Au début de la semaine, nous sommes allés écouter une conférence de l'Association Culturelle châtillonnaise de l'Université pour Tous sur les manchots. Nous nous sommes joints à la petite quarantaine de personnes qui s'étaient installées masqués dans la salle de la mairie réservée à cette manifestation, distanciation sociale respectée.

Jérôme Moreau, Docteur en Ecologie à l'Université de Dijon, avait préparé sa conférence en l'illustrant largement grâce à toute une série de diapositives et même quelques petits films qu'il a lui-même pris lors de ses expéditions en Antarctique.

Résumé de la conférence sur les manchots : 

  Quand on pense à un voyage en antarctique, on pense dans le même temps à rencontrer des manchots. Ces animaux peuvent être considérés comme une des espèces les plus emblématiques de ce grand continent blanc. Cette conférence sera l’occasion de rencontrer ensemble le monde merveilleux de ces différentes espèces d'oiseaux (car oui ce sont bien des oiseaux…), leur diversité mais aussi d’en apprendre un peu plus sur leur formidable adaptions à la survie dans des climats extrêmes.  

Jérôme Moreau est né en 1975 dans le centre de la France. Passionné depuis sa plus tendre enfance par la biologie et les animaux, il a réalisé des études en biologie dans différentes universités françaises (Orléans, Tours, Poitiers et Rennes). Il a ensuite poursuivi ses études par une thèse de doctorat en écologie avec comme spécialité l’écologie des populations animales en France puis en Suisse. Recruté en 2004 par l’université de Bourgogne à Dijon, il dispense des cours en écologie pour les étudiants. De plus, il réalise des programmes de recherche en écologie animale dans différentes parties du monde. Par exemple, les programmes de recherche l’amènent à réaliser périodiquement des missions scientifiques en arctique afin d’étudier les écosystèmes et sa faune sauvage. Fort de ses nombreuses connaissances et désireux de transmettre son savoir au plus grand nombre, c’est tout naturellement que Jérôme Moreau dispense des conférences en France sur différents sujets liés au problématique de l'arctique. Il est maître de conférences à l'université de Bourgogne et chercheur à l'UMR CNRS Biogéosciences et aussi membre du GREA (groupe de recherches en écologie arctique)

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Les manchots sont des oiseaux : ils possèdent donc toutes les caractéristiques de ces animaux (ils pondent des œufs, leur température est toujours de 38°C et ils ont des ailes). Cependant, les manchots ne volent pas, ils nagent : ce sont des oiseaux marins qui ne viennent sur terre que pour s'y reproduire.

Les pingouins et les manchots sont souvent confondus, la littérature en langue anglaise n'aidant pas à les différencier. Ainsi, le mot "manchot" en anglais est "penguin" qui est souvent traduit, à tort, par pingouin : ainsi le titre de cette affiche de cinéma dont le titre devrait être "Monsieur Popper et ses manchots" est-elle traduite par "Monsieur Popper et ses pingouins" sur le net.

Autre différence, et de taille : les pingouins vivent dans l'hémisphère nord alors que les manchots vivent dans l'hémisphère sud comme le montre cette diapositive.

Il existe toute une flopée d'espèces chez les manchots : je ne citerai que ceux que j'ai retenus tels que le manchot bleu (le plus petit), le manchot Adélie, le manchot papou, le manchot royal et le manchot empereur (le plus grand). Ils vivent tous en Antarctique.

Un manchot bleu

Des manchots empereur

Leurs caractéristiques communes

Ils mesurent entre 100 et 300 cms et pèsent de 25 à 40 kilos. Le manchot bleu avec ses 40 cms et ses 1,3 kg est le plus petit d'entre eux, le manchot empereur le plus grand.

Ils ont un corps fusiforme adapté à la nage, un long bec, des ailes petites et une courte queue. Leurs pattes sont disposées à l'arrière de leur corps. Tous ont le dos noir et le ventre blanc, ce qui leur permet de se protéger dans l'eau des prédateurs (vus de dessous dans l'eau, ils se confondent avec le blanc des faibles profondeurs, vus de dessus dans l'eau, ils peuvent échapper aux prédateurs marins grâce à leur couleur noire). Leurs ailes rigides sont très tranchantes.

Leur bec est marqué par leur régime alimentaire.

Avec un bec fort, ce sont des mangeurs de krill,

Avec un bec fin, des mangeurs de poissons.

Leur langue est râpeuse, pleine de picots inclinés vers l'intérieur de la bouche, pour mieux ingurgiter leur nourriture.

Leurs pattes courtes et palmées portent des griffes qui leur permettent de s'agripper sur la glace.

Ils ont une très grande densité de plumes, très courtes, larges et rapprochées, ce qui les rend imperméables à l'eau. La présence de touffes de duvet à leur base leur permet de piéger l'air chaud. Ils passent beaucoup de temps à les entretenir en les lissant avec l'huile secrétée par leur glande uropygienne située à la base du dos. Leur queue pourvue de plumes est très rigide, ce qui leur permet de s'appuyer sur le sol.

Les manchots ont une durée de vie plus importante que celle de la plupart des oiseaux (ils vivent de 10 à 20 ans) car leur maturité sexuelle n'intervient que vers 5 ans.

Ils se nourrissent de petits crustacés (ou Krill), de poissons et de calamars.

Leur reproduction

Les manchots, quand ils arrivent sur le site de leur reproduction, se réunissent en colonies.

Ils se livrent alors à des parades amoureuses pour former un couple (ce sont des animaux fidèles). Chaque année le mâle retrouve sa femelle mais des cas de divorce peuvent tout de même se produire quand l'un des deux, ayant attendu son conjoint trop longtemps lors de la période des amours, trouve une autre partenaire... Surviennent alors des combats à mort pour la possession de la femelle entre les deux mâles quand ceux-ci se rencontrent.

Ensuite vient l'accouplement qui est très périlleux pour le mâle car il doit se percher sur sa femelle afin que les deux cloaques soient réunis...,

La ponte de l'œuf arrive 24 à 48 heures après l'accouplement : le manchot royal ou le manchot empereur ne peuvent pondre qu'un seul œuf mais d'autres espèces de manchots peuvent en pondre deux.

Les manchots protègent l’œuf par un repli flasque de la peau abdominale. La partie intérieure de ce pli est une zone de peau sans plume fortement irriguée en veines et vaisseaux sanguins. Gorgée de sang, la chaleur du corps est transféré à l’œuf.

Lors de l'incubation, les deux parents alternent pour maintenir l’œuf au chaud sauf chez le manchot empereur où seul le mâle couve l’œuf. La passation de l'œuf d'un parent à l'autre pendant l'incubation est très délicate car si celui-ci tombe par malheur sur la glace, le poussin dans l'œuf meurt de froid.

La naissance du poussin s'opère au bout d'un mois environ (plus ou moins selon les espèces). Si deux poussins naissent, la sélection naturelle opère : seul l'un des deux arrive souvent à survivre car le père entraîne les deux poussins à courir derrière lui avant de le gaver et seul celui qui court assez vite est nourri : je vous laisse imaginer ce qui arrive à l'autre...

Le nourrissage des poussins par les parents : le parent qui a pêché en mer appelle son poussin en émettant un cri particulier que le poussin reconnaît et lui régurgite alors le produit de sa pêche dans le bec. Chaque couple parent-poussin a son espace propre au sein de la colonie.

Pendant que les parents sont en mer pour chercher leur nourriture, les petits de l'ensemble de la colonie sont rassemblés en petites colonies ou crèches, agglomérées pour lutter contre le froid et les prédateurs. Les parents prennent soin de leurs poussins pendant 7 à 8 semaines jusqu'à la fin de leurs croissance (13 mois pour le manchot empereur), suite à quoi les poussins sont aptes à prendre leur autonomie. Ils muent alors avant de partir en mer : cette mue est assez spectaculaire car ils perdent petit à petit leur duvet juvénile perméable pour se couvrir de plumes imperméables.

On peut alors voir de véritables autoroutes de manchots, ceux-ci se précipitant vers la mer jusqu'à la prochaine période de reproduction qui se fera au même endroit au sein de la même colonie.

Magique, non, quand on sait qu'ils sont partis pour nager pendant 5 ans !

Jérôme Moreau nous a aussi expliqué que les adultes muaient également après que les poussins soient partis vivre leur vie : cela leur permet de renouveler leurs plumes qui sont usées.

La communication

Elle est visuelle mais aussi auditive : chaque manchot a une vocalise particulière qui lui permet de se faire reconnaître de son conjoint et de son poussin.

La vie marine

Leur corps fusiforme et leurs ailes qui leur servent de nageoires en font d'excellents nageurs et plongeurs. Si un homme peut plonger en apnée jusqu'à 90 mètres environ, un manchot Adélie plonge jusqu'à 240 mètres et un manchot empereur jusqu'à 565 mètres de profondeur grâce à la réduction du rythme cardiaque de 100 à 20 pulsations par minute. Le record d'apnée est de 21 minutes.

Les prédateurs marins

Le plus sérieux est le phoque léopard ou léopard de mer qui mange 15 manchots par jour.

Il y a aussi le lion de mer qui surfe sur les vagues (ci-dessous), les orques, les requins blancs, les otaries...

Les prédateurs terrestres

Ce sont essentiellement des oiseaux : le plus sérieux est le goéland dominicain qui vole les œufs des manchots.

Il y a aussi le chionis qui lui, vole le bol alimentaire que le manchot est allé pêcher pour son poussin. Il attend que le parent le régurgite et le vole au passage au poussin.

Enfin, le pétrel géant ou le skua antarctique volent les œufs ou attaquent les jeunes poussins ou même les adultes.

L'adaptation au climat

Contre le froid, les manchots ont une graisse qui forme une couche isolante. Leur plumage est très dense aussi. C'est déjà bien mais ce n'est pas suffisant pour lutter contre les températures  extrêmes qui règnent en Antarctique.

Ils pratiquent aussi la thermorégulation sociale : ainsi les manchots empereurs forment-ils des colonies serrées appelée "tortues" qui - vous allez rire - semblent se déplacer. La raison en est simple : les manchots qui sont à l'extérieur n'ont qu'une idée, c'est de rentrer à l'intérieur tandis que ceux qui sont trop à l'intérieur étouffent de chaleur (il peut y faire 37°C) et cherchent à sortir.

Pour lutter contre la chaleur due au réchauffement climatique, les manchots ouvrent leurs ailes, ouvrent le bec aussi mais si la pluie survient à la place de la neige, c'est la mort assurée.

L'action des scientifiques

Ceux-ci doivent inventer des manières d'étudier les manchots car ils ne peuvent pas les étudier en mer : ce sont des animaux sauvages qui sont peu coopératifs et qui sont perturbés par la présence humaine. Pour peser les manchots, ils ont inventé un système qui se déclenche lors du passage d'une barrière : on pèse le manchot (pucé) à sa sortie et à son retour...

Merci à l'ACC pour cette conférence passionnante !