée Galerie Louis XIII) est transformée en ambulance militaire par les prussiens.
Occupation prussienne oblige, chaque dimanche un office luthérien est célébré dans la chapelle de Louis XIV, un comble pour le signataire de la révocation de l'édit de Nantes...
Pour Noël, les prussiens s'étant bien installés en France, importent à Versailles dans toutes les maisons qu'ils occupent le fameux "sapin de Noël"...
A peine la guerre finie..., Versailles devient le point de mire de tout ce que la France compte d'important : les députés, précédemment exilés à Bordeaux, ont besoin de siéger à nouveau près de Paris : c'est Versailles qu'ils choisissent. C'est seulement le 22 juillet 1879, une fois l'insurrection terminée, qu'une loi fixe le retour des Chambres à Paris.
L'ultime enregistrement était intitulée "Versailles vue par les écrivains". Pour l'écouter, cliquez ci-dessous.
Franck Ferrand, à l'issue de trois heures d'enregistrement, a tombé la veste... : c'est quelqu'un de très accessible qui fait volontiers, hors antenne, de petits apartés concernant sa vie. Il nous a bien fait rire en nous disant que quand il était enfant il jouait à être Louis XIV !
Une très bonne après-midi culturelle