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Ciné Quartier 13

 La Mairie du 13ème organise cet été des séances de cinéma en plein air. Vous allez sûrement me dire "parce qu'à Paris, c'est l'été ?" Et bien disons que c'est le mois de juillet ! Ce samedi, c'est au square Paul Grimault, tout près de chez nous, que se tient la séance. Un écran géant y a été dressé et des chaises longues sont distribuées aux spectateurs en échange de leurs papiers d'identité. Evidemment, j'en prends une ! Une petite cinquantaine de riverains ont pris place dans les chaises longues et attendent patiemment le début des festivités prévu pour 22 heures.

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 22h30 : l'opérateur est prêt.

Action !

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 Après un court métrage qui ne m'embale pas et d'assez mauvaise qualité, entr'aperçu sur l'écran trop éclairé par les réverbères, la soirée commence vraiment avec le film de Géraldine Nakache et Hervé Mimran "Tout ce qui brille".

 Tout ce qui brille - Affiche

 Lila et Ely sont deux jeunes banlieusardes...

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 Pendant le premier quart d'heure, je n'accroche pas trop mais je persiste néanmoins et bien m'en prend car au final j'ai beaucoup aimé ce premier film.   La suite, c'est par la critique de Critikat.com (site que je consulte régulièrement pour me tenir informée de l'actualité cinématographique et auquel j'adhère en général) que vous la connaîtrez. Eh non : il n'y a pas que Télérama qui fasse de bonnes critiques !

 Il était une fois Géraldine Nakache, duchesse d’Aquitaine dans la série Kaamelott (Alexandre Astier, 2005-2009) et copine sympa dans Comme t’y es belle (Lisa Azuelos, 10 mai 2006). Dans son coin, l’actrice débutante écrivait un scénario : l’histoire de deux filles de banlieue rêvant de briller dans les soirées parisiennes. Comme Géraldine était peu aguerrie en matière d’écriture et de réalisation, elle sollicita l’aide de son ami Hervé Mimran, co-scénariste de Comme t’y es belle. Il ne restait plus à la jeune femme qu’à rencontrer la lumineuse Leïla Bekhti, avec qui elle allait former un duo à la fois comique et sensible. Ainsi devait naître la jolie surprise que constitue Tout ce qui brille.

 Pour Ely (Géraldine Nakache) et Lila (Leïla Bekhti), la vie dans leur cité de Puteaux n’a rien de triste ou de glauque : pas d’émeutes, pas de trafic de drogue, pas d’armes, pas de règlements de compte, pas d’affrontements entre filles et garçons, même pas de jalousies… Aucune des facettes des cités montrées par le cinéma sur la banlieue ces vingt-cinq dernières années. Entre les barres du grand ensemble baigné de soleil, la vie s’écoule tranquillement, trop tranquillement. Ely vient de perdre son emploi et de retrouver l’exiguïté de l’appartement familial. Lila vend du pop-corn dans un cinéma et vit avec sa mère, qui attend en vain le retour d’un homme parti au bled refaire sa vie avec une autre. Mais les deux copines ne se soucient guère de leur avenir professionnel et n’envisagent pas de travailler pour s’élever socialement. Pour elles, leur promotion passe par une vie nocturne trépidante dans la capitale et des retours matinaux dans une cité où l’on ne fait que dormir avant la prochaine virée. Armées de leurs talons aiguilles et de leurs it-bags, Ely et Lila se mêlent sans problème au jeune gotha parisien. Elles se lient ainsi d’amitié avec Agathe, créatrice de mode et Joan, mannequin. Les deux filles de banlieue vont utiliser ces femmes autant que celles-ci vont profiter d’elles, loin d’être dupes des mensonges de ces Cendrillons modernes. À trop vouloir approcher la lumière aveuglante de la superficialité, Ely et Lila vont se brûler les ailes, prenant en pleine tête les limites de leur identité sociale. Que l’une ait grandi dans une famille de culture juive et l’autre de culture musulmane n’a aucune importance. Les deux héroïnes de Tout ce qui brille s’inclinent seulement devant le Dieu de la consommation ! De La Haine (M. Kassovitz, 1995) à Comme un aimant (K. Saleh et Akhenaton, 2000), le cinéma nous a montré la frustration de garçons de banlieue face à une société de consommation, dont leur condition sociale ne leur permettait pas de profiter pleinement. À l’opposé de cette logique victimaire, Ely et Lila ont dompté à leur façon les règles du capitalisme et de la mondialisation. Elles se ruinent pour partager une même paire de chaussures de créateur, plutôt que de se priver de ce luxe. Heureusement, le film évite de porter un regard moralisateur sur la futilité et le matérialisme de ses personnages, échappant au risque d’un propos démagogique. Il se concentre sur la relation exceptionnelle, voire passionnelle, de deux êtres fragiles dont le salut réside dans une affection réciproque et sévèrement mise à l’épreuve. Les deux réalisateurs réussissent ainsi une comédie à la fois légère et intelligente. Géraldine Nakache et Leïla Bekhti parviennent à susciter une empathie sincère pour ces personnages de post-adolescentes en quête de reconnaissance sociale. Si le rôle de Lila offre à Leïla Bekhti quelques moments d’émotion (un registre qu’elle maîtrise bien), le film culmine dans les scènes de pure comédie. L’équipée comique est complète quand Ely et Lila sont accompagnées de leur copine Carole (Audrey Lamy), professeur de sport au débit de parole frénétique et d’une sincérité désarmante. La qualité de ce premier film réside dans l’efficacité de ses dialogues. Il n’est pas étonnant de lire dans le dossier de presse que Géraldine Nakache « voue un véritable culte au film La Haine de Mathieu Kassovitz », puisque Tout ce qui brille recycle clairement le verbe kassovitzien. Lila taxe Ely de « meuf en carton ! », comme en écho au « juif en carton » de Saïd à son copain Vinz dans La Haine. Mais au-delà du simple clin d’œil, l’écriture des dialogues recherche une même vivacité de langage. Ainsi les filles recourent au running gag verbal qui consiste à ajouter « c’est toi » au dernier mot prononcé par son interlocuteur, un tic langagier caractéristique de l’humour du deuxième film de Kassovitz :

La Haine – Dans la cité

Vinz : T’as vu la vache ?

Saïd : C’est toi la vache !

Tout ce qui brille – Sur un pont parisien

Lila : Tu sais même pas qui c’est Fanny Ardant !

Ely : C’est toi Fanny Ardant !

 Loin des préoccupations des personnages de Kassovitz, Ely et Lila ont cependant les mêmes réflexes de communication. Dans les deux cas, le langage tourne en rond comme pour venir concrétiser l’enfermement des personnages. Les deux filles ne trouvent pas

davantage leur place dans l’univers parisien que Vinz, Saïd et Hubert en leur temps, même si leurs aventures sont cette fois-ci bien plus sages et bien moins fatales.

 Certains relègueront Tout ce qui brille au « film de filles », rebutés par la débauche de sacs et de brillants à lèvres de ces princesses des cités. Mais le film interroge de façon intéressante l’identité féminine, dans une société où les magazines véhiculent l’image d’une féminité hyper-lookée et où les sites people traquent quotidiennement le moindre « fashion faux pas » de vedettes en tous genres. À revers de cette féminité sophistiquée, le prologue de Tout ce qui brille nous montre le corps féminin dans toute sa liberté. Les cheveux mal attachés, vêtues de survêtements, Ely et Lila imitent avec décontraction les stars féminines qui occupent tant les médias people. Les deux jeunes femmes moquent une féminité ostentatoire, qui ne cessera pourtant de les attirer et de les fasciner tout au long du film. Sur le ton de la comédie, Tout ce qui brille engage finalement à la réflexion sur le conditionnement culturel d’une génération de filles matraquées d’images et de propos contradictoires sur l’idée d’une féminité libérée.

 La critique est signée Carole Milleliri

 

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