•   Le Musée Jacquemart-André est situé sur le Boulevard Haussman au N°158. Il s'y tient actuellement une exposition de l'un de mes peintres favoris, Eugène Boudin, un compatriote normand : c'est bien sûr le seul point commun que j'aie avec lui !

     Quand Edouard André épouse en 1881 Nelie Jacquemart, c'est plus qu'un couple qui se forme : c'est un couple de collectionneurs qui voit le jour. Ils se consacrent en effet entièrement à partir de ce moment à leur passion commune qui est de rassembler des oeuvres d'art. Et c'est dans ce magnifique hôtel particulier acheté en 1875 par Edouard André (héritier d'une famille de banquiers protestants) qu'ils choisiront de les exposer.

     L'aristocratie et même la grande bourgeoisie de l'époque (nous sommes sous Napoléon III), profitant des grands travaux de rénovation de Paris du Baron Haussman, n'a en effet de cesse de se faire construire des demeures toutes plus belles les unes que les autres. Edouard André confie le projet à l'architecte Henri Parent qui met un point d'honneur à réaliser un bâtiment aussi admirable que l'Opéra pour lequel son confrère, Charles Garnier, a été sélectionné.

     On accède à l'Hôtel par une rampe du plus bel arrondi. C'est là l'originalité de cette demeure : l'entrée ne se fait pas par la façade côté boulevard mais de façon plus spectaculaire par la cour.

     Allée du Musée JA

     Le Musée JA vu de la cour

     Le Jardin d'Hiver fut inspiré d'une mode anglaise qui s'était répandue dans la haute société parisienne. Sous la haute verrière, très à la mode à l'époque, avaient été installés palmiers, yuccas et fougères.

     Le jardin d'hiver 1

     Avant d'être introduits dans le Grand Salon, les invités du couple passaient par une sorte d'antichambre, le Salon des peintures. C'est ici qu'étaient rassemblées (et que sont toujours présentées) des oeuvres de Chardin, Canaletto, Boucher ou encore Nattier.

     Ici, au dessus d'une élégante console en marbre, un portrait de Mathilde de Canisy, Marquise d'Antin par Nattier (1738). Vous savez, celui du fameux "bleu"...

     Console au Portrait de Mathilde de Canisy

     Beaucoup de grâce dans cette "fillette aux tourterelles" de Luigi Pampaloni, un sculpteur florentin du XIXème siècle.

     Fillette aux tourterelles de Luigi Pampaloni

     Lorsque les invités avaient admiré les peintures, ils passaient alors au Grand Salon, pièce de réception par excellence. C'est une immense pièce tout en arrondi entièrement recouverte de boiseries dorées et qui accueille toujours une galerie de sculptures.

     Le grand salon

     On accède au premier étage de l'Hôtel par l'Escalier d'Honneur du Jardin d'Hiver. Celui-ci, à double révolution, est d'une très grande élégance avec une rampe en fer forgé ornementée de jolies dorures.

     L'escalier monumental 1

     L'escalier monumental 2

     Tout en haut de l'escalier, une fresque d'une très grande fraîcheur représente "La réception du Roi Henri III par le Doge Contarini". Les époux André, séduits par cette fresque du grand Tiepolo qu'ils avaient vue dans une villa vénitienne - la Villa Contarini - la font transporter à Paris afin de l'y installer dans leur Hôtel particulier en 1893... Remarquez l'effet de profondeur produit par les pieds du nain qui semblent sortir de la toile (en bas à droite).

     La fresque de Tieppolo

     A cet étage, deux salles consacrées à l'art italien que le couple affectionnait.

     J'ai été particulièrement touchée par cette "Vierge à l'enfant" d'Alessio Baldoviletti, peintre florentin du XVème siècle.

     Vierge à l'enfant - Alessio Baldovinetti 222

     Une autre merveille : ce plafond attribué à Girolamo da Santacruce (première moitié du XVème siècle) composé de panneaux circulaires et rectangulaires peints en camaïeu de grisaille sur fond bleu. L'encadrement "moderne" a été commandé par Nelie Jacquemart. Les sujets sont inspirés de l'astrologie, de la mythologie et des figures de l'Antiquité.

     Plafond-Girolamo-da-Santacruce.jpg

     Le reste de l'étage est consacré à l'exposition Boudin.

     Eugène Boudin est né en 1824 à Honfleur et mort à Deauville en 1898. Son père était marin sur les bateaux faisant la liaison Le Havre-Hamboug et sa mère y était femme de chambre. A 10 ans, il travaille comme mousse sur un bateau à vapeur assurant la liaison Le Havre-Honfleur puis son père l'établit comme commis chez un imprimeur. L'année suivante, il devient assistant dans une boutique de papeterie-encadrement et en 1844, à 20 ans, il fonde sa propre boutique où il expose les oeuvres des artistes de passage. C'est ainsi qu'il entre en contact avec différents artistes peintres. En 1846, à 22 ans, il abandonne définitivement le commerce pour s'adonner à la peinture.

     Grand peintre de marines, il est considéré comme le précurseur de l'impresionnisme.

      Honfleur, les premières années

     Eugène Boudin commence tout naturellement par peindre sa région natale, la Normandie. C'est ainsi qu'il exécute en 1858 un tableau intitulé "Fête dans le port d'Honfleur". On voit dans ce tableau sa connaissance des bateaux et son adresse à peindre les ciels : il va d'ailleurs être surnommé par Corot "le roi des ciels". Cependant, les contours sont imprécis, les reflets, les personnages, ne sont presque que de simples tâches de couleurs, preuves de la modernité de sa touche.

     Le tableau présenté provient de la National Gallery of Art à Washington.

     Fête dans le port d'Honfleur

     C'est au cours de l'été 1858 justement qu'il convertit à la peinture le jeune Claude Monet lors de son séjour à la ferme Saint-Siméon, auberge populaire et bon marché qu'il aimait à fréquenter : la spécialité de la maison était le maquereau à l'oseille et on y trouvait à l'époque le gîte et le couvert pour 40 francs par mois...

     Ici une aquarelle de Boudin peinte en 1867 représente quelques uns de ses amis dont Claude Monet (on suppose que c'est celui qui lève son verre).

     A la ferme Saint-Siméon

     Deauville et Trouville, les plages mondaines

     En 1860, la ligne de chemin de fer Paris-Trouville est inaugurée et la haute société parisienne envahit les bords de mer normands. Boudin peint "Plage aux environs de Trouville" en 1864. Les personnages du tableau, s'adonnant à la conversation mondaine, sont souvent représentés de dos. Les costumes sont minutieusement détaillés offrant comme une chronique de la mode du Second Empire. La mer n'est pas peinte mais juste évoquée par les cabines de plage, les ombrelles, les chaises et même les chiens de compagnie. Ici encore le ciel revet une grande importance puisqu'il occupe plus de la moitié du tableau (prêt de la National Gallery of Art de Washington).

     La plage de Trouville à l'heure du bain

     Pour aboutir à ces compositions peuplées de nombreuses figures dans lesquelles un ciel immense domine de vastes étendues de sable, Eugène Boudin réalise d’innombrables études sur le motif comme cette aquarelle intitulée "Lecture sur la plage" (collection particulière).

     Lecture sur la plage

     Boudin assiste aussi au développement de Deauville, station balnéaire lancée par le demi-frère de Napoléon III, le Duc de Morny.

     "Concert au Casino de Deauville" est l’un des exemples les plus aboutis de la scène de plage mondaine vue pas Boudin : la vie et le mouvement sont omniprésents. Seules les variations de la lumière sur ces figures mouvantes l’intéressent.

     Le tableau exécuté en 1865 provient de la National Gallery of Art de Washington et a été choisi comme affiche pour cette exposition.

     Concert au Casino de Deauville -1865

     Entre ciel et mer, les "beautés météorologiques"

     Eugène Boudin, qui travaille essentiellement d’après nature, multiplie les études de ciel, dont il décrit les variations au fil des heures et des saisons. Il utilise pour cela le pastel qui permet de saisir des instants fugitifs. Les séries de pastels qu’il réalise séduiront très tôt Charles Baudelaire qui les découvre dans l’atelier honfleurais du peintre.

     "Rivage" (vers 1888-1892) - Prêt de la Galerie de la Présidence à Paris

    Enfin un tableau qui est resté en France !

     Rivage---Pastel.jpg

     Le Roi des ciels

     À la fin des années 1860, Eugène Boudin délaisse les scènes de plage et, à la demande de l’un de ses marchands, il se tourne vers la peinture de marines que pratique déjà son ami Jongkind. Pendant une dizaine d’années, Eugène Boudin est un des seuls artistes français présent sur le marché de la peinture de marines et il remporte beaucoup de succès auprès des amateurs. Parmi ses acheteurs, on compte des grands noms de la scène, comme Feydeau ou Tourgeniev, mais aussi des auteurs, comme Dumas-fils. Les grands collectionneurs des impressionnistes, comme Hoschedé et Viau, acquièrent eux aussi des toiles de Boudin.

     Je trouve ce "Coup de vent sur Frascati" (Frascati n'étant pas ici la banlieue romaine bien connue mais un quartier du Havre où se situait un grand hôtel du même nom) bien représentatif de ce don de Boudin.

    Coup de vent sur Frascati

     Pas désagréable non plus cette "Marée montante à Deauville" (1894)

     Marée montante à Deauville - 1894

     Une vision poétique du quotidien : Berck, Trouville

     Après avoir représenté les élégantes des plages normandes, Boudin s’attache aux figures de la vie quotidienne des bords de mer. De toutes les plages du nord de la France, Berck est sûrement l'une de celles qu'il préfère. Il en peint les différents aspects, la plage, les dunes et surtout les pêcheurs.

     "Pêcheuses sur la plage de Berck" (1881) - National Gallery o Art de Washington. La plage est immense ici mais c'est à ce groupe de femmes que Boudin a choisi de s'attacher. Quelques traits suffisent à évoquer les silhouettes et à recréer l’atmosphère de l’attente, du repos, entre deux travaux de pêche : une oeuvre d'une grande intimité.

     Pêcheuses sur la plage de Berck

     Il n’est pas une année où Eugène Boudin n’aura passé une partie de l’été en Normandie. Son lieu de prédilection est Trouville qui lui offre de nombreux sujets à représenter : pêcheurs, laveuses, marchés…

     Ce tableau, ainsi que celui qui se trouve à ses côtés, montre des laveuses, mais dans des styles et un fini très différents. Dans le premier, il a laissé libre cours à son évolution stylistique tandis que dans le deuxième il compense l’apparente désinvolture de sa touche par une composition plus structurée, en partie grâce à des éléments architecturés comme le pont, parce que ses clients lui réclament des œuvres finies.

     "Laveuses" (vers 1885-1895) Musée d'Art Moderne du Havre

     Quelle modernité dans ce tableau !

     Laveuses.jpg

     "Le pont de Deauville" (1883) - Museum of Fine Arts de Boston

     Le-pont-de-Deauville.jpg

     "Je dois tout à Boudin" (Claude Monet) - Les variations

     Dès le début des années 1870, Eugène Boudin commence à peindre des variations autour d’un même motif. Ainsi les plages normandes à marée basse et à marée haute. Son goût pour l’étude de la lumière amène aussi Eugène Boudin à mettre très tôt en œuvre le principe de la "série". C'est d'ailleurs en s'en inspirant que Claude Monet, une dizaine d'années après Boudin, peindra la série des cathédrales de Rouen devenue si célèbre. Il déclarera d'ailleurs , bien après la mort de son prédécesseur : "Je considère Eugène Boudin comme mon maître".

     "La Cathédrale d'Abbeville de jour" (vers 1880)

     La cathédrale d'Abbeville de jour

     "La Cathédrale d'Abbeville de nuit" (vers 1880)

     La cathédrale d'Abbeville de nuit

     Un tableau de Boudin représentant l'église d'Honfleur a même été attribué à Monet par erreur : les deux tableaux sont pour la première fois présentés côte à côte dans l'exposition. Et pourtant l'un est bien signé Eugène Boudin et l'autre Claude Monet ! Il s'agit de deux représentations de l'église Sainte-Catherine à Honfleur.

     A gauche, le tableau de Boudin signé Monet, à droite le Boudin original...

     Le-clocher-de-Sainte-Catherine-a-Honfleur-par-Boudin-et-Mo.JPG

     Ce fameux tableau signé Claude Monet a été retrouvé par le fils du peintre après son décès dans sa maison de Giverny. Michel Monet en a alors fait don au Musée Eugène Boudin d'Honfleur mais pensant que son père en était l'auteur, il a apposé sur le tableau la signature des ateliers Claude Monet...

     La lumière du sud et les derniers voyages

     Très affecté par la mort de sa femme en 1889, Boudin traverse une période moralement difficile. En 1892, il doit se rendre dans le Midi pour des raisons de santé. Il se laisse séduire par "la clarté des ciels" sur la Côte d’Azur. Le climat est assez agréable pour lui permettre de finir ses œuvres en pleine nature, ce qu'il affectionne par dessus tout (il déteste peindre dans son atelier). D'abord déconcerté par la clarté de la lumière, il en est ensuite enthousiasmé : il peint dans des tons d’un extrême raffinement des paysages où la mer et le ciel semblent se mêler en une seule immensité comme cette vue d'Antibes.

     "Antibes - Les fortifications - effet de jour" (1893) - Paris Musée d'Orsay

     Antibes - les fortifications - effet de jour

     Mais il n'ignore pas que ses années sont comptées et en 1895 il part pour Venise sur les traces de Guardi dont il admire tant "la légèreté" et "l'habileté prodigieuse" . Il y surprend "des gris incomparables de finesse et de légèreté" et développe ces tonalités qui donnent une vibration particulière à ses dernières œuvres.

     "Venise - Le quai des esclavons le soir, la Douane et la Salute" (1895) - Musée national des Beaux Arts du Québec

     Venise le soir - 1895

     En 1896, Eugène Boudin écrit : "Le voyage à Venise aura été mon chant du cygne". Toutefois, en 1897, bien que déjà très affaibli, il entreprend un périple sur les lieux qu’il a aimés, Honfleur et la Bretagne. Il y esquisse plusieurs tableaux, telle cette vue de "La pointe du Raz" (Musée d’Art moderne André Malraux, Le Havre) dont la composition inhabituelle est un hommage à la série de peintures exécutées par Monet à Belle-Île, en 1886.

     La pointe du raz

     "Belle-île effet de pluie" de Claude Monet

     Claude_Monet_-_Belle-Ile-_Rain_Effect.jpg

     L'exposition dure jusqu'au 20 juillet...

    et pour le prix d'entrée, vous avez accès à tout le Musée.  

     Un vrai régal !


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  • C'est presque le temps des vacances... Pourtant, dans l'amphi Thévenin à Télécom Paristech, un public nombreux et attentif est venu écouter cet ultime concert de notre chorale. Le programme : identique à celui du Théâtre de La Cachette : on commence à le posséder grâce à Anne...

     Cette fois-ci, j'ai un bel enregistrement de "Summertime" par Laurence Groult.

    Et la chorale me direz-vous ? Et bien la voici dans "Le temps de l'amour", un morceau complexe qu'Anne Barbé, notre chef de choeur, a magnifiquement dirigé.

    En prime, une photo d'Anne et de ses acolytes, Laurence et Gabriel !

    Le der des ders... à Télécom Paristech

     Rendez-vous l'année prochaine pour une nouvells année en chansons !


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