• L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Ce dimanche, l'entrée aux musées parisiens était libre comme chaque premier dimanche du mois. J'en ai profité pour aller à la Galerie des Gobelins, voisine de chez nous, visiter l'exposition en cours, "Créer pour Louis XIV" (les manufactures de la Couronne sous Colbert et Le Brun).

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Voici la façade de la Manufacture actuelle à la nuit, décorée de l'affiche de l'exposition.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    En 2019, la France fête en effet le quatrième centenaire de la naissance de deux acteurs majeurs de son histoire politique, économique et artistique : Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), ministre pendant plus de vingt années du règne de Louis XIV (1661-1683) et Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre du roi.

    L'exposition s'ouvre d'ailleurs sur un immense portrait à cheval de Louis XIV par Charles Le Brun. Pour croquer le cheval dans cette pose, il faut avoir le coup de crayon rapide !

    L'exposition "Créer pour Louis XIV" à la Galerie des Gobelins

    A l'entrée également, une reproduction d'un portrait de Charles Le Brun et un bureau dit "de Charles Le Brun" (vers 1700) qui semble postérieur cependant à la mort du peintre.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Portrait de Jean-Baptiste Colbert par Claude Lefebvre (1665-1666)

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    Au départ, il y a une ambition politique : faire de la France la puissance prépondérante de l'Europe. Louis XIV et son ministre, Colbert, veulent que l'architecture et le décor des maisons royales - Le Louvre, les Tuileries, Saint-Germain, Fontainebleau, Versailles - matérialisent cette ambition et dépassent par leur faste tout ce qui se voit à l'étranger. Les manufactures de la Couronne sont créées pour servir ce projet. Simultanément, Colbert entend que leurs productions soient une vitrine de l'industrie de luxe en plein développement. En s'inspirant des ateliers installés à la Grande Galerie du Louvre sous Henri IV, Colbert fait acheter l'enclos des Gobelins en 1662 et y rassemble des artisans et des artistes (lissiers, ébénistes, peintres, graveurs, sculpteurs, lapidaires et orfèvres) qu'il place sous la responsabilité de Charles Le Brun, le premier peintre du Roi. Ainsi naît la "Manufacture des meubles de la Couronne" organisée par édit de novembre 1667. La Savonnerie, manufacture de tapis située sur la colline de Chaillot, passe également sous le contrôle artistique de Le Brun. Ces manufactures d'Etat - de droit ou de fait - vouées d'abord à servir le roi et à alimenter le Garde-Meuble de la Couronne diffèrent des "manufactures royales", établissements privés auquel le pouvoir consent des privilèges et aides financières, et dont la vocation est la rentabilité économique.

    Acheté par le roi en 1662, l'enclos des Gobelins est situé dans le faubourg Saint-Marcel, à l'extérieur de Paris, le long d'une petite rivière, la Bièvre. Cette rivière est réputée depuis le XVème siècle pour la qualité de ses eaux utilisées par les teinturiers, notamment par la famille Gobelin, qui a donné son nom au quartier.

    Paris en 1672

    En 1, la manufacture des Gobelins,
    en 2, la Bièvre,
    en 3 la Savonnerie,
    en 4 le Louvre

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    Jean-Baptiste Tuby, sculpteur italien originaire de Rome, travaille pour Louis XIV dès 1660 et reçoit aux Gobelins un logement et un atelier vers 1664. Dans les années 1670, il participe à la réalisation du bosquet du Labyrinthe pour les jardins de Versailles. Ce bosquet, dessiné par André Le Nôtre, présentait 330 sculptures animalières sur le thème des fables d'Esope, écrivain grec dont s'est inspiré Jean de la Fontaine. Tuby dispose aux Gobelins d'une fonderie où il réalise une partie de ces sculptures en plomb, avant leur transport à Versailles. 

     L'amour dévidant le fil d'Ariane de Jean-Baptiste Tuby et sculpture du bosquet du labyrinthe illustrant la fable d'Esope "Le paon et le Rossignol" - plomb polychromé (1672-1674)

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

     Portrait présumé d'un orfèvre du roi (avant 1690)

    On ignore l'identité exacte de l'orfèvre représenté sur ce tableau. Serrant jalousement l'une de ses productions, il semble vouloir affirmer avec fierté son statut de créateur. Le vase en vermeil qu'il tient ne correspond à aucune pièce recensée dans l'inventaire de la Couronne, mais se rapproche stylistiquement des pièces d'argenterie produites par les orfèvres travaillant sous l'autorité de Charles Le Brun Pour cette raison, on a pu reconnaître dans ce portrait, tantôt Claude Ier Ballin (1615-1678) travaillant au Louvre, tantôt Alexis Loir (1640-1713) actif aux Gobelins. 

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    Reproduction du carton de la tapisserie "La visite du roi aux Gobelins" par Simon Renard de Saint-André (1613-1677) - après 1667

    Il s'agit d'une véritable galerie de portraits des hommes travaillant dans l'hôtel royal des Gobelins. Certains artisans, habillés plus richement que les autres, représentent sans doute les chefs d'atelier.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Je me suis rendue compte, en faisant ces recherches, que le carton était juste l'inverse de la tapisserie : élémentaire mon cher Watson mais je n'y avais pas pensé !

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    A la Renaissance, la technique de la marqueterie de pierre connait un renouveau. Le marbre vient de Rome mais aussi de Florence. Le lapis-lazuli, l'agathe, le jaspe et l'améthyste sont alors assemblés pour former des plateaux de table, des cabinets ou être représentés au murs, sous forme de tableaux.

    Table de Jean Ménard dit "Il franciosino" (dernier tiers du XVIème siècle)
    marqueterie de marbre

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    Cabinet en ébène, bois de violette, marqueterie de pierres dures, bronze doré, étain, verre, glace et corne teintée, piétement en bois sculpté et doré, partiellement polychromé (vers 1675)

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Détail du décor central : de jolies colonnettes torses garnies de pampres entourent une élégante marqueterie de marbres de Florence.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    J'ai flashé sur les pieds du cabinet qui, j'en ai bien l'impression, représentent les quatre saisons.

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    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Les familles des artistes vivant aux Gobelins forment une communauté soudée par les mariages et les baptêmes, célébrés dans l'église voisine de Saint-Hyppolite. Outre les artisans, l'enclos abrite un portier, un concierge, un jardinier, un chirurgien, un prêtre, un aumônier flamand et même une brasserie. L'effervescence qui règne dans l'enclos culmine au moment des fêtes et cérémonies : le carnaval, la Fête-Dieu, la Saint-Louis et la célébration du 1er mai donnent lieu à la création de décors éphémères.

    Dans la grande cour de l'Hôtel royal des Gobelins, les artisans élèvent un arbre de mai à Charles Le Brun, leur directeur.

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    Les portières sont des tapisseries qu'on plaçait devant les portes pour limiter les courants d'air.

    Portière de Mars

    C'est l'un des 67 tissages exécutés à la manufacture entre 1662 et 1724. Mars, dieu de la guerre, est assis sur ses trophées. En face, à côté d'une corne d'abondance, coiffée d'une couronne de lauriers, Minerve, déesse de la stratégie militaire et de la sagesse, tient une grenade dans la main.

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    Une tenture est un ensemble de tapisseries qui forme un cycle (les éléments, les saisons) ou une série d'épisodes qui se suivent (l'ancien testament, l'histoire d'Alexandre). La tenture des éléments comporte quatre tapisseries correspondant aux quatre éléments (l'eau, la terre, le feu et l'air).

    Tapisserie de la tenture des éléments
    (Atelier de haute-lisse de Jean de La Croix - avant 1680)

    Cette tapisserie évoque l'eau au travers de Neptune, dieu de la mer, et de la déesse Thétys. Ils sont assis sur un char en forme de conque tiré par des animaux marins. Thétys tient un bouclier portant le chiffre de Louis XIV (deux L entrelacés) surmonté d'une couronne et d'une devise latine qui démontrent que "Neptune n'a pas sur les eaux un domaine aussi absolu que celui que sa Majesté y possède" (Félibien). La tapisserie est inversée par rapport au carton qui est placé, en basse-lisse, sous le métier à tisser. Il en résulte une composition au sens de lecture contraire à celui du modèle peint, comme je l'ai observé plus haut.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Détail

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Après avoir visité le rez-de-chaussée, l'escalier monumental fait accéder à l'étage.

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    Des tapisseries décorent le palier à l'étage : la "tenture des Maisons royales" (Atelier de haute-lisse de Jean Lefebvre - avant 1683) met en valeur à la fois les palais et châteaux construits par les prédécesseurs de Louis XIV, mais aussi les productions emblématiques de son propre règne. Chacune des douze tapisseries est consacrée à un mois de l'année. Elles reflètent un mode de vie, la cour se déplaçant de château en château suivant les saisons.

    Le mois de mai, associé au signe zodiacal des gémeaux, représente la cour en promenade à Saint-Germain-en-Laye, lieu de naissance du monarque. Le château-neuf, construit sous Henri IV et reconnaissable à ses galeries en terrasse, ses parterres et ses jardins face à la Seine, n'existe plus aujourd'hui. Abritée sous une ombrelle, la reine Marie-Thérèse est représentée parmi les dames de la cour.

    Au premier plan, sont mis en valeur des objets précieux - pièces d'orfèvrerie du mobilier d'argent, tapis d'Orient, instruments de musique - ainsi que des animaux inspirés de la Ménagerie que le souverain possède dans les jardins de Versailles.

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    Quand on quitte le palier pour entrer dans le premier niveau, c'est un vrai choc tant la perspective est immense et le décor somptueux. En bout de pièce, un grand miroir agrandit encore s'il le fallait l'espace. Les immenses tapis présentés ici ont été tissés sur des métiers de 9 mètres de large. Ils garnissaient à l'époque la Galerie d'Apollon au Louvre.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

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    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Tapisserie de la tenture des Maisons royales : le château de Versailles, non encore achevé - mois d'avril - Atelier de haute-lisse de Jans fils (avant 1670)

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    Détail montrant la représentation d'animaux de la Ménagerie du roi et les objets précieux tels que les instruments de musique qui se trouvent toujours au premier plan sur cette série de tapisseries.

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    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    L'entrevue de Philippe IV et Louis XIV dans l'île des faisans (6 juin 1660)
    Tapisserie de la "tenture de L'Histoire du roi" (atelier de haute-lisse de Jans père)

    Le décor est traité avec minutie, depuis la tapisserie au mur, jusqu'au reflet des rois dans le miroir au centre.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Au premier plan, un buste de Jean-Baptiste Colbert par Antoine Coisevox (vers 1685)

    Antoine Coisevox est l'un des portraitistes les plus brillants du règne de Louis XIV. Aux Gobelins, il dispose d'un atelier voisin de celui de Jean-Baptiste Tuby. Au cours de sa carrière, le sculpteur exécute plusieurs portraits de Colbert dont celui-ci, réalisé après la mort du surintendant des Bâtiments du roi.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    Colbert est représenté richement vêtu, portant sur son manteau la broderie d'argent de l'ordre du Saint-Esprit. Par la concentration et l'acuité du regard du modèle, ce portrait évoque la politique ambitieuse portée par le ministre de Louis XIV.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

    En fond, la tapisserie de la "tenture de l'Histoire du roi" représente "la Visite du roi aux Gobelins" (tissage de 1673 à 1680). Il s'agit d'une célébration de la gloire du roi en tant que protecteur des manufactures.

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    Détail : on s'affaire fort ici...

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

     Devant la tapisserie, une grande table en marqueterie de marbre, absolument magnifique

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    Un détail...

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    A gauche de la tapisserie, une superbe horloge astronomique en ébène, écaille de tortue, corne bleue, lapis-lazuli, cuivre, bronze ciselé et doré est datée de 1699. Elle était destinée au Grand Dauphin, fils de Louis XIV. Par un ingénieux mécanisme, cette pendule indique la durée du jour et de la nuit selon les saisons, représentées sur le bas-relief inférieur.

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    Tapisserie de la "tenture de L'Histoire du roi" intitulée "L'audience du légat" (29 juillet 1664)
    (Atelier de haute-lisse de Jans fils)

    Le cardinal légat Chigi, neveu du Pape Alexandre VII, Présente ses lettres de créance et les excuses du souverain pontife à Louis XIV suite à une altercation qui avait opposé à Rome les gardes pontificaux aux serviteurs de l'ambassade de France.

    Cette tapisserie nous permet d'imaginer la chambre du roi-soleil...

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

     

    La scène se situe dans la chambre du roi à Fontainebleau : Louis XIV devant son lit prend place sur un élégant fauteuil alors que le cardinal, incliné vers le roi, est assis sur une simple chaise.

    L'exposition "Créer pour Louis XIV à la Galerie des Gobelins

     

    C'est toujours agréable de se trouver transportée par l'imagination dans une autre époque tout en gardant le confort de notre époque moderne...

    Une belle exposition comme sait toujours en faire la Galerie des Gobelins.


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