Aujourd'hui, nous prenons la route depuis notre hôtel à Chagny pour aller à Beaune. L'hôtel Chagny ne paie pas de mine et il est même situé au bord d'une route (un peu en retrait tout de même) mais le couple qui le tient est très accueillant.
Ils dirigent l'établissement ensemble depuis quelques années.
Au passage, nous apercevons au loin le village de Meursault : n'oublions pas que nous avons maintenant rejoint la Bourgogne des grands vins...
En arrivant sur Beaune, les publicistes voient les choses en grand. Normal, les viticulteurs en ont les moyens !
Si nous sommes à Beaune ce matin, c'est pour faire la visite guidée de ses fameux Hospices.
La façade sur rue, gothique, est munie d'un petit clocheton et couverte d'ardoises. Elle est plutôt austère et ne laisse en rien présager des merveilles qui se trouvent à l'intérieur de la cour.
L'Hôtel-Dieu a été fondé en 1443 par Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, et Guigone de Salins, son épouse.
Détails du porche d'entrée
Un faîte de lucarne bien joliment décoré
Tout est dans les détails comme, sur le heurtoir de la porte d'entrée en fer forgé travaillé, ce petit lézard...
Nous avons pris nos billets sur le net et entrons donc directement pour suivre la visite guidée de 10 heures du matin. Et là, dans la cour d'honneur, c'est l'éblouissement, même si la façade côté rue est plus sobre que l'autre.
En face, les magnifiques toits de tuiles vernissées (jaune, brun, rouge et vert) et leurs lucarnes aériennes s'offrent aux yeux des visiteurs venus du monde entier.
Les différentes girouettes sur les lucarnes sont un signe de richesse.
Vue sur la cour depuis la margelle du puits où l'on récupérait l'eau de la Bouzaise qui coule sous le bâtiment.
La cour est un joli mélange entre le style bourguignon typique de la région, et un style flamand, que Nicolas Rolin a rapporté de ses voyages en Flandre.
Pureté des lignes...
L'ange à l'écusson tient les clés des Hospices...
Les Hospices de Beaune ont été fondés suite à la Guerre de Cent Ans, qui laissa beaucoup de familles dans la misère et la famine. C’est à cette époque que les époux décidèrent de créer un lieu pour recueillir et soigner les pauvres. Ils le dotent d’une rente annuelle grâce à des salines (appartenant à Guigone de Salins), et de ressources propres, grâce à la vigne. L’hôpital accueille son premier patient le 1er janvier 1452. Dès lors et jusqu’au XXe siècle, les sœurs des Hospices de Beaune prendront soin de nombreux malades dans plusieurs grandes salles.
Voici la salle des "Pôvres" : elle mesure 50 mètres de long 14 mètres de large et 16 mètres de haut. De chaque côté, des alcôves abritent une suite de 15 loges individuelles (mais parfois les malades pouvaient aussi y être à deux) tendues de rideaux rouges pour isoler du froid.
C'est le luxe !
D’habitude, dans un hôpital médiéval, les malades reposaient sur des paillasses à même le sol...
Le mobilier d'époque est resté, telle la vaisselle en étain sur la table de nuit. Des petites saynètes ont été reconstituées, comme ici cette religieuse tenant un Moine chauffe-lit (selon une légende, les moines, vivant dans un château, au service d'un seigneur, se couchaient dans le lit de ce dernier une heure avant lui, afin qu'il trouve sa place chaude.).
Notre guide nous parle aussi de la charpente magnifique, en forme de carène de bateau renversé.
Les poutres traversières sont décorées de dragons multicolores crachant du feu. De part et d'autre de petites têtes sculptées représentent des caricatures des bourgeois de Beaune. Leurs visages sont parfois des têtes d’animaux symbolisant leurs défauts ! (photo l'Œil d'Edouard)
Au fond de la salle des "Pôvres", une chapelle se tient derrière un jubé en bois sculpté : cela permettait aux malades d’assister aux offices depuis leur lit.
Sur le grand autel en marbre se trouve actuellement une copie du polyptyque du Jugement Dernier de Rogier Van der Weyden. Les malades pouvaient l'apercevoir de leur lit : on ne plaisantait pas avec la religion à l'époque...
Guigone de Salins repose ici dans la chapelle des Hospices.
Le pavage du sol représente le monogramme de Nicolas Rolin "Seule" signifiant que son épouse était la seule dame de ses pensées entourant le N de Nicolas et le G de Guigone.
Il y a aussi cette superbe plaque en fer forgé dont j'ai oublié la signification mais on y distingue un N et un R.
Nous quittons maintenant la salle des "Pôvres" en repassant par la cour d'honneur pour aller visiter la salle Saint-Hugues.
Dans cette salle, au-dessus de l’autel, entouré des deux anges en grisaille, "Le Miracle de Saint-Hugues" ressuscitant deux enfants morts de la peste.
La salle a été créée en 1645 et comprend quelques lits destinés à des malades plus aisés.
Elle est également nettement plus décorée avec de nombreux tableaux d’Isaac Moillon illustrant les miracles du Christ.
Au plafond, une grande toile marouflée représente l’épisode de la guérison du paralytique dans la piscine de Bethesda selon l'évangile de Saint-Jean.
La salle Saint-Nicolas était destinée aux malades les plus graves, agonisant. Après la visite en 1658 de Louis XIV, qui vit d’un mauvais œil la promiscuité entre les sexes, elle fut attribuée aux hommes. Grand prince, il donna une rente de 500 livres, pour de nouveaux aménagements. (photo Arnaud 25)
Il s'agit d'une très grande pièce actuellement convertie en salle d'exposition sur l'histoire des Hospices et de son vignoble.
Elle renferme une maquette en paille des Hospices exécutée par un malade au XVIIIe siècle en "paiement" de son séjour à l'hospice.
Au centre de la pièce, on peut apercevoir au travers d'une vitre la Boulaize qui servait alors pour l'évacuation des eaux usées.
Nous sommes pourvus de petits appareils nous permettant de ne pas louper une parole de notre guide qui nous donne plein de détails sur les instruments médicaux de l'époque. Hélas, mes facultés de mémorisation ne m'ont pas permis de les retenir...
Nous voici maintenant dans les cuisines qui, elles aussi, sont scénarisées.
Au centre, une immense cheminée à deux foyers équipée d'un tournebroche en acier brossé datant de 1698.
Il est animé par un petit automate "Messire Bertran".
La reconstitution est fidèle au tableau de Jean-Louis-Edouard Darviot (1897)
Notre guide nous fait remarquer les jolis robinets en "col de cygne" alimentant le "piano" de cette cuisine du début du début du XXe siècle. La cheminée est tapissée des fameux carreaux de faïence "Seule"
Nous ressortons dans la cour d'honneur pour rejoindre la Pharmacie.
Les Hospices possèdent une belle collection de bocaux en porcelaine, à l'ancienne.
Il y a ici de quoi tout soigner avec des poudres de Perlimpinpin !
Ici, c'est le coin du laboratoire.
Les sœurs y fabriquaient même des suppositoires !
Ce coffre du XVe siècle a par la suite été doublé d'étain pour la distribution des tisanes dans l'officine de la pharmacie.
La visite guidée se termine par la salle Saint-Louis où est exposé le retable de Rogier Van der Weyden : il s'agit du polyptique du Jugement dernier. J'ai remarqué dans cette pièce un joli manteau de cheminée et un plafond décoré.
Le polyptique est une commande de Nicolas Rolin pour son Palais des Pôvres où il était exposé derrière l'autel de la chapelle. Il rappelait aux malades le soin qu’ils devaient apporter à leur dévotion pour pouvoir atteindre la grâce et recouvrer la santé.
Ci-dessous le polyptique fermé, représentant Nicolas Rolin et Guigone de Salins agenouillés, entourant des saints.
Cliquez sur les images qui suivent pour les agrandir.
Si l'on peut voir de nos jours à la fois le polyptique fermé et ouvert c'est "grâce" au Musée du Louvre qui, lors d'une restauration, a scié le bois en deux... Cela n'avait pas l'air d'être du goût de notre guide !
Voici le côté de l'Enfer : le peintre a représenté ici le chaos.
et celui du Paradis : beaucoup plus calme.
Au centre, la traditionnelle pesée des âmes par Saint-Michel (?) surmontée par le Christ en manteau rouge. D'habitude, le fléau de la balance s'incline du côté du bien mais ici peintre a choisi de faire pencher la balance du côté du mal : le poids des péchés sur la conscience suffit pour faire tomber en enfer les damnés, rendus lourds comme du plomb.
A la fin de la visite guidée, la guide nous a bien sûr parlé des vins des Hospices de Beaune et de sa vente aux enchères annuelle.
Il est maintenant l'heure de se restaurer et, plutôt que de rester en ville, nous prenons la route des vins à la recherche d'une terrasse ombragée car il fait toujours super beau mais chaud ! Après Pommard, nous voici à Meursault, une petite commune qui a connu son heure de gloire grâce au cinéma : c'est ici qu'on été tournées, devant le superbe Hôtel de ville de la commune à la toiture en tuiles vernissées, plusieurs scènes de La Grande Vadrouille, le fameux film de Gérard Oury avec Bourvil.
La fontaine de bronze, œuvre du sculpteur Christian Maas (inaugurée en 2001) est une allégorie de la vigne. Elle représente une vigneronne entourée d’angelots représentant les quatre saisons.
En face, un petit restaurant dont la carte nous convient : Le Bouchon.
Nous avons choisi d'y commander des œufs en meurette, l'une des spécialités de la cuisine Bourguignonne : il s'agit d'œufs pochés avec une sauce au vin accompagnés de croutons grillés dans du beure. Un petit verre de Meursault en prime et le tour est joué. Cliquez ICI pour voir la recette des œufs en meurette.
Un vrai délice pour les papilles !
C'est sur cette note gourmande que s'achève cette très intéressante matinée de visite de l'Hôtel-Dieu de Beaune.